Nouvelle ère pour les relations diplomatiques Maroc-Mauritanie
Souad Mekkaoui
Après un froid diplomatique et une période de stand by entre le Maroc et la Mauritanie, les liens de fraternité et de proximité l’emportent, et les relations entre les deux pays se portent mieux. Ils s’affichent au beau fixe, le réchauffement devenant notable et une coopération fructueuse reprenant ses droits. Remettant au président mauritanien un message personnel du Roi Mohammed VI, Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, a salué « des liens étroits entre les deux pays et les deux peuples frères » et a affirmé que les relations entre la Mauritanie et le Maroc «connaîtront d’importantes évolutions dans l’avenir» suivant «la dynamique voulue» par le Président Mohamed Ould Abdel Aziz et le Roi Mohammed VI.
2017, l’année des retrouvailles
En 2017, les deux pays avaient convenu d’échanger, de nouveau, des ambassadeurs. Et c’est ainsi que le 20 juin 2017, nommé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Hamid Chabar, nouvel ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Royaume en Mauritanie, succédant à feu l’ambassadeur Abderrahmane Benomar, en mission à Nouakchott depuis les années 80 et décédé en décembre 2016, présentait ses lettres de créances au Président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz. Ce choix n’est pas fortuit puisqu’ancien ambassadeur au Ghana et représentant permanent adjoint du Royaume auprès de l’ONU à New York, Wali de la région Oued Eddahab-Lagouira, ancien gouverneur chargé de la coordination avec la Minurso, Hamid Chabar était également membre de la commission qui a élaboré le projet d’autonomie pour la région du Sahara, présenté aux Nations Unies en avril 2007, et donc fin connaisseur des rouages politiques et maîtrisant le dossier du Sahara marocain.
Environ deux mois après l’accréditation du nouvel ambassadeur du Maroc à Nouakchott, la république islamique de Mauritanie, quant à elle, nommait Mohammed Lamine Ould Abeye, ambassadeur de Mauritanie à Rabat. Une nomination qui a force de symbole pour l’ancien ministre de l’Hydraulique et de l’assainissement (2008-2013), qui connaît déjà Rabat pour y avoir étudié au sein de l’École normale supérieure (ENS), où il a décroché un doctorat en hydrochimie en 1993. Il succédera à Mohamed Ould Mouaouia, parti en 2012 sans qu’un successeur n’ait été nommé. En effet, après ce départ, la nomination d’un nouvel ambassadeur, cinq ans après, présageait une reprise -et de plus belle- des relations diplomatiques entre les deux Etats.
Depuis l’annonce de l’échange d’ambassadeurs entre les deux pays, les relations bilatérales ont connu une dynamique de rapprochement qui augurait d’une nouvelle ère dans la coopération.
Prélude à un trend d’échanges plus important
Force est de rappeler que depuis l’annonce de l’échange d’ambassadeurs entre les deux pays, les relations bilatérales ont connu une dynamique de rapprochement qui augurait d’une nouvelle ère dans la coopération. Preuve en est que sur la scène continentale, la Mauritanie avait appuyé le retour du Maroc au sein de l’Union Africaine, à l’occasion du 28ème Sommet de l’UA, tenu à Addis-Abeba, le 30 janvier 2017. Une année après, lors du 32ème Conseil Exécutif de l’UA, tenu dans la capitale de l’Ethiopie, Nouakchott vote en faveur du Maroc au Conseil de paix et de Sécurité de l’Organisation panafricaine comme d’ailleurs pour toutes les candidatures marocaines présentées au niveau multilatéral. Faut-il rappeler aussi que la Mauritanie a appuyé la candidature du Maroc pour l’organisation de la Coupe du Monde de football de 2026 ? C’est dire que des liens solides ayant des dimensions historiques, géographiques et civilisationnels lient le Maroc et la Mauritanie tant et si bien que le nouveau ministre mauritanien des Affaires étrangères, Ismail Ould Cheikh Ahmed, a choisi le Maroc pour sa première visite officielle à un pays dans un cadre bilatéral. C’est donc animés par une forte volonté de renforcer encore plus les relations bilatérales entre Rabat et Nouakchott, suivant la vision de Sa Majesté le Roi Mohammed VI et du Président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, que le ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, Nasser Bourita et son homologue mauritanien Ismail Ould Cheikh Ahmed ont eu, les 20 et 21 septembre, à Rabat, des entretiens portant sur l’activation du mécanisme de coordination et de concertation politique entre Rabat et Nouakchott, ainsi que sur la coordination régulière entre les deux pays dans le but de donner une forte impulsion à leurs relations bilatérales.
Ainsi, pour le ministre mauritanien des Affaires étrangères, sa visite au Maroc est-elle venue confirmer la nouvelle dynamique que connaissent les relations entre les deux pays, soulignant que la vision des deux chefs d’Etat repose sur l’ambition de hisser les relations bilatérales à des niveaux supérieurs.
Cette dynamique a été consacrée par la multiplication des rencontres dans le but de renforcer la coopération au niveau commercial, économique et sécuritaire entre le Maroc et la Mauritanie.
De son côté, Nasser Bourita, qui a félicité la Mauritanie pour le succès de ses élections législatives, régionales et municipales, a tenu, avec son homologue mauritanien, des concertations politiques approfondies qui ont touché à plusieurs questions bilatérales, arabes, régionales et internationales.
Ces entretiens ont constitué l’occasion pour discuter des moyens de renforcer les relations bilatérales basées sur le rapprochement géographique, les liens historiques forts et de fraternité entre les deux peuples ainsi que sur les intérêts et les défis que les deux pays affrontent sur les plans maghrébin et africain. Dans cette optique, les deux ministres ont enregistré la concordance de vue au sujet de ces questions et ont convenu de coordonner les positions de Rabat et de Nouakchott concernant les questions d’intérêt commun, notamment au niveau des organisations régionales et internationales. Les deux chefs de la diplomatie ont examiné également la situation de l’Union du Maghreb arabe (UMA), soulignant que l’intégration maghrébine est tributaire de relations bilatérales fortes entre les cinq pays de l’Union, la coopération bilatérale étant le socle de toute action régionale réussie. D’autant plus qu’il est indispensable de renforcer le dialogue bilatéral constructif et sérieux entre les pays du Maghreb afin de transcender les différends et élargir les marges de consensus au service des intérêts communs.
Cette dynamique a été consacrée par la multiplication des rencontres dans le but de renforcer la coopération au niveau commercial, économique et sécuritaire entre le Maroc et la Mauritanie et d’activer les mécanismes de coopération existant entre les deux pays telle que la haute commission mixte qui se réunira l’année prochaine, cinq ans presque après sa dernière réunion. Dans ce cadre, Nasser Bourita et son homologue mauritanien ont insisté sur l’importance de cette session de la Haute commission mixte, ainsi que sur la nécessité d’en faire une session modèle en termes de travaux et de résultats. Par ailleurs, ils ont souligné aussi la nécessité pour les différents acteurs (parlementaires, hommes d’affaires …) d’adhérer, de manière plus importante, aux efforts visant à enrichir le contenu des relations entre le Maroc et la Mauritanie. Sur un autre plan, il a été convenu de promouvoir les intérêts des communautés des deux pays et d’améliorer les conditions de leurs résidences.
au niveau bilatéral, «il existe une volonté commune de créer une forte dynamique dans les relations maroco-mauritaniennes à tous les plans».
D’un autre côté, le ministre des Affaires étrangères marocain et son homologue mauritanien ont mis l’accent sur l’importance de renforcer la coopération et de consolider la coordination sécuritaire entre les deux pays pour faire face à toutes les formes de terrorisme. Cette rencontre entre les deux parties était ceinte par leur « satisfaction de la dynamique positive qui marque les relations bilatérales et qui a été couronnée par la nomination des ambassadeurs dans les deux capitales ».
Un message royal de bon augure
A son tour, Nasser Bourita s’est rendu, pour une journée, à Nouakchott, le 2 novembre, pour remettre un message du Roi Mohammed VI, destiné au Président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz. Cette visite intervient, deux jours après l’adoption d’une résolution par le Conseil de sécurité saluant la tenue d’une table ronde, prévue les 5 et 6 décembre prochains à Genève, à laquelle ont été conviés les deux pays, ainsi que l’Algérie et le Polisario.
Lors de cette audience, le chef de la diplomatie marocaine a réitéré la volonté commune affichée par les dirigeants des deux pays en vue «d’impulser les relations et de les hisser au niveau escompté » eu égard aux liens forts existant entre le Maroc et la Mauritanie et les deux peuples frères et d’ajouter qu’au niveau bilatéral, «il existe une volonté commune de créer une forte dynamique dans les relations maroco-mauritaniennes à tous les plans». Cette nouvelle impulsion sera accompagnée de changements importants qui auront lieu à l’avenir, dans le cadre de cette dynamique souhaitée par Sa Majesté le Roi et son Excellence le Président de la République.
De son côté, « Le président de la République a présenté sa vision de la situation dans la région, à partir de son expérience et du rôle de premier plan joué par la Mauritanie dans la région », comme l’a précisé Nasser Bourita. C’est dire que les relations bilatérales entre les deux pays connaissent un réchauffement et un redémarrage sur de bons rails.
les échanges commerciaux entre les deux pays sont estimés à 203 millions de dollars bien que la balance commerciale se penche nettement en faveur du Royaume.
Des relations gagnant-gagnant
Sur le plan diplomatique, les relations entre les deux pays sont au beau fixe grâce aux rencontres qui se sont multipliées, depuis l’installation des deux ambassadeurs du Maroc et de la Mauritanie.
Sur le plan politique et plus précisément concernant la question du Sahara marocain, la position de Nouakchott a toujours été positive pour le Royaume aussi bien à l’ONU qu’à l’UA ou dans d’autres organismes internationaux. Cela dit, tous les ingrédients sont là pour inscrire la relation bilatérale dans la continuité surtout que sur le plan économique, la coopération a de beaux jours devant elle. En effet, 80% des produits importés par la Mauritanie des pays africains, proviennent du Maroc. Aussi les échanges commerciaux entre les deux pays sont-ils estimés à 203 millions de dollars bien que la balance commerciale se penche nettement en faveur du Royaume (200 millions de dollars US/par an d’exportations marocaines vers la Mauritanie contre 3 millions de dollars US d’exportations mauritaniennes vers le Royaume). Ces échanges connaissent toutefois une progression perceptible en termes de volume et de valeur, ce qui montre l’existence d’un potentiel de développement du commerce bilatéral.
Rappelons que le Maroc est le premier investisseur africain en Mauritanie étant présent à travers des secteurs stratégiques tels que les télécommunications, le secteur bancaire, la transformation des produits de la pêche, les matériaux de construction et cimenterie, la distribution du gaz domestique… D’autre part, la Mauritanie vient en tête des pays africains bénéficiaires des bourses d’études et de places pédagogiques dans les différents instituts, hautes écoles et universités du Maroc, au profit des étudiants et stagiaires mauritaniens. Et ce n’est pas pour rien que la majeure partie de l’élite mauritanienne se voit attachée au Royaume où elle a été formée. En effet, le Maroc représente la destination favorite des Mauritaniens à tel point que le nombre de visas délivrés par les services consulaires de l’Ambassade du Royaume à Nouakchott et par le Consulat général du Royaume à Nouadhibou tourne autour de 30.000 par an.
D’ailleurs, différents partenaires mauritaniens ont manifesté leur engagement à sceller davantage leurs liens avec le Maroc que ce soit au niveau gouvernemental ou au niveau des opérateurs économiques. De leur côté, plusieurs ministres ont fait part de leur intention de se rendre au Maroc pour s’entretenir avec leurs homologues marocains afin d’examiner les différents domaines de coopération.