Migration : l’afflux migratoire vers les Canaries fait plus de 10 000 morts
L’écho d’une crise humanitaire qui s’aggrave jour après jour aux abords des îles Canaries. Cette année, plus de 10.400 migrants ont perdu la vie ou disparu en mer en tentant de rejoindre les côtes espagnoles, un bilan dramatique révélé par l’ONG Caminando Fronteras. Une trentaine de vies englouties quotidiennement, selon cette organisation qui lutte pour la protection des droits des migrants.
Le chemin de l’espoir, reliant les côtes nord-ouest de l’Afrique aux Canaries, s’est imposé comme une des routes migratoires les plus empruntées. Pourtant, c’est aussi l’une des plus dangereuses. À chaque traversée, le spectre des naufrages meurtriers plane. Jeudi soir, le gouvernement malien a confirmé la disparition de 70 migrants, dont 25 Maliens, lors d’un naufrage où seules onze personnes ont été secourues. Ce drame vient s’ajouter à une série noire qui, rien qu’au mois de décembre, a vu les sauveteurs espagnols porter assistance à sept embarcations en détresse en l’espace d’une seule journée.
Les statistiques du ministère de l’Intérieur espagnol dressent un tableau alarmant : 43.737 migrants ont accosté dans l’archipel entre janvier et mi-décembre, une augmentation de 18,6 % par rapport à 2023. La route des Canaries, moins surveillée que celle de la Méditerranée, attire malgré ses périls croissants.
Derrière ces chiffres se cache une réalité tragique. Selon Helena Maleno, coordinatrice de Caminando Fronteras, l’année 2024 est « la plus meurtrière depuis que l’organisation documente ces drames en 2007 ». Dans son rapport, l’ONG dénonce une « tragédie inadmissible » : 421 femmes et 1.538 enfants et adolescents figurent parmi les victimes, issues de 28 pays différents, principalement africains mais également du Moyen-Orient et d’Asie du Sud. L’océan Atlantique a été témoin du plus grand nombre de drames, avec 9.757 décès recensés.
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Ce bilan dépasse de 58 % celui de l’année précédente, où 6.618 migrants avaient perdu la vie ou disparu. Ces chiffres sont cependant bien supérieurs à ceux de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui estime à 16.400 les morts ou disparitions sur les routes migratoires africaines depuis 2014, incluant les traversées périlleuses vers les Canaries et les déserts inhospitaliers du Sahara.
Sur place, l’impact est lourd pour les autorités locales. Les centres d’accueil sont saturés, notamment ceux destinés aux mineurs non accompagnés. Face à cet afflux, des voix s’élèvent. Fin octobre, des milliers de résidents des Canaries ont manifesté pour exprimer leur mécontentement face à l’inaction perçue des autorités.
Le débat dépasse désormais les frontières de l’archipel. Lors de son traditionnel discours de Noël, le roi Felipe VI a évoqué l’immigration comme un défi majeur pour l’Espagne et l’Europe. « La manière dont nous aborderons cette question définira nos principes et la qualité de notre démocratie », a-t-il affirmé.
Une politique à contre-courant
Contrairement à d’autres dirigeants européens, le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez défend une approche positive. Mi-novembre, son gouvernement a adopté une réforme facilitant la régularisation de milliers de migrants, soulignant la nécessité d’une immigration régulière pour contrer le vieillissement de l’Europe.
Cependant, les tragédies maritimes montrent l’urgence d’une coordination internationale. Pour Caminando Fronteras, ce n’est pas seulement une question de politiques migratoires mais une obligation humanitaire de prévenir ces drames récurrents.
Sur les plages des Canaries, les vestiges de bateaux échoués rappellent les espoirs brisés de ceux qui cherchaient une vie meilleure. Mais à chaque départ, malgré les risques, des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants continuent de s’engager sur cette route mortelle, animés par l’espoir de toucher un jour la terre promise.