Migration ou l’écho désespéré d’une jeunesse en quête de justice et d’espoir
CE QUE JE PENSE
Sous le voile épais du brouillard enveloppant le détroit de Gibraltar, des centaines de jeunes Marocains ont osé défier la mer, la nuit de dimanche au péril de leur vie, bravant les vagues traîtresses, portés par l’espoir vain d’atteindre les rives de Sebta.
Ces images, déchirantes et tragiques, diffusées sans relâche sur les réseaux sociaux, sont d’une douleur indicible qui nous interpelle toutes et tous. Ce ne sont pas de simples tentatives de fuite. Elles sont l’écho désespéré d’une jeunesse qui se sent trahie, abandonnée par son propre pays, et qui croit, à tort, que l’herbe est plus verte ailleurs. Sebta, ce lieu symbolique de tous les dangers, a été témoin d’un afflux sans précédent de migrants. Les autorités locales ont rapporté que des centaines de jeunes, -fuyant un avenir qu’ils jugent sans promesse-, ont risqué leur vie dans les eaux glaciales. Près de 300 mineurs ont atteint les côtes espagnoles, tandis que 350 autres ont été interceptés in extremis. Cette tragédie évitée de justesse n’est pas qu’un fait divers ; elle est la manifestation douloureuse d’un mal profond qui ronge notre société.
C’est dire qu’il y a pire que le désespoir : c’est se jeter, sans espoir, dans l’inconnu abyssal. Imaginez un instant ces jeunes, chacun luttant contre des vagues impitoyables, le froid mordant chaque fibre de leur être, et un courant traître les tirant vers un abîme sans fin. Ce n’est plus seulement une bataille pour survivre, c’est un combat perdu d’avance contre une force bien plus grande qu’eux. Ces jeunes ne fuient pas seulement un avenir incertain au Maroc, ils fuient la certitude d’une vie sans espoir, même si cela signifie affronter une mort probable.
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Il est vrai que la Guardia Civil espagnole a reconnu la « pression » croissante sur ses opérations, et a également salué la coopération cruciale des autorités marocaines. Toutefois, cette coopération ne doit pas masquer une réalité plus alarmante : celle de l’absence de solutions durables pour retenir ces jeunes au pays. Les images de ces jeunes visages, filles et garçons, trempés et épuisés, affrontant les vagues, tentant d’échapper à un avenir incertain, sont autant de cris silencieux qui devraient résonner dans chaque cœur marocain. Ce sont des images qui devraient nous hanter.
Force est de constater que la situation devient, chaque jour, plus intenable aux frontières de Fnideq et Sebta, ainsi qu’à Nador et Melilla. Les tentatives de migration se multiplient malgré le renforcement des mesures de surveillance. Mais ces efforts, bien que nécessaires, ne sont que des pansements sur une plaie béante. Le véritable problème est le désespoir grandissant au sein de notre jeunesse, qui se sent de plus en plus abandonnée. Cette jeunesse qui se lance à la mer ne cherche pas un mirage européen. Elle fuit notre pays qui, malgré ses innombrables ressources et opportunités, semble incapable de lui offrir un avenir digne à cause d’une gouvernance qui se cherche. Le taux de chômage, qui a atteint un pic de 13,1 % cette année, est le plus élevé depuis 2001. Cette statistique n’est pas qu’un simple chiffre ; elle est le reflet d’une génération sacrifiée, d’une jeunesse laissée pour compte malgré les appels incessants de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, qui n’a cessé de rappeler l’importance de mettre la jeunesse au cœur des priorités nationales.
N’oublions pas que le Maroc, cette nation de culture, d’Histoire et de potentialités infinies, est aujourd’hui sous les projecteurs de détracteurs et d’ennemis pour lesquels la stabilité du pays est un mal éternel. Notre pays, modèle de stabilité et de prospérité en Afrique, recule inexorablement dans les classements internationaux de gouvernance. L’indice Chandler, qui nous classe désormais 70e sur 113 pays, est une alarme que nous ne pouvons plus ignorer. C’est bien plus qu’un simple chiffre, c’est le symptôme d’un mal profond, d’une gouvernance qui ne répond plus aux attentes des Marocains.
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Il est impératif que notre gouvernement prenne conscience de l’urgence de la situation. Il ne s’agit plus seulement de contenir ces flux migratoires, mais de proposer un avenir meilleur à nos jeunes pour les retenir au pays. Le gouvernement doit mettre en place des politiques audacieuses, créer des opportunités réelles, valoriser les compétences, et offrir des perspectives d’avenir qui surpassent les illusions d’ailleurs. Nos jeunes ne devraient pas être contraints de choisir entre le danger de l’exil et le désespoir dans leur propre pays. C’est notre devoir, en tant que nation, de leur offrir des raisons de croire en un avenir meilleur, ici, sur leur terre natale.
Oui, au-delà du drame humain, nous devons tirer la sonnette d’alarme : si de tels faits se répètent, ils risquent de ternir irrémédiablement l’image du Maroc sur la scène internationale. Alors que notre pays se prépare à relever de grands défis d’ici 2030, ces images de jeunes fuyant leur propre terre pour un avenir incertain pourraient nuire à notre réputation et compromettre nos ambitions de développement. Le Maroc doit prouver au monde qu’il est non seulement capable de retenir ses talents, mais aussi de leur offrir un avenir digne de leurs espoirs. Il en va de l’avenir de notre nation et de la confiance que nous devons inspirer à l’échelle mondiale.
Il est temps de repenser notre avenir, de réinventer nos politiques, et de restaurer la confiance de nos jeunes. Il ne suffit plus de les empêcher de fuir, il faut leur donner des raisons de rester. Le Maroc mérite mieux, et sa jeunesse encore plus. Car c’est en investissant dans ces jeunes, en leur offrant des perspectives et un avenir digne de leur ambition, que nous pourrons éviter que de telles tragédies humaines ne se répètent.
Il est essentiel de rappeler que Sa Majesté le Roi Mohammed VI a toujours placé la jeunesse au cœur de ses préoccupations. Inlassablement, le Souverain a souligné l’importance de la jeunesse comme pierre angulaire du développement et de la prospérité du Maroc. Dans ses discours, le Roi a multiplié les appels à créer des opportunités pour les jeunes, à leur offrir une éducation de qualité, et à les intégrer pleinement dans la vie économique et sociale du pays. Le moment est venu pour notre gouvernement de se réveiller, de prendre des décisions audacieuses qui répondent aux orientations de Sa Majesté le Roi quant à l’implication des jeunes, et de prouver que le Maroc, berceau de civilisation, peut aussi être un phare d’espoir et de prospérité pour tous ses enfants.