NUMERIQUE ET COMMUNICATION POLITIQUE

La Révolution numérique tisse irrémédiablement une nouvelle société transversale, qui sape les fondements séculaires de la société pyramidale. L’archaïque communication politique se noie inexorablement dans le flux perpétuel de l’information drainé par les déferlantes internétiques. Seule la reconnexion du politique avec les réalités quotidiennes, sur base citoyenne, peut lui redonner sens et substance.

Le numérique révolutionne la communication politique, qui doit désormais se déployer dans l’instantanéité, la réactivité, l’interactivité, et passer par l’épreuve de la critique immédiate, du commentaire à chaud, de la sanction multiforme des citoyens. Le discours politique ne dispose plus du temps nécessaire pour préparer en amont l’opinion, élaborer sa stratégie persuasive, dérouler son éloquence séductive. Il doit délivrer son message à l’état brut, dévoiler son annonce sans recul, s’exposer sans armure au feu des contradicteurs. Il doit jouer sur l’effet de surprise, sur la vitesse d’exécution, sur la maîtrise des codes internétiques pour provoquer le bon buzz et réussir son impact informatif.

Dans ce domaine, la forme importe autant que le contenu. Le réflexe émotionnel précède la raison critique. Un mot provocateur peut saborder une analyse approfondie. Une photographie risible peut ruiner une réputation établie. Une anecdote insolite, reprise en boule de neige, peut occulter un fait majeur. Ne surnagent, dans le flux ininterrompu des mots et des images, que les spots partagés massivement. Seuls les internautes peuvent transformer l’information factuelle en événement médiatique. Les journaux écrits, contraints de sous-traiter celui-ci en aval, perdent inéluctablement leur pouvoir d’intermédiation.

La communication directe ne pardonne aucune erreur. Elle se propage vite et ne retient que les faux pas. La moindre coquille, sous son effet de loupe, devient un objet de risée et de déconsidération. Les familiarités dévalorisent le message. Les abréviations, exigeant un effort de décodage, dissuadent de la lecture. La fausse convivialité est aussitôt démasquée. La concision imposée par twitter exige rigueur et clarté. La formule doit être originale et percutante pour accrocher le regard du locuteur. La compétence se jauge au choix des mots-clés et de leur mise en figure. Le cyber-stylo, pour être efficace et convaincant, doit user des règles classiques de la rhétorique, décliner une seule proposition, focaliser l’attention sur un seul énoncé et bannir d’avance tout risque de fausse interprétation.

Dans la communication numérique, les grands réseaux mondiaux, facebook, twitter, google +, tumblr, fousquare, flickr, instagram, sont des passages obligés pour reconstruire une image politique, qui réponde aux exigences d’éthique, de transparence et de désintéressement, valeurs porteuses sur le marché internétique d’opinion. Les acteurs politiques peuvent enfin se libérer de l’emprise du journalisme professionnel, qui tamise leur programme au gré des lignes éditoriales. Le dialogue sans intermédiaire avec les citoyens instaure une interactivité incontournable, qui remet les réalités sociales au centre du débat public. La crédibilité ne se juge plus sur les stratégies de notoriété, mais sur les réalisations concrètes.

La communication diffusionniste révèle ses limites dans ce contexte. La présence sur le terrain se requiert comme un gage de sincérité. La communication politique est d’autant plus opératoire qu’elle se connecte aux réalités quotidiennes, auprès de la population,  qui s’affranchit des modélisations technocratiques parce qu’elle dispose, avec la Révolution numérique, de l’accès direct aux sources de l’information.

Mustapha Saha,

Sociologue, poète, artiste peintre.

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