Migration : Le système d’asile britannique englué dans la crise
Englué dans la crise, le système d’asile britannique n’arrive pas à sortir la tête de l’eau. Chaque jour, le logement des demandeurs d’asile en attente du traitement de leur dossier coûte la faramineuse somme de six millions de livres sterling au Royaume-Uni, selon les chiffres de l’exécutif, qui peine à résorber un arriéré qui s’élève à plus de 170.000 cas.
Cette explosion des coûts s’explique par les retards record dans le traitement des demandes d’asile, explique l’organisme britannique de surveillance des dépenses publiques, qui a émis de sérieux doutes quant à la capacité de Londres à tenir sa promesse de venir à bout de ce problème en 2023.
Dans un rapport publié vendredi, le National Audit Office (NAO) a relevé que le ministère de l’Intérieur a dépensé 3,6 milliards de livres pour les coûts de soutien à l’asile en 2022-23. Ce chiffre est presque deux fois supérieur au montant dépensé en 2021-22 et dépasse de 2,2 milliards de livres celui qui était prévu, détaille le rapport, ajoutant que le financement supplémentaire requis a épuisé le budget d’aide à l’étranger du Royaume-Uni.
« L’un des facteurs à l’origine de l’augmentation des coûts est le retard dans la prise de décision en matière d’asile« , a estimé le NAO, déplorant une augmentation « constante » du temps nécessaire au traitement des demandes.
À la fin du mois de mars 2023, 129.000 personnes, soit 75% du total, ayant demandé l’asile avaient attendu plus de six mois pour obtenir une première décision. Ce chiffre était de 43% à la fin du mois de mars 2017 et de 61% à la fin du mois de mars 2020, détaille le régulateur.
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« Malgré les progrès récents, le programme de transformation du système d’asile est loin de répondre aux ambitions du gouvernement« , a commenté Gareth Davies, directeur du NAO, cité dans le rapport.
Le ministère de l’Intérieur a presque doublé le nombre de décisions prises chaque semaine, mais il n’est pas certain que cela suffise à résorber l’arriéré des décisions d’asile les plus anciennes d’ici à la fin de 2023, a-t-il ajouté.
« À ce jour, le programme n’est pas en passe de produire les bénéfices escomptés« , a-t-il tranché.
Le Premier ministre, Rishi Sunak, et la ministre de l’Intérieur, Suella Braverman, ont fait de la résolution de l’accumulation des dossiers un élément central de la refonte du système d’asile. Mme Braverman a même proposé une nouvelle législation qui, si elle est adoptée, interdira à toute personne arrivant au Royaume-Uni sans autorisation préalable de demander l’asile.
Mais pour le NAO, le fait de donner la priorité aux demandes anciennes entraîne un nouvel arriéré dans les demandes plus récentes, qui devrait passer de « près de 61.000 en avril 2023 à environ 84.000 d’ici décembre 2023« .
L’Organisme estime qu’il faudrait une moyenne de 2.200 décisions par semaine pour respecter l’engagement de M. Sunak de résorber l’arriéré d’ici la fin de l’année. Or, en avril, le nombre de décisions hebdomadaire n’était que de 1.310.
Interrogée mercredi par une Commission de la chambre des Communes, Mme Braverman a reconnu que le gouvernement n’atteindrait pas ses objectifs au rythme actuel. Elle a toutefois indiqué que son ministère continuait à augmenter le nombre de travailleurs sociaux et que le nombre de décisions en matière d’asile augmenterait « vers la fin de l’année« .
« Nous avançons dans la bonne direction« , a-t-elle assuré, tout en estimant qu’il ne sera jamais possible de résorber totalement le nombre de demandeurs d’asile, car « les bateaux continuent d’arriver » à travers la Manche.
En effet, le nombre total de migrants ayant effectué la périlleuse traversée de la Manche en direction du Royaume-Uni s’élève à plus de 10.000 cette année. Ces traversées clandestines à bord de petites embarcations atteignent généralement leur apogée durant la saison estivale. En 2022, un chiffre record de 45.000 passages avait été enregistré.
Un porte-parole du ministère de l’Intérieur a néanmoins assuré que « le projet de loi sur l’immigration illégale arrêtera les bateaux en plaçant en détention ceux qui viennent au Royaume-Uni illégalement et en les renvoyant rapidement dans leur pays d’origine ou dans un pays tiers sûr« .
En réaction au rapport de la NAO, le Home Office relevé que le gouvernement travaille « sans relâche » pour réduire l’arriéré des demandes d’asile et proposer des solutions moins coûteuses et plus ordonnées que l’hébergement en hôtel.
Parmi ces solutions, M. Sunak avait annoncé début juin la possibilité d’utiliser des installations comme des bases militaires désaffectées ou des barges à quai pour réduire la facture d’hébergement à l’hôtel des demandeurs d’asile.
Alors qu’une première barge d’une capacité de 500 places est attendue dans les prochains jours, le gouvernement va en utiliser deux autres, d’une capacité supplémentaire de 1.000 places, selon le leader conservateur, qui avait également évoqué deux sites supplémentaires à terre pour accueillir un total de 3.000 personnes d’ici à l’automne.
Véritable casse-tête des gouvernements conservateurs successifs, la question migratoire a été à l’origine de nombreuses polémiques, notamment avec le plan controversé d’externaliser les demandes d’asile au Rwanda. Une mesure visant à dissuader les personnes de venir au Royaume-Uni par des « méthodes illégales, dangereuses ou inutiles« , d’après le gouvernement, qui est toujours dans l’incapacité de mettre en œuvre cette stratégie face à l’opposition de la justice.
Avec MAP