Meurtre délibéré de Nahel à Nanterre : la France cède-t-elle à la propension répressive anti-jeunes et anti-arabe ?
La France vit sous tension, suite au meurtre d’un jeune de 17 ans, du nom de Nahel, tué lundi par balles à Nanterre par un policier à la gâchette facile. Ecroué, le policier devrait répondre de son ignominieux crime qui a provoqué, outre des condamnations unanimes en France même, mais à l’étranger, une émotion internationale et surtout des soulèvements populaires, avec cette interrogation incontournable : France, Etat de droit, pays des libertés cède-t-elle à cette propension répressive contre les jeunes, a fortiori des jeunes Maghrébins ?
Les autorités ont appelé au calme mercredi 28 juin après une nuit de violences urbaines en région parisienne, notamment à Nanterre, où Nahel, 17 ans, a été tué par la police après un refus d’obtempérer, un drame qui suscite une forte émotion à travers le pays, du chef de l’État jusqu’à la star du foot Kylian Mbappé en passant par la Première ministre Elisabeth Borne.
La France s’est en effet mobilisée tout entière dans ses diverses composantes, s’associant au deuil de la famille du jeune Nahel, condamnant dans un même élan l’assassinat ignoble du jeune garçon, abattu froidement. Si les policiers ont cru masquer délibérément le meurtre – et ils y ont presque réussi – une caméra d’amateur a pu apporter la preuve du meurtre délibéré et confondre ainsi les Députés et membres l’auteur du tir. Les membres du gouvernement ont observé en début d’après-midi de mercredi 28 juin une minute de silence dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, en hommage à l’adolescent, sans pour autant calmer la rue en pleine effervescence.
Condamnation sans appel d’Elisabeth Borne
« Les images choquantes » diffusées sur les réseaux sociaux « montrent une intervention qui n’est manifestement pas conforme aux règles d’engagement de nos forces de l’ordre », a estimé Elisabeth Borne lors des questions au gouvernement au Sénat. Dans la matinée, Emmanuel Macron avait évoqué un acte « inexplicable » et « inexcusable ». Des propos « inconcevables », a jugé dans la foulée Alliance, l’un des principaux syndicats de police.
De son côté, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, a annoncé la mobilisation dans la soirée de 2.000 policiers et gendarmes à Paris et dans sa petite couronne, 800 de plus que la nuit passée. « La mobilisation des forces de l’ordre sera renforcée partout dans le département » des Hauts-de-Seine, a également fait savoir le préfet, Laurent Hottiaux, appelant à « l’apaisement et à un « retour au calme ». A Nanterre, où les heurts ont été les plus violents la nuit de mardi à mercredi, plusieurs bâtiments publics et privés, parmi lesquels des écoles, ont subi d’importantes dégradations parfois irrémédiables, a déploré la mairie, appelant à arrêter « cette spirale destructrice ».
Les affrontements, qui ont commencé dès la fin d’après-midi, se sont terminés vers 3 h 30 du matin, et se sont étendus à plusieurs autres communes des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. À Mantes-la-Jolie (Yvelines), la mairie de quartier du Val-Fourré a été incendiée tout simplement. Des troubles et actes de vandalisme ont aussi été constatés en province, à Mulhouse, Dijon ou Bordeaux, selon une source policière.
Au total, 31 personnes ont été interpellées en France, 24 forces de l’ordre blessées légèrement et une quarantaine de voitures brûlées, selon le ministère de l’Intérieur.
Appel à une marche blanche
La mère de l’adolescent a appelé dans une vidéo postée sur TikTok à une marche blanche jeudi à 14h devant la préfecture des Hauts-de-Seine, tout près des lieux du tir mortel, en exprimant sa révolte. ;Cette affaire a relancé la controverse sur l’action des forces de l’ordre en France, où un nombre record de 13 décès a été enregistré en 2022 après des refus d’obtempérer lors de contrôles routiers.
Kylian Mbappé : « J’ai mal à ma France »
Elle a ému jusqu’au footballeur vedette du PSG et capitaine des Bleus, Kylian Mbappé. « J’ai mal à ma France. Une situation inacceptable », a notamment écrit le joueur sur son compte Twitter.
Un autre international français, le défenseur du FC Barcelone Jules Koundé, a lui déploré une situation dramatique. « Qu’une justice digne de ce nom honore la mémoire de cet enfant », a aussi tweeté l’acteur Omar Sy.
Le film des événements
La Défenseure des droits, Claire Hédon, a annoncé s’être saisie d’office de cette affaire. Rappelons que les faits se sont produits mardi matin près de la station de RER Nanterre-Préfecture. Dans un premier temps, des sources policières ont affirmé qu’un véhicule avait foncé sur deux motards de police. Mais, une vidéo circulant sur les réseaux sociaux, authentifiée par l’AFP, a montré qu’un des deux policiers tenait le conducteur en joue, puis qu’il a tiré à bout portant quand la voiture a redémarré. Dans la vidéo, on entend « tu vas te prendre une balle dans la tête », sans que l’on puisse attribuer cette phrase à quelqu’un en particulier. Nahel M. est décédé peu de temps après avoir été atteint au thorax.
Le policier soupçonné du tir mortel, âgé de 38 ans, est depuis interrogé par l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) dans le cadre de l’enquête pour homicide volontaire ouverte par le parquet de Nanterre. Sa garde à vue a été prolongée, a-t-on appris mercredi auprès du parquet de Nanterre. « C’est un brigadier de police aguerri, qui avait la confiance de sa hiérarchie », a dit sur CNews le préfet de police, Laurent Nuñez.
« Nous prendrons les décisions administratives de suspension si jamais des charges étaient retenues contre lui », a annoncé Gérald Darmanin.
Le drame a également provoqué de nombreuses réactions sur la scène politique.
Jean-Luc Mélenchon : « Assez ! Ces meurtres engagent l’autorité de l’Etat ! Cette police doit être entièrement refondée, ses meurtriers punis », a tweeté le leader de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon. Les représentants du RN Jordan Bardella et Sébastien Chenu ont invoqué « un drame, une tragédie » et ont demandé à respecter « le temps de l’enquête », ainsi que « la présomption d’innocence ».
Mardi peu avant 20 heures, les gendarmes ont été la cible de tirs de mortier de la part de plusieurs dizaines de personnes qui ont installé des barricades pour empêcher l’entrée au quartier, Les forces de l’ordre ont usé de gaz lacrymogène pour faire reculer la grappe de personnes.
D’après un journaliste de BFMTV présent sur place, les forces de l’ordre ont quitté le quartier sous la contrainte peu avant 20 h 40. Elles ont dû prendre la fuite devant la masse de jeunes révoltés et les sympathisants venus en masse manifester devant le commissariat de police de Nanterre en fin de journée. Ils se sont donné rendez-vous via les réseaux sociaux. Au cours de leur rassemblement, ces derniers ont scandé des slogans anti-police. La tombée de la nuit était redoutée dans ce quartier de Nanterre où la CRS 8, une unité spécialisée dans les violences urbaines, a été déployée. Un nouvel incendie s’est déclaré au cœur du vieux pont aux alentours de 21 h 50. Il s’agit d’un feu de véhicule. Les sapeurs-pompiers ont tenté d’entrer dans le secteur avant de rebrousser chemin.
Le New York Times épingle la violence policière qui enflamme la colère dans les banlieues (MAP)
Le quotidien américain New York Times a épinglé la violence policière en France qui enflamme la colère dans les banlieues
« La mort d’un garçon de 17 ans, tué par un policier en banlieue parisienne a enflammé la colère qui couvait depuis longtemps dans les banlieues avec lesquelles les relations entre la police et les habitants sont souvent empreintes de méfiance », écrit mercredi le prestigieux quotidien américain. La tragédie « a déclenché une nuit de violence et ravivé un débat de longue date sur l’utilisation de la force meurtrière par les services de sécurité du pays », ajoute la publication. Des manifestants ont brûlé des voitures et se sont affrontés avec des agents anti-émeute dans la banlieue parisienne à la suite de la mort du jeune garçon, indique le journal américain. Les premiers rapports, basés sur des sources policières, avaient suggéré que le conducteur avait percuté deux policiers avec sa voiture mardi à Nanterre, à l’ouest de la capitale, rapporte le quotidien.
Toutefois, poursuit le grand tirage américain, une vidéo publiée plus tard montre deux policiers en train de contrôler une voiture. L’un d’entre eux, accoudé sur le pare-brise, tient le conducteur en joue avec son pistolet et tire à bout portant depuis le côté du véhicule quand le conducteur redémarre. Cette vidéo a conduit à des accusations selon lesquelles la police avait agi de manière trop agressive, et les procureurs de Nanterre ont ouvert une enquête pour homicide involontaire, indique le journal américain.
La famille du jeune garçon a indiqué qu’elle allait porter plainte, accusant le policier de meurtre. Ce drame retient l’attention dans toute la France, y compris celle des célébrités, écrit le New York Times »
(Synthèse d’agences et correspondances particulières)