Naïma M’Faddel : Une femme engagée, bientôt députée des Français du Maroc ?
Propos recueillis par Valérie Morales-Attias
Entre 2 et 3,5 millions de Français sont établis à l’Etranger et près de 160 000 d’entre eux sont inscrits dans la 9e circonscription (Maghreb et Afrique de l’Ouest). Dans quelques mois, les Français du Maroc vont devoir élire au suffrage universel le député chargé de les représenter à l’Assemblée nationale. Naïma M’Faddel est la candidate du parti Les Républicains. Interview d’une femme engagée qui se définit comme une «gaulliste sociale».
Dans son livre Et tout ça devrait faire d’excellents Français, co-écrit avec Olivier Roy (Édition du Seuil, mai 2017), Naïma M’Faddel commence ainsi : « Cela fait vingt ans maintenant que papa nous a quittés. Dernièrement, j’ai retrouvé́ un amas de papiers avec des notes griffonnées en arabe. Certainement écrites pendant qu’il contemplait son petit potager, son « coin de terre », seul moment de répit après des heures de labeur à l’usine. Je l’imagine fumant sa Gauloise sans filtre. Sa recommandation obsessionnelle : ne pas oublier le pays de nos ancêtres, le Maroc et aimer la France, le pays qui nous nourrit. Avec son esprit pragmatique, mon père pensait certainement aux nourritures terrestres. Moi, des années plus tard, je ne peux m’empêcher de penser aux nourritures affectives qui nous lient à la France. Un lien que je ressens très fort, certainement pas étranger à cette recommandation de mon père, tant de fois répétée.»
La double identité culturelle franco-marocaine de la jeune femme est probablement la raison de son engagement, aujourd’hui, à servir ses compatriotes expatriés. Naïma M’Faddel l’essayiste, est aussi Conseillère sur les questions liées aux quartiers populaires, aux questions sociales et de cohésion nationale. Elle est titulaire d’un master de sociologie appliquée à l’intervention sociale et d’un diplôme européen de Coach consultant. Très jeune, cette militante s’engage sur les questions d’immigration, d’intégration et de laïcité. A travers les différents postes qu’elle a occupés dans les quartiers politiques de la ville, tant pour des collectivités que pour l’État, dans des villes emblématiques telles que Dreux, Trappes, Mantes la jolie, Chanteloup-les-vignes et Carrières sous Poissy, la jeune femme témoigne de son engagement au service de la République, de ses concitoyens et de l’intérêt de la Cohésion Nationale. « Mon souci a été de questionner, de contribuer à améliorer et/ou corriger les pratiques qui ont parfois conduit à des situations de « non-vivre ensemble », conclut-elle. Son travail est alors reconnu au plus haut niveau et elle est faite Chevalier dans l’Ordre National du Mérite par le Ministre de la ville. Appelée à s’engager auprès de collectifs nationaux par le ministre Cazeneuve, elle va siéger au Conseil d’Orientation de la Fondation de l’Islam de France avec le Ministre Chevènement.
- Maroc Diplomatique : Vous avez été adjointe au maire de Dreux en charge de la politique de la ville et de l’action sociale et de la santé. Durant votre mandat dans cette ville difficile, où vos initiatives sont régulièrement saluées, vous avez impulsé des dynamiques de participation des habitants ?
Naïma M’Faddel : J’ai constitué des conseils de quartiers pour permettre aux habitants d’être acteurs dans leur ville ; une veille sociale et sanitaire pour répondre aux problématiques des habitants les plus fragiles et des personnes âgées au sein du centre communal d’action sociale ; d’ailleurs, ce conseil a été un appui pour la gestion de la pandémie qui a vu un élan citoyen et solidaire.
Le diagnostic santé porté par l’hôpital de Dreux alarmant sur la santé de nos administrés m’a donné l’idée de lancer « le Bus Santé » qui permet la prévention et le dépistage dans les marchés, dans les quartiers. Avec l’idée d’aller vers les autres. Il a été très utilisé pour le dépistage et la vaccination lors de cette pandémie.
- Vous avez également permis à des jeunes du Val Fourré d’intégrer le prestigieux lycée militaire de Saint-Cyr ; vous n’avez eu de cesse d’oeuvrer à casser les déterminismes sociaux, quel est votre secret ?
– Je suis ainsi. On me dit déterminée. Ma regrettée maman nous disait : «Les seuls freins sont ceux que l’on se met ». J’en ai fait la boussole dans mon engagement pour mes concitoyens que ça soit dans mon engagement associatif, professionnel ou politique. Professionnellement, je m’attache à ce que les institutions ouvrent les portes, brisent le « plafond de verre » pour aider ces jeunes à sortir de ce déterminisme. Un exemple qui m’émeut à chaque fois que j’y pense : Mantes la jolie et le Lycée militaire de Saint-Cyr. Quand j’étais déléguée du Préfet des Yvelines, j’ai impulsé une dynamique en soutenant une association dans le quartier du Val-Fourré par la mise en place d’un dispositif d’accompagnement des jeunes et des familles pour intégrer des « sites d’excellence » comme le Lycée militaire de Saint-Cyr-l’École. Ce projet est porté par l’association EIAPIC association d’accompagnement à la scolarité de la ville de Mantes, créée par des enseignants et des acteurs associatifs de la ville.
À ce jour, c’est la 9ème promotion et 81 filles et 47 garçons qui sont sortis avec succès de ce prestigieux lycée, certains majors de leur promotion. Je peux témoigner de la fierté de ces jeunes et de leurs familles.
- En 2018 vous répondez à l’appel de Valérie Pécresse. Vous devenez au sein de son cabinet sa conseillère en politique de la ville. Aujourd’hui Valérie Pécresse est investie par les Républicains pour les présidentielles. Que pourriez-vous nous dire sur votre candidate ?
– J’ai travaillé pendant 4 ans avec Valérie Pécresse. J’ai eu l’occasion de la côtoyer quotidiennement. C’est une femme brillante, talentueuse, bosseuse et déterminée. Elle porte une politique ambitieuse sur l’Ile de France. Elle aura le souci de faire avancer la France. J’ai beaucoup appris à ses côtés. Partout où elle passe, elle agit. Elle a le caractère dont on a besoin à la tête de l’État. Aujourd’hui, l’ensemble de notre famille politique est mobilisé derrière Valérie Pécresse et je suis certaine que les Français sont aujourd’hui prêts à lui faire confiance.
- Votre parcours à ce jour reflète dynamisme et élan naturel vers l’action sociale. Quelles sont donc les caractéristiques politiques d’une «gaulliste sociale» ?
– Dans notre appartement à Dreux, 3 portraits trônaient : celui de feu le Roi Mohammed V, de feu le Roi Hassan II et celui du Général de Gaulle. Il faut que je vous dise que mon regretté papa vouait une grande admiration au Général de Gaulle. Il nous disait : « Le général de Gaulle était un grand homme. Comme Antar ! » Je suis quelqu’un de libéral dans le bon sens du terme. J’aime l’entreprenariat, l’idée de gagner du fruit de son labeur, j’admire ceux qui prennent des risques pour créer leur propre entreprise. Mais il n’en demeure pas moins que je suis aussi sensible à tendre la main à celui qui en a besoin, à celui qui, à un moment, a besoin d’aide pour remonter en selle ; pour favoriser l’égalité des chances. Je suis sensible aux personnes qui se démènent pour réussir, pour nourrir une famille et qui parfois ont besoin d’aide. C’est ça la vraie solidarité telle que je peux la concevoir.
- En parallèle à votre carrière politique, Vous êtes co-autrice avec l’islamologue Olivier Roy d’un essai dont le titre « Et tout ça devrait faire d’excellents Français, dialogue sur les quartiers » (Seuil, juin 2016) est évocateur. Y développez-vous de nouvelles propositions pour le principe de cette «identité heureuse» que vous défendez ?
– Je témoigne dans ce livre à la lumière d’un parcours de vie. J’en tire une envie forte et un sentiment de non-fatalisme car nous avons eu la chance mes frères et sœurs et moi d’être élevés dans une spiritualité apaisée. Nos parents étaient pieux ; ils nous ont transmis un Islam marocain empreint de spiritualité, tourné vers l’ouverture et la tolérance. Me revient à l’esprit le jour où ma meilleure amie, Sabine, m’invite, la veille d’un examen, à aller à l’église Saint-Pierre de Dreux pour brûler un cierge. J’entre avec elle le cœur battant, avec le sentiment de faire quelque chose de mal, mais dans le secret espoir que mon geste permette à Dieu d’intercéder en notre faveur. Je copie ses gestes avec maladresse, inquiète. Le soir, un peu honteuse, j’en parle à ma mère. Elle me regarde en me souriant : « Bayt Allah ! L’Eglise est comme une mosquée, c’est la maison de Dieu et nous n’avons qu’un Dieu, que nous soyons massihii, yehoudi ou muslim. » Je la regarde, réconfortée. C’est maman. Sa pratique de l’islam est sans zèle excessif, la tolérance et le respect d’autrui ont toujours leur place.
Nous fêtons Noël comme nos amis. Pour mes parents, c’est la fête des enfants. Il y a les cadeaux rapportés de l’entreprise de papa et les vêtements que nos parents nous offrent pour l’occasion. Nous préparons l’appartement, fabriquons des guirlandes avec du papier crépon. Avec Rachida, nous apprenons à les réaliser avec nos amies Nora et Nathalie, dont la mère fait des bouquets de fleurs en crépon. Le sapin est offert, chaque année, par M. Gérard. Et papa, lors de l’Aïd el-Kébir, lui offre en retour un gigot ; un échange de bons procédés amicaux, sans aucune arrière-pensée. Maman cuisine la dinde aux marrons comme elle aurait préparé le tajine aux pruneaux. On met de la musique. Papa s’amuse de nous voir aussi gais. Parfois, nous passons Noël avec des membres de notre famille qui viennent de Paris pour la circonstance. Dans ce livre, nous dénonçons les politiques successives qui partent d’un bon sentiment mais qui, malgré elles, ont enfermé dans l’entre soi et créé ce qu’elles étaient sensées combattre : le séparatisme.
- La crise sanitaire continue à bousculer la planète. A l’inverse de la majorité des discours publics en France, vous plaidez le fait que quelque chose de «bon» peut sortir de cette pandémie. A ce propos, vous déclarez en 2021 : «Cette crise de Covid-19 a vu s’initier et se développer des élans formidables de solidarité et de créativité à l’initiative de jeunes des quartiers populaires. Des actions de solidarité envers le personnel soignant, les personnes les plus vulnérables et les personnes frappées par la crise ont été lancées partout en France.» Cet optimisme exprimé dans l’adversité est-il l’un des traits importants de votre caractère ?
– Effectivement c’est mon tempérament, je regarde toujours le verre à moitié plein et non pas l’inverse. Je suis déterminée et optimiste par nature. Rien n’est insurmontable si la volonté guide. Cette crise a aussi révélé en nous le meilleur de ce qu’est l’humanité. C’est pour cela que je sais ma force et ma détermination pour porter les problèmes que rencontrent mes compatriotes et trouver les solutions.
- Durant votre mandat à Dreux, vous déclarez : «Ma philosophie d’élue : simplifier la vie quotidienne des habitants quels qu’ils soient ; contribuer à un maillage serré pour que les gens ne restent pas isolés et qu’ils trouvent des réponses à chacun de leur problème.» Est-ce également votre objectif si vous êtes élue députée de la 9e circonscription des Français de l’Etranger, dont fait partie le Maroc ?
– Oui cela sera mon objectif : aucun de mes compatriotes ne doit se sentir isolé, ne sachant à qui s’adresser. La particularité d’une telle circonscription est son étendue. Pour autant les Français de l’étranger ne sont pas des Français de seconde zone mais des Français à part entière. Ils sont la France et ils sont nos ambassadeurs au quotidien. Les Français de l’étranger contribuent au rayonnement de la France. Avec les différentes instances représentatives, les instances consulaires, je mettrai en place un maillage afin que H24, ils trouvent réponse en cas de problème. J’en suis capable et cela a déjà fait ses preuves lors de mon mandat d’élue à Dreux et lorsque j’étais déléguée du Préfet.
- Vous briguez le mandat de députée des Français de l’étranger au Maroc. Comment définiriez-vous votre rôle futur auprès de cette population qui se décrit souvent comme «incomprise» de la politique de l’Hexagone ?
– Ma volonté et mon ambition de candidater à l’élection de la 9e circonscription sont le prolongement naturel de ma sollicitude et de mon intérêt pour mes nombreux compatriotes expatriés. Mes liens denses et profonds avec cette circonscription sont construits de longues dates, de par mes liens familiaux et associatifs. Tout d’abord, une partie significative de ma famille s’est expatriée au Maroc, principal pays de la circonscription, il y 30 ans : mes frères et ensuite mes enfants se sont aussi expatriés au Maroc et j’y ai des petits-enfants. Mes frères et mes enfants sont fortement investis localement auprès de la communauté d’expatriés français.
Je souhaite être une candidate du terrain et de la proximité. Mes compatriotes disent se sentir incompris. J’aurai le souci d’être le porte-voix de mes compatriotes. Je tendrai à nouer une relation privilégiée, un climat de confiance entre eux et leur député. J’aurai le souci de faire ce que je dis. Élue, je défendrai avec passion et abnégation la parole des Français vivant dans la 9ème circonscription. Ils seront écoutés ; leurs questions, leurs problèmes seront portés et défendues à l’Assemblée nationale. Avec force et détermination.
- Votre campagne pour les législatives au Maroc va bientôt démarrer. Avez-vous déjà identifié les besoins des Français au Maroc et leurs revendications ? (Sur les plans de l’enfance, des retraites, de la santé, la sécurité etc. ?)
– Je souhaite poser un certain nombre de question, à commencer par une meilleure égalité de traitement concernant les frais de scolarité entre Français vivant en France et nos expatriés C’est à la base de mon programme et au coeur du projet républicain Le message actuel envoyé aux expatriés n’est pas le bon car il tend à faire croire que les expatriés seraient des Français de seconde zone. Je suis pleinement consciente des enjeux et des difficultés économiques et sociales de mes compatriotes. Grand-mère d’élèves scolarisés au sein d’établissements de l’AEFE au Maroc, je suis également attentive aux enjeux liés à l’enseignement scolaire français dans la circonscription notamment la problématique des budgets et des frais de scolarité. Au-delà de cet outil fondamental au service du rayonnement de la France, d’autres problématiques émergent avec acuité : La reconnaissance des points de retraites acquis dans le pays d’expatriation ; l’accès à la CFE, l’accès aux services consulaires (élargissement/ digitalisation), l’accompagnement au développement de l’entreprenariat ; l’accès à l’offre santé et à la mobilité notamment en cette période de pandémie. Je souhaite également être la candidate qui redonnera la fierté d’être Français aux Français de l’étranger. Quand on quitte son pays, cela peut être par choix personnel, familial ou encore professionnel Pour autant, l’on n’oublie jamais ses racines. De son côté, la France ne doit pas oublier, ignorer, mais au contraire valoriser leur contribution au lien fort qu’ils entretiennent entre la France et leur pays d’adoption.
Évidemment d’autres thèmes vont s’imposer durant cette campagne telle que la sécurité de nos compatriotes à l’heure où notre société et notre monde traverse une zone de turbulences continue depuis quelques années. Les Français de l’Etranger doivent pouvoir être assurés que la patrie a le souci de leur tranquillité et de leur sécurité. Ça sera mon souci quotidien.
Essayiste et conseillère en politique de la ville
– Diplôme européen de Coach consultant
- Titulaire d’un master de sociologie appliquée à l’intervention sociale
- Engagée depuis plusieurs années sur les questions d’immigration, d’intégration et de laïcité
2014 : Elle a été élue en charge de la politique de la ville, de l’action sociale et de la santé
2016 : Elle a été faite Chevalier dans l’Ordre National du Mérite par le ministère de la ville en 2016.
2017 : Co-auteur avec Olivier Roy de l’ouvrage Et tout ça devrait faire d’excellents français, Édition du Seuil mai 2017.
2018 : Conseillère en charge de la politique de la ville au cabinet de Valérie Pécresse, présidente de la région ile de France
7 décembre 2021 : Investie par les LR pour les législatives sur la 9ème circonscription de l’étrange