Une opération d’évacuation tourne au carnage en Syrie
Une opération d’évacuation d’habitants de localités assiégées en Syrie a tourné au carnage avec la mort de 126 personnes, dont 68 enfants, dans un attentat suicide l’une des attaques les plus meurtrières en six ans de guerre.
Dans sa traditionnelle bénédiction Urbi et Orbi, le pape François a dénoncé une « ignoble attaque » et appelé à la paix en Syrie, pays victime d’une guerre « qui ne cesse de semer horreur et mort ».
Déclenché en mars 2011 par la répression dans le sang de manifestations prodémocratie, le conflit a fait plus de 320.000 morts, des millions de déplacés et de réfugiés et s’est complexifié avec l’implication d’acteurs internationaux et de groupes jihadistes.
Samedi, un kamikaze a lancé sa camionnette piégée contre un convoi de bus transportant des milliers d’habitants évacués de Foua et Kafraya, deux localités prorégime assiégées par les insurgés dans la province d’Idleb (nord-ouest), selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).
L’attaque, qui n’a pas été revendiquée, est survenue à Rachidine, une banlieue rebelle de la ville d’Alep, plus au nord, où avait été bloqué pendant plusieurs heures le convoi en raison de désaccords entre belligérants.
Au moins 68 enfants figurent parmi les 126 personnes tuées dans l’attentat, a indiqué dimanche l’OSDH, précisant que le bilan ne cessait de s’alourdir, de nombreuses personnes succombant à leurs blessures.
La grande majorité des morts sont des habitants de Foua et Kafraya. Les autres sont des rebelles qui gardaient les bus et des travailleurs humanitaires.
Revenu sur le lieu de l’attentat dimanche, le correspondant de l’AFP a vu de nombreux cadavres jonchant encore le sol. A côté d’eux, des effets personnels qu’ils avaient emportés: télévisions, assiettes, vêtements…
Les bus visés par l’attaque étaient carbonisés et, tout près d’un grand cratère, la camionnette vraisemblablement utilisée dans l’attaque, était complètement détruite.
« Il y a eu une énorme explosion », raconte Mayssa al-Aswad, 30 ans, qui était assise dans un bus avec son bébé de six mois et sa fillette de dix ans au moment de l’attaque.
« J’ai entendu des cris et des pleurs (…) mon bébé Hadi pleurait beaucoup, ma fillette Narjes me regardait, complètement figée », raconte-t-elle à l’AFP qui l’a contactée par téléphone depuis Damas. « La mort peut vous surprendre en quelques minutes ».
Quelques heures après l’attaque, des convois des personnes évacuées ont repris la route pour rejoindre leur destination finale.
Le régime syrien a accusé les « groupes terroristes », un terme utilisé par le pouvoir pour désigner rebelles et jihadistes. Mais l’influent groupe rebelle Ahrar al-Cham a nié toute implication des insurgés.
Le secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires de l’ONU, Stephen O’Brien, s’est dit « horrifié » par cette attaque « monstrueuse et lâche ». Ses auteurs « ont fait preuve d’une indifférence éhontée pour la vie humaine ».
L’opération d’évacuation qui concerne également des milliers d’habitants des localités rebelles de Madaya et Zabadani près de Damas, a été lancée vendredi en vertu d’un accord entre le Qatar, soutien de la rébellion, et l’Iran, allié du régime.
Plus de 7.000 personnes ont été évacuées vendredi et samedi des quatre localités. Quelque 5.000 personnes de Foua et Kafraya -civils et combattants- ont atteint Alep, d’où elles choisiront leur destination finale. Les 2.200 habitants évacués de Madaya et Zabadani ont rejoint la province d’Idleb contrôlée en grande majorité par les rebelles.
Le flou demeurait sur la suite de l’opération alors qu’environ 3.000 personnes –civils et combattants– doivent encore être évacuées de Foua et Kafraya lors de cette première phase, ainsi que 150 rebelles de Zabadani, selon l’OSDH.
Une deuxième phase d’évacuation doit avoir lieu dans quelques mois, selon la même source.
Ces dernières années, et après des mois de siège, le régime a proposé des accords d’évacuation similaires que l’opposition dénonce comme des « transferts forcés » constituant « des crimes contre l’Humanité ».
Ailleurs dans le pays en guerre, les forces du président Bachar al-Assad ont repris aux rebelles et à leurs alliés jihadistes la localité de Sourane, dans la province centrale de Hama. Le régime a ainsi récupéré toutes les localités perdues lors d’une offensive rebelle en mars.
Hama revêt une importance stratégique pour le gouvernement car elle lui permet d’isoler la province voisine d’Idleb, en majorité contrôlée par les rebelles, de ses fiefs de Damas, plus au sud, et de Lattaquié, plus à l’ouest.