Modèle d’exportation à l’horizon 2025 : les cinq convictions de Brahim Benjelloun-Touimi
Le Centre Marocain de Conjoncture (CMC) a organisé mercredi 26 juin une journée d’étude sur « Le modèle d’exportation à l’horizon 2025 ». Brahim Benjelloun-Touimi, Administrateur Directeur Général Exécutif du Groupe BMCE Banck Of Africa a présenté lors de cette rencontre sa vision de ce nouveau modèle. Voici le discours intégral.
Messieurs les Présidents, Messieurs les Directeurs Généraux,
Vous me faites l’honneur Président El Malki de me donner la parole juste après vous. C’est un honneur et un privilège pour moi de représenter celui que vous avez décrit Président El Malki comme ‘’pionnier’’ et ‘’entrepreneur’’ le Président Othman BENJELLOUN, Président de BMCE Bank Of Africa. Il devait être parmi nous, n’étaient-ce des conditions impérieuses qui l’ont éloigné de Casablanca.
Mesdames, Messieurs,
Quelle légitimité pour une institution comme la nôtre de prendre la parole dans ce Forum où se trouvent des économistes chevronnés ayant conduit des études approfondies dont vous avez dévoilé quelques-uns des résultats, Président EL MALKI.
En fait, la volonté Royale, en 1959 a fait qu’à l’occasion de la création de la Banque Marocaine du Commerce Extérieur, se soit inscrit dans l’ADN de cette Banque, la promotion des échéances du Maroc avec le reste du monde et, plus particulièrement, l’aide sous toutes ses formes et pas seulement en termes de financement, des exportateurs. Nous avons continué, après la privatisation de la BMCE en 1995, à souligner cette dimension dont nous sommes très fiers, à travers, notamment, l’érection du Département des Etudes et de la Documentation en Centre d’Intelligence Economique, dont nous avons le plaisir d’avoir, parmi nous, son Directeur.
Merci de faire confiance à notre institution pour partager un certain nombre de réflexions.
Permettez qu’elles soient celles d’un praticien banquier, également Economiste.
Vous avez posé la problématique de « comment nous pourrions opérer une transformation structurelle du tissu productif marocain et viser pour davantage de diversification et d’innovation et aboutir alors, à un Modèle d’exportation à l’horizon 2025 aux termes d’un Nouveau Modèle de Développement ».
La réflexion porta, également, quelles nouvelles frontières de possibilités pour le secteur exportateur et comment lever les contraintes et les débouchés à cet effet ?
Les travaux de cette journée ont prévu d’évoquer également quelles implications sur la croissance du niveau de vie et de l’emploi.
Compte tenu de la densité des sujets, je vais tenter d’esquisser des réflexions, sur la base de ce qui a été produit comme constats.
Grâce à Dieu, nous disposons au Maroc d’institutions comme le Centre Marocain de Conjoncture, qui examinent ces problématiques – là d’une manière extrêmement poussée.
Aussi, voudrais-je, pour ma part partager, avec vous, cinq convictions dont je formulerai parfois la teneur avec l’impression de ‘’raccourcis’’. En raison de la densité des thèmes, on ne peut réellement faire autrement.
Si je devais livrer des ‘’mots clés’’ de ces propos introductifs, ce serait :
- le mot ‘’renforcer’’, pas nécessairement ‘’disrupter’’ (‘’Disrupt en Anglais’’) qui n’existe pas en français ;
- le mot ‘’investissement’’;
- le mot ‘’Triangulation – et Leapfrogging’’, ce sera avec ces thèmes-là que je vais essayer d’étayer mes propos.
Pourquoi renforcer et pourquoi ne pas rompre ?. Je le crois parce que je crois ce Nouveau Modèle de Développement, à propos duquel il y eut tant de littérature et de réflexions produites ne sera pas tout à fait une rupture, compte tenu des choix pertinents d’ores et déjà entrepris par les plus hautes autorités du pays. Ces choix ont conduit à des réalisations remarquables mais qui ont atteint leurs limites.
Vous l’avez dit Président El Malki : Ce Nouveau Modèle de Développement ne signifie pas un renoncement des choix stratégiques. Le Maroc a fait de bons choix, la démocratisation, le libéralisme économique et social.
La première conviction : est de renforcer l’insertion de l’économie du Maroc dans ces Chaines Mondiales de Valeurs. Nous avons des exemples concrets. Tout à l’heure est prévue l’évocation de ces Chaines de Valeurs Mondiales, ce qu’un spécialiste de l’économie et du commerce international que j’ai eu le privilège, il y a près de quatre décennies d’en être l’étudiant M. Bernard LASSUDRIE DUCHENE qualifiait de Décomposition Internationale du Processus Productif.
C’est sans doute une expression plus moderne d’un concept très connoté, d’un point de vue idéologique qu’est la Division Internationale du Travail.
Les illustrations de cette insertion du Maroc dans ce système mondial de chaines de valeurs sont éloquents : l’Aéronautique, l’Automobile, (Peugeot et Renault). Cet écosystème est en même temps local, car il existe en effet au Maroc pour ces exemples-là. Il y aurait, également, une insertion à opérer dans l’écosystème international. Je lisais, l’autre jour, une interview de M. Le Ministre du Commerce et de l’Industrie. Il disait qu’au Maroc, ‘’nous construisons’’ l’équivalent d’avion. C’est une fierté. A l’avenir, l’ambition est plus importante encore. Cela démontre déjà que nous avons des entreprises marocaines importantes et apprenantes.
Comme il s’agit de se projeter à l’horizon 2025, il s’agit de chercher à travers cette expérience de Triangulation que le Maroc s’insère dans une Chaine Mondiale de Valeurs avec l’Europe, l’Asie parce que ce Continent sera le moteur du développement de l’économie mondiale pour, sans doute les deux ou trois décennies à venir ainsi qu’avec le ‘’recul stratégique’’ du Maroc qu’est le continent Africain.
C’est donc une triangulation à imaginer où des firmes seraient en train d’échanger entre elles, s’insérant dans cette Chaine de Valeurs. Ces investissements seront alors générateurs d’exportations pour le Maroc.
La deuxième conviction : J’utilise toujours le terme ‘’Renforcer’’. Et pardonnez-moi : je peux donner l’impression ‘’d’enfoncer des portes ouvertes’’. Il faut renforcer l’attractivité de ce pays. On n’a pas besoin d’être grand clerc pour connaître tout ce que produit la Banque Mondiale en termes de Doing business. En lui-même, ce programme peut représenter une belle composante d’un programme économique gouvernemental afin d’attirer davantage d’investissements directs étrangers (IDE).
Il est vrai que le taux de pénétration dans le PIB des IDE est encore relativement faible au Maroc. Si on veut rattraper les pays émergents, comme le disait en introduction M. EL MALKI, nous devrions voir au Maroc davantage d’industries. C’est le seul moyen de s’insérer dans ces Chaines de Valeurs Mondiales, génératrices d’exportations, génératrices d’échanges transfrontaliers. En nous projetant dans quelques années, il faut imaginer cette Triangulation entre le Maroc, l’Afrique et le reste du monde générateur et émetteur d’investissements.
Il y a donc l’industrie. Mais il devrait y avoir également l’Agriculture et l’Agro-alimentaire, ce qui va permettre à notre pays de contribuer à sécuriser davantage, sa sécurité alimentaire et celle de l’Afrique.
On observe à l’heure actuelle, un faible taux d’échanges intra-africains, 15%. Nous sommes, probablement, le continent le moins intégré régionalement. Depuis mai dernier, est rentrée en vigueur la Zone de Libre-échange Continentale en Afrique. Il faut espérer que les autres pays signataires, ratifient l’accord. Le ZLECA n’est pas une chimère : parfois c’est au prix d’utopies, d’utopies fondatrices qu’on fait avancer le monde.
La troisième conviction : J’utilise, toujours, le terme ‘’Renforcer’’. Il s’agit de renforcer le positionnement de l’économie marocaine et donc de nos investissements dans l’industrie propre et au-delà dans l’économie verdissante.
Ce n’est pas un choix de parti politique ‘’écologiste’’. C’est le bon sens de citoyen du monde et le bon sens de citoyen tout court, qui le commandent. Surtout que dans ces domaines-là, les jeux sont en train d’être faits mais ils ne le sont pas tout à fait encore !. Aussi, le Maroc pourrait-il avoir une chance de s’y positionner durablement d’autant qu’il a affiché des ambitions élevées en termes de Mix énergétique. C’est formidable : je crois qu’on affiche un Mix de 35%. Le ‘’Maroc Officiel’’ dit vouloir être, présentement, en 2020, à 42% puis en 2025 à 52%.
Ce choix-là hardi voulu par les plus hautes autorités du pays, est mis en œuvre par les autorités publiques avec l’implication de parties prenantes du privé. C’est un aspect fondamental.
Nous avons l’opportunité de choisir de bons partenaires et de nous engager alors davantage dans ‘’cette économie verdissante’’. C’est le transport vert, la valorisation des Matières Résiduelles, la gestion de l’eau. C’est, en définitive, une chaine de valeur verte.
Une quatrième conviction : Une source majeure des ‘’Maux de l’actuel Modèle de Développement, qui a montré ses limites, est l’échec du bilan de l’Education publique au Maroc. Il faut alors renforcer l’investissement de l’économie du savoir, l’économie des compétences et l’économie de la connaissance.
Les spécialistes de l’Economie du développement nous l’ont appris – et là c’est l’ancien étudiant qui parle : des pays comme le nôtre, peuvent faire des ‘’sauts de grenouille’’. ‘’Leapfrogging’’. En même temps, ‘’vous avez le beurre et l’argent du beurre’’. On peut ‘’faire de l’industrialisation’’ et, en même temps, développer les services, sans nécessairement passer par l’étape industrielle.
Il ne s’agit pas des ‘’services classiques’’. Tant mieux et on est heureux au Maroc, d’avoir des Transports modernes-, et un tourisme dynamique comme services classiques. Cependant, il faut investir dans les ‘’Services Distants’’, tout ce qui est relatif à l’IT, la Robotique, le Big Data.
Il faut développer l’incubation des sociétés technologiques afin qu’elles puissent œuvrer à la digitalisation des divers secteurs de l’économie marocaine et je dirai aussi de l’économie africaine.
En définitive, la promotion de ces services qui représentent un relais de croissance pour nos exportations.
La cinquième et dernière conviction : a rapport au renforcement de l’investissement dans un domaine où l’on quitte l’économie stricto sensu.
Au cœur de notre Nouveau Modèle de Développement, mon sentiment le plus profond est qu’aux côtés de l’économie verte ou même bleue (en rapport avec l’eau) se trouve le capital immatériel. Il est vrai que le Maroc a investi dans le capital financier. Nous sommes fiers de ce que le système financier a pu réaliser au Maroc. C’est tout de même un secteur moderne, le plus ouvert de l’économie marocaine, opérant aux normes internationales. Il est le garant de la solidité de l’économie marocaine. Il y a encore à faire et l’on peut en parler.
Le Maroc est en train d’investir dans le capital industriel. Il en faut davantage. On est en train – et j’en parlais à l’instant – d’investir dans le capital environnemental. Il s’agit d’investir davantage dans les deux autres formes de capital que sont le capital immatériel et le Capital Humain.
Une étude de la Banque Mondiale, commanditée par les plus Hautes Autorités du pays, avait montré que le volume du PIB du Royaume pouvait être significativement revalorisé en prenant en compte ce capital immatériel ( le capital institutionnel, civilisationnel et historique).
Nous sommes une vieille nation et un pays jeune, où, à travers l’histoire, plusieurs dynasties se sont succédées.
La fondation de la nation marocaine date de 808, avec la première dynastie Idrisside. La dynastie alaouite règne sur le pays depuis 1664, sans doute est – elle la plus vieille monarchie au monde.
Ce sont autant d’atouts, elle représente le ciment du Maroc.
Le Capital immatériel : c’est cela aussi. Il s’agit de consolider l’attractivité du Maroc dans ces aspects – là qui vont au-delà des ‘’Doing Business’’, au-delà de tout ce que l’on peut faire dans le domaine strictement économique.
Cette attractivité du Maroc se trouve aussi dans son image, ses traits civilisationnels, sa cuisine, ses chants, sa culture. Il s’agit d’accompagner par des actions dans ces domaines, le rayonnement de l’économie marocaine résultant d’un strict point de vue industriel ou de services.
Nous disposons alors d’un gisement d’exportation de savoirs-faire et de talents. Oui, la mobilité des femmes et des hommes en dehors de ce pays, ce n’est pas que du ‘’Brain Drain’’. Quand ces jeunes – là partent, ce peut être autant d’Ambassadeurs. On peut en parler en tant que praticiens de la Migration. Les Marocains gardent le lien avec leur pays avec autant de mérite, que lorsqu’ils ne sont pas de confession musulmane.
Vous voyez, Mesdames, Messieurs, en égrenant ces cinq convictions j’ai répété plusieurs fois le terme ‘’Renforcer’’ ainsi que le mot ‘’investissement’’.
L’institution que je représente aujourd’hui a-t-elle la légitimité d’évoquer tout cela ?.
En tant qu’opérateur privé (et nous ne sommes rien d’autre), « nous disons ce que nous faisons et faisons ce que nous disons ».
Ce n’est pas ‘’une séquence – publicité’’. Je pense qu’en consultant le Rapport du Développement Durable du Groupe BMCE Bank Of Africa, on y relèvera qu’est promue la Finance à Impact, la finance verdissante. Nous avons des choses à raconter. Nous avons un leadership dans ce domaine.
On relèvera également dans ce Rapport que la Fondation BMCE promeut un programme, qui, depuis bientôt 19 ans, développe un Nouveau Modèle d’Education dont le socle est le Prè-scolaire. Grâce à Dieu, l’éducation publique y est enfin arrivée après tant d’années. L’expérience de la Fondation était à portée comme un champ d’expérimentation.
On peut pareillement relever que BMCE Bank promeut les biens culturels de ce pays. C’est tout un sponsorship d’événements que le Président BENJELLOUN endosse.
Lorsque la Banque promeut l’entreprenariat à travers l’African Entrepreneurship Award – AEA – ou d’autres formes d’initiatives favorisant l’entreprenariat, comme le développement d’incubateurs au sein des Universités ou de grandes Ecoles de Commerce, je crois que nous essayons, à notre mesure, d’illustrer que nous faisons ce que nous disons et disons ce que nous faisons.
Voilà Président El Malki les quelques convictions qui m’ont animées et que je voulais partager avec vous.
Je vous remercie.