LÉGISLATIVES 2016: Mode de scrutin et financement de la campagne électorale
A un mois des élections législatives, et alors que les partis politiques essaient désespérément de boucler leurs listes, il n’est question sur les terrasses des cafés que de la campagne électorale qui semble avoir démarré en catimini, prudence oblige. Toutefois, ce n’est pas le seul sujet de discussions qui préoccupent l’opinion publique. Un autre et non de moindre importance accapare l’attention. En effet, le mode de scrutin continue à passionner les débats.
Il faut savoir que c’est le mode de scrutin de liste proportionnel au plus fort reste qui a été retenu pour les législatives anticipées du 25 novembre 2011 qui sera en vigueur également pour celles d’octobre 2016. Un mode qui vise, assure-t-on, une répartition des sièges à pourvoir au prorata des voix obtenues par les listes candidates. Les sièges sont alors répartis jusqu’à ce qu’ils soient entièrement attribués.
C’est le même mode que celui qui avait été choisi pour les élections législatives de 2002 et de 2007. Dans sa finalité, indique un politologue, le scrutin de liste «est une révolution dont le but a été de freiner le flux des candidats sans appartenance politique (SAP)». Ces derniers avaient toujours su tirer profit de leurs statuts de notables locaux ou encore de leur situation sociale pour sortir vainqueurs des scrutins uninominaux. Pour rappel, c’est le gouvernement Youssoufi, soutenu par la Koutla, qui a instauré ce mode de scrutin qui, dans tous les cas de figure, ne permet à aucun parti d’avoir une majorité même toute relative.
Pour bien comprendre ce mode, prenons l’exemple d’une circonscription de 500.000 habitants qui compte 250.000 électeurs inscrits. Mais dont seulement 200.000 ont voté. Quatre listes sont en compétition pour y pourvoir 5 sièges (liste A, liste B, liste C et liste D). Après dépouillement, il s’avère que la liste A a obtenu 50% des voix (soit 100.000), la liste B 30% (soit 60.000), la liste C 15% (soit 30.000) et la liste D 5%. Cette dernière est automatiquement éliminée et n’aura donc pas de député du moment qu’elle n’a pas pu atteindre les 6% des voix, seuil de représentativité exigé au Maroc.
La répartition des sièges se fera donc entre les listes A, B et C. Et cela à travers le calcul du quotient électoral. L’opération consiste à additionner le nombre total des voix obtenues par les trois listes encore en compétition (soit 100.000+60.000+30.000) et à le diviser par le nombre de sièges à pourvoir (soit 5 sièges). Il faut donc au moins 38.000 voix pour remporter un siège. La liste A, avec 100.000 voix, aura donc dans une première étape 2 sièges (2 X 38.000). La liste B (60.000 voix) aura un député. A noter qu’à ce stade, la liste C avec 30.000 voix n’a pas encore de siège et qu’il en reste encore, dans cet exemple, deux à pourvoir. Au cours de la deuxième étape, il est procédé à la détermination des restes. Les deux sièges encore à pourvoir seront attribués en fonction des restes des voix et selon la règle du plus fort reste. Ainsi, la liste A aura un reste de 24.000 voix (100.000 – (2 x 38.000). La liste B, un reste de 22.000 suffrages (60.000 – (1 x 38.000). Quant à la liste C, du moment qu’elle n’a pas obtenu un siège, il lui reste 30.000 voix à faire valoir. Suivant la règle du plus fort reste, la liste C (reste de 30.000 voix) aura un député et la liste A (avec un reste de 24.000 voix) en comptera un troisième.
Autre exemple: une circonscription de quatre sièges mettant en lice cinq listes A, B, C, D et E, ayant obtenu respectivement 30.000, 55.000, 1.500, 3.500 et 80.000 suffrages. Au total cela fait 170.000 voix.
Pour être dans la course à la répartition des sièges, les cinq listes doivent d’abord obtenir au moins 6% des suffrages exprimés, soit 170.000 x 6% = 10.200 voix. Les listes C et D qui n’ont obtenu respectivement que 1.500 et 3.500 voix sont donc éliminées car elles n’ont pas pu dépasser le seuil des 6%, soit 10.200 voix.
Vient ensuite l’étape du calcul du quotient électoral qui se fait sur la base des seules voix utiles, en déduisant les voix des listes C et D qui ont obtenu respectivement 1.500 et 3.500 voix. Soit donc 170.000 voix – (1.500 + 3.500) = 165.000 voix. C’est ce dernier nombre qui est à diviser par les 4 sièges à pourvoir. On obtient alors un quotient électoral de 41.250 voix.
Ce que coûte une «petite» campagne électorale Trois millions de DH. C’est le budget minimum qu’il faut pour mener une campagne électorale ordinaire. Selon une source, habituée aux campagnes électorales, pour couvrir une circonscription de petite taille, il faut compter d’abord quelque 800.000 DH pour la confection et l’impression des banderoles, des flyers, des affiches et autres tracts. Il y a également les tee-shirts, casquettes et CD qui coûtent quelque 700.000 DH. Après, il y a les frais de carburant et de restauration des propriétaires des véhicules menant campagne pour une liste. En admettant qu’ils ne soient qu’une soixantaine, ils reviendront au moins à 600 DH X 60 X 13 (jours de campagne) = 468.000 DH. En outre, 150 (c’est un minimum) colleurs d’affiches et distributeurs des tracts recevront 400 DH X 150 X 13 (jours) = 780.000 DH. |
Dans le cas d’espèce, chaque fois que l’on atteint le quotient électoral de 41.250 voix, on a droit à un siège. Pratiquement, les listes B (55.000 voix) et E (80.000 voix) auront chacune un siège. Par contre, la liste A (30.000 voix) n’aura aucun siège mais verra toutes ses voix comptabilisées comme reste.
La liste B qui a déjà eu un siège pour avoir recueilli (55.000 voix) dispose d’un reste de 13.750 suffrages. Quant à la liste E (80.000 voix), elle remporte un siège tout en se prévalant d’un reste de 38.750 voix. Les deux sièges restants seront donc attribués respectivement à la liste E qui a disposé d’un fort reste (38.750) et à la liste A (30.000). La liste A aura donc un siège, la liste B également un siège alors que la liste E disposera de deux sièges.
Autre sujet d’intérêt pour l’opinion publique, le financement des campagnes électorales. On le sait, le gouvernement a mis en place tout un arsenal juridique pour verrouiller ce financement. Aucun dépassement, tant au sens propre qu’au sens figuré, ne sera permis. Le plafond des dépenses a, d’ailleurs, été fixé à 500.000 DH par candidat. Le Conseil de gouvernement a adopté dans ce sens, le 3 août dernier, quatre décrets qui déterminent les modalités d’organisation de la campagne électorale, prévue à partir de la 4ème semaine de septembre. Les différentes dispositions concernent le financement de la campagne. L’on veut verrouiller autant que possible le système dans l’objectif de prémunir les prochaines législatives de tout ce qui peut en entacher la transparence et la régularité. Et aussi pour garantir à défaut d’assurer un tant soit peu une égalité des chances entre les différentes formations politiques en lice pour ces législatives.
Aussi, pour le scrutin du 7 octobre, chaque parti aura droit à une subvention publique, répartie en deux tranches. La première, forfaitaire, est fixée à 750.000 DH pour chaque formation. Les partis pourront aussi demander une avance. Son montant ne doit pas dépasser 30% de la 2ème tranche de la contribution publique. Celle-ci est aussi répartie en deux tranches. La 1re est calculée sur la base du nombre de voix obtenues. La seconde est accordée en fonction du nombre de sièges remportés.
La nouvelle réglementation prévoit aussi des dispositions qui ambitionnent de renforcer la représentativité féminine au sein du Parlement. Au-delà de la liste nationale et celle des jeunes, l’Etat joue la carte de la motivation financière, pour pousser les partis à privilégier des candidatures féminines. Désormais, si une femme remporte un siège dans une circonscription locale, le montant de la dotation au titre de la 2ème tranche sera multiplié par 5. Le déblocage de ces montants est verrouillé par une procédure. Dès le versement de la contribution, le ministre de l’Intérieur est tenu d’adresser un état des lieux au premier président de la Cour des comptes. Le contrôle porte aussi sur la manière d’utilisation de cette subvention. Elle doit couvrir uniquement les dépenses liées à l’organisation de la campagne électorale, notamment les montants versés aux candidats, les frais d’impression des flyers et banderoles, d’affichage, d’annonces, en plus du paiement des rémunérations des personnes mobilisées lors de cette opération. Les sommes mobilisées par l’Etat devront aussi servir à financer l’organisation de meetings électoraux, la diffusion des messages publicitaires dans les radios privées, ainsi que l’achat des équipements dédiés à la campagne électorale.