Nezha Lahrichi : Une réflexion lucide, pertinente et des propositions de sortie de crise à AL Hoceima

 

Nezha Lahrici, économiste, professeur d’économie et ancienne Présidente de la SMAEX, ancienne Conseillère de trois Premiers ministres successifs : Abdellatif Filali, Abderrahmane El Youssoufi et Driss Jettou, nous livre ses réflexions pertinentes sur les événements et le blocage qui persiste à Al Hoceima.

La dynamique de développement de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima est une réalité tangible. De grands projets d’infrastructure structurants ont été réalisés dont les effets d’entraînement sur le reste de l’économie de la région autorisent d’évoquer l’émergence d’un pôle de développement. Celui-ci s’inscrit dans le choix stratégique d’avoir une croissance économique du Maroc équilibrée et bien répartie spatialement. Dès l’intégration d’Al Hoceima dans cette région, SA Majesté a lancé un plan de développement, en octobre 2015, Manarat  Al Moutawassit ( la ville phare de la méditerranée) pour la période 2015- 2019 avec une enveloppe financière de 6,5 Milliards de DHS. Le retard enregistré dans la mise en œuvre de cette stratégie appelle une première question avant de mettre l’accent sur deux défis.

Y a t -il une conception du développement de la Province d’Al Hoceima qui s’inscrit dans une vision territoriale solidaire ?

L’objectif est d’identifier la complémentarité et /ou la  compétition territoriale. C’est pour dire qu’il y a un préalable, celui de la définition des relations qui existent, ou sont susceptibles d’exister, entre les sous-espaces régionaux : 2 Préfectures (Tanger-Assilah , M’diq-Fnideq) et 6 provinces (Tétouan, Larache, Ouazzane, Chefchaouen, Fahs-Anjra et Al Hoceima). Quelles sont les actions en mesure de renforcer l’attractivité territoriale de la Province en exploitant les synergies avec les grands projets d’infrastructures, d’unités industrielles, de stations touristiques, d’agropoles au niveau de toute la région ? La rocade méditerranéenne ou Rocade du Rif, 500 km, longe plusieurs villes du littoral en passant par Tanger Med, Ksar Seghir, Fnideq, Tetouan, Al Hoceima. C’est une réalisation capitale, un vrai moteur du développement socio-économique et de stimulation de l’intégration régionale. Comment impulser ses effets d’entraînements pour la réalisation de projets d’investissement générateurs d’emplois et pour l’intensification des échanges de biens et services? comment mettre en évidence le positionnement stratégique de la Province d’Al Hoceima à la lumière de ses spécificités et à partir de ses réalités historiques, géographiques et culturelles ?

Pour Rappel le Ministère de l’Urbanisme et de l’Aménagement du territoire dispose d’un Schéma Stratégique d’Aménagement du territoire pour chaque région (SRAT) dont l’objectif est d’avoir une vision commune de développement et d’assurer la mise en cohérence des politiques publiques. Ce plan a-t-il pris en considération le nouveau découpage régional ?

1) Le défi décisionnel structurel  concerne les procédures, la dilution des rôles, la rigidité des systèmes etc, d’où l’impératif de définition du rôle de chaque acteur dans la mise en œuvre de la stratégie : Wilaya, Conseil Régional, services extérieurs ministériels, Agence pour la Promotion et le Développement du Nord dont le périmètre d’intervention inclue Al Hoceima, Conseils élus, Centre Régional d’investissement, Chambres de commerce et d’industrie, secteur associatif…. A titre d’exemple, la Wilaya est le lieu de concertation et de coordination des initiatives et donc garante d’une politique globale régionale cohérente. Il y a alors nécessité d’identifier les besoins et les modalités des relations avec la Wilaya. L’essentiel est de gérer, dans de bonnes conditions, l’environnement administratif des projets en définissant la méthodologie de l’interaction entre les divers acteurs.

2)Le défi de mise en œuvre à travers l’évaluation et le suivi des actions. L’évaluation n’est pas un objectif en soi. C’est un instrument de mise en œuvre car elle offre l’occasion de repérer les éventuels décalages entre les différentes composantes d’une stratégie. Suivi et évaluation impliquent des difficultés méthodologiques admises : études d’impact, d’efficience, de pertinence, de cohérence, tout dépend de l’objectif fixé. Comme l’efficacité et l’efficience des interventions publiques sont un enjeu majeur, une importance est accordée aux évaluations d’impact qui permettent d’établir la situation qu’aurait connue une entité en l’absence des interventions réalisées. En particulier, il s’agit de mesurer l’impact d’une politique publique sur ses bénéficiaires. Cela suppose la disponibilité de données  de qualité qui déterminent  le choix de la méthode d’évaluation, sa gamme d’outils et d’indicateurs pertinents. Il reste à la compléter par une approche qualitative pour déterminer les perceptions et les pratiques des acteurs de terrain, une façon de connaître les raisons de l’échec ou du succès de la politique évaluée.

Les réponses à la question de l’évaluation ne sont pas les mêmes dans tous les pays mais chacun a renforcé, à sa manière, ses capacités institutionnelles de suivi et d’évaluation avec une constante : une structure chargée de la gestion des résultats, par exemple un observatoire de l’économie et du développement régional  pour mettre en place un système d’information statistique régional comme le prévoit la politique de régionalisation avancée. La définition des besoins et des capacités de gestion et d’intervention  de la province d’Al Hoceima est une priorité !

Nezha Lahrichi

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