Mohamed Boussacsou ou le focus palmier
Par Abdessamad MOUHIEDDINE*
Mohamed Boussacsou est arrivé à la photographie par la « sublime porte » de Mère Nature. Ses photographies célèbrent les précieux arécacées dont s’enorgueillit à juste titre Marrakech, la ville du palmier, sa ville natale. Focus.
Jusqu’aux confins des années 80 du siècle dernier, il existait au Maroc un esprit volontariste et altruiste au sein de la galaxie culturelle. Les ciné-clubs, les troupes de théâtre amateur, les associations vouées exclusivement à la salubrité et, plus globalement, au bien public pullulaient. En ces temps-là, il était inconcevable et même considéré comme quasi délictuel de prétendre à quelque gain lucratif dans le bénévolat artistique et culturel. Pour les animateurs et les membres de ces structures vouées à l’éducation et l’instruction des masses, cela relevait du militantisme patriotique.
Mohamed Boussacsou a grandi et émergé de cette galaxie où la culture exclusivement…culturelle primait sur la culture…du business !
En effet, ce pédagogue, qui a voué la fleur de l’âge à l’enseignement puis à l’encadrement de ses pairs, a longtemps évolué dans la sphère théâtrale en rejoignant les plus célèbres troupes théâtrales marrakchies ou en cofondant d’autres. « Ma véritable grande école où j’ai appris l’alphabet du vivre-ensemble », affirme-t-il.
Bien que cinéphile alerte, fin comédien et blagueur intarissable, Mohamed Boussacsou a fini par s’enticher de la splendeur du patrimoine national sous toutes ses coutures.
Il ne cesse de l’admirer, le célébrer et le scruter. Qui plus est aux côtés d’éminents intellectuels dont le moindre ne fut sûrement pas feu Juan Goytisolo dont il était resté l’ami et le confident jusqu’à sa mort le 4 juin dernier.
Mais il est un compagnon autrement plus percutant dont ne se sépare jamais Mohamed Boussacsou ; il s’agit de son appareil photo qui lui est ce que la plume est à un écrivain. Que de moments, de monuments, de postures ou de spectacles ainsi consignés au moyen du focus !
Et puis un jour, face à la majesté du palmier qui fut la génétique genèse et demeure la caractéristique dominante de la ville de Marrakech, l’idée lui est venue de mettre l’image au service du patrimoine palmier. Cette idée, voulue bienveillante et généreuse dès les premiers clics, a engendré une œuvre photographique époustouflante. De quoi animer une série d’expositions à travers le Maroc et à l’étranger.
A l’heure où le souci écologique conquiert fort heureusement les préoccupations des élites et des opinions publiques à travers notre planète, la célébration de cet héritage attaché jusqu’à l’âme marrakchie est la bienvenue quant à la prise de conscience des périls qui guettent nos palmeraies.
Chacune des photos de cette exposition raconte la posture, l’âge, l’état de santé ou de délabrement, la fertilité ou l’infertilité, l’environnement paysager ou, tout simplement, la beauté naturelle du palmier. En résultent des images enceintes de beauté et, souvent, d’enseignements.
Mohamed Boussacsou démontre ainsi sa capacité à mettre en scène ce patrimoine qui fait la fierté de sa ville natale et d’ailleurs gratifie le Maroc tout entier d’un puissant et valeureux attribut distinctif.
C’est ainsi qu’on sort si enchanté de cette exposition et cela nous change des affres de notre monde devenu si périlleux !
*Anthropologue, écrivain & journaliste