Mohand Laenser : La régionalisation avancée, un chantier de règne

SPÉCIAL FÊTE DU TRÔNE

Par Mohand Laenser

Immédiatement après son indépendance, le Maroc a engagé un processus de décentralisation qui en fit un pionnier dans la région.

Un premier dahir créant les collectivités locales a vu le jour en 1959, suivi, en 1960, d’un dahir portant organisation des communes. Mais c’est la Charte Communale de 1976 qui est considérée comme le texte fondamental de la décentralisation. 

Très rapidement, il est apparu que la commune, même exerçant un grand nombre de compétences, restait un espace étroit pour la prise en charge du développement économique et social du territoire. D’où l’idée de créer un échelon supplémentaire entre les communes, les conseils provinciaux et l’État.

Une première expérience de régionalisation a été tentée au début des années 70 du siècle dernier, avec la création de sept (7) régions économiques. L’objectif principal était la planification du développement, mais la région demeurait un échelon administratif sans statut juridique. Ce sont les réformes constitutionnelles de 1992 et 1996 qui ont érigé la région au rang de collectivité locale autonome. En 1997, la régionalisation était lancée et seize (16) régions ont été créées. La région avait, enfin, un statut, des compétences et jouissait d’un certain degré d’autonomie, du moins au niveau de l’Assemblée délibérative. Mais cette nouvelle collectivité faisait encore face à plusieurs contraintes, notamment, la modicité des ressources financières et l’octroi de la qualité d’ordonnateur au Wali. Après trois mandats, la région finit par perdre son attrait.

La régionalisation avancée

Cette situation n’a pas échappé à SM Le Roi Mohammed VI, qui, au lendemain même de son accession au trône, montrait sa volonté de pousser plus loin la décentralisation et la démocratie locale. En octobre 1999, SM le Roi déclarait, à Casablanca : « La décentralisation ne peut atteindre les objectifs escomptés que si, parallèlement, est engagé un processus de déconcentration qui implique le transfert des attributions de l’administration centrale à ses délégués locaux ».  La Charte communale de 1976 est amendée et enrichie en 2002 et 2009. Les appels au renforcement de la décentralisation et de la déconcentration n’ont pratiquement jamais été absents des discours adressés à la Nation ou au Parlement.

Constatant la persistance des déséquilibres territoriaux, SM Le Roi Mohamed VI annonçait, dans son discours du Trône du 30 juillet 2009 : « Dans Notre résolution à promouvoir la gouvernance territoriale, Nous avons décidé de lancer un chantier fondamental de réformes, en l’occurrence la mise en place d’une régionalisation avancée qui, Nous le souhaitons, marquera un saut qualitatif dans le processus de démocratie locale. À cet égard, Nous comptons procéder, sous peu, à l’installation de la commission consultative sur la régionalisation. »

Le rapport de la Commission présenté à SM Le Roi, en 2011, a inspiré la rédaction du titre IX de la constitution consacrée aux collectivités territoriales et a servi de fondement au contenu des lois organiques de 2015.  

La loi organique 111.14 concernant la région a apporté des changements majeurs, notamment en matière de gouvernance. Les conseillers régionaux sont élus au suffrage universel direct. La loi a renforcé le rôle de l’exécutif régional. Le principe de la libre administration et de l’autonomie est affirmé ; la tutelle est supprimée et le rôle de la justice reconnu dans les différends entre pouvoir élu et pouvoir désigné. Les compétences de la région ont été étendues et la participation des citoyens est devenue une obligation légale.

L’objectif principal visé est de corriger les disparités territoriales dans le cadre d’une démocratie participative.

Depuis la mise en place de la régionalisation avancée en 2015, SM Le Roi Mohammed VI n’a pas cessé de suivre l’évolution de ce nouveau mode de gouvernance territoriale qui correspond à l’Idéal Royal de décentralisation effective du pouvoir. Nombre d’actes symboliques en témoignent, comme l’Audience Royale accordée le 17 octobre 2015, aux présidents de région, ou encore la place accordée à la régionalisation avancée dans tous les Discours du Souverain. Il a, notamment, déclaré dans le discours adressé au Parlement, en 2017 : « Nous donnons nos orientations au gouvernement pour établir un échéancier rigoureux de parachèvement de la régionalisation avancée ». Dans un autre discours adressé aux participants au 1er Colloque sur la régionalisation avancée en 2019, SM Le Roi a dit : « Notre Haut Patronage témoigne de l’intérêt éminent que Nous accordons à ce grand chantier structurant et stratégique, depuis que Nous avons procédé à son lancement ».

Forte de cet appui Royal, la régionalisation avancée, qui, malgré certaines faiblesses, est déjà un exemple pour beaucoup de pays africains et arabes, devrait connaître un fort ancrage et être un levier de développement durable et équilibré de notre pays.

(*) M. Mohand Laenser, Ancien ministre de l’Intérieur, ex-président de la Région Fès-Boulemane, ancien ministre de l’Agriculture et du Développement rural, ex-président de l’Association des Présidents des Régions (ARM)

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