Paiements électroniques : Les commissions plafonnées sous la loupe du Conseil de la concurrence
Le Conseil de la concurrence a annoncé, mercredi dernier, qu’il suivrait de près les répercussions des nouveaux plafonds des commissions d’interchange sur le marché des paiements électroniques au Maroc. Cette initiative vise à renforcer la concurrence et à favoriser une adoption plus large des solutions de paiement dématérialisées dans un contexte économique marqué par la transformation numérique.
Le plafonnement des commissions d’interchange, qui sont des frais payés par les commerçants pour chaque transaction par carte, a été fixé à 0,65 % de la valeur des transactions. Cette mesure, instaurée par la Bank Al-Maghrib, la banque centrale du Maroc, dès le 1er octobre, a pour objectif de réduire la pression financière sur les commerçants, facilitant ainsi l’adoption des paiements par carte et réduisant la dépendance à l’argent liquide.
Avec ce nouveau cadre, le Maroc ambitionne de rattraper son retard en matière de paiements électroniques, qui ne représentent actuellement qu’environ 1 % des transactions globales dans le pays, bien loin des objectifs nationaux de numérisation.
Cette décision intervient dans un contexte de préoccupations croissantes concernant la domination du Centre Monétique Interbancaire (CMI), principal acteur sur le marché des paiements électroniques au Maroc, et de ses banques actionnaires. NAPS SA, un fournisseur local de services de paiement, avait exprimé son inquiétude face à ce monopole de fait, qui a freiné l’innovation et limité l’entrée de nouveaux concurrents. Le Conseil de la concurrence, en réponse à ces préoccupations, entend jouer un rôle clé dans l’encadrement et la surveillance de la mise en œuvre de cette réforme afin de garantir une redistribution des parts de marché plus équilibrée.
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Le CMI, qui détient depuis longtemps une position dominante sur le marché des transactions électroniques, a maintenu des niveaux de commissions relativement élevés entre 2012 et 2019, augmentant ainsi les coûts supportés par les petits acteurs. Cela a freiné l’innovation et la concurrence sur le marché, tout en limitant l’adoption des paiements par carte chez les commerçants marocains. Avec ce nouveau plafonnement, le Conseil de la concurrence espère remédier à ces déséquilibres.
L’institution a précisé que la décision de plafonner les commissions pourrait avoir un impact significatif sur la structure des coûts pour les commerçants et, par conséquent, sur les prix finaux pour les consommateurs. En réduisant ces coûts, les autorités espèrent dynamiser le secteur des paiements électroniques en offrant aux consommateurs marocains des solutions plus abordables, accessibles et modernes. Cette libéralisation du marché est perçue comme un levier stratégique pour positionner le Maroc en tant que leader régional dans le secteur des technologies financières (fintech).
Un levier pour la transformation digitale et l’inclusion financière
La mise en place d’un plafond sur les commissions d’interchange s’inscrit dans un cadre plus large de la transformation numérique que le Maroc cherche à mener. En effet, le pays aspire à devenir un acteur de premier plan dans le secteur des fintechs en Afrique du Nord et au-delà, attirant ainsi des investisseurs internationaux tout en favorisant une inclusion financière accrue. La stratégie vise également à faciliter l’accès aux services financiers pour une population encore largement sous-bancarisée.
Cette réforme est perçue comme une opportunité pour renforcer la place du Maroc dans l’économie numérique mondiale. L’adoption des paiements électroniques n’est pas seulement une question d’amélioration de la compétitivité économique, mais elle est aussi cruciale pour encourager la transparence des transactions, lutter contre l’économie informelle et promouvoir la modernisation des services financiers.
Le Conseil de la concurrence voit dans ce plafonnement un moyen de stimuler la concurrence entre les prestataires de services de paiement. En effet, les petites et moyennes entreprises (PME), qui ont longtemps été désavantagées par les commissions élevées, pourraient désormais accéder plus facilement aux services de paiement électronique, ce qui serait bénéfique pour l’ensemble du tissu économique du pays. La démocratisation des paiements par carte pourrait également encourager l’innovation dans le secteur des fintechs, offrant de nouvelles solutions adaptées aux besoins des consommateurs marocains.
Un suivi rigoureux des engagements pris
Dans le cadre de cette réforme, le Conseil de la concurrence a donné jusqu’au 30 octobre aux parties concernées pour soumettre leurs observations, avant de tenir une audience finale le 31 octobre. Au cours de cette séance, le Conseil examinera l’affaire en détail et décidera si les engagements pris par le CMI et ses banques actionnaires répondent de manière adéquate aux préoccupations en matière de concurrence. Le Conseil est également chargé d’évaluer si les nouvelles mesures permettront effectivement de créer un environnement plus juste et compétitif pour les acteurs du secteur.
Cette réforme arrive après plusieurs tentatives pour libéraliser le marché des paiements électroniques, notamment en 2015 avec la décision de dissocier les services d’acquisition des paiements de ceux liés aux prestataires de services financiers. Malgré ces efforts, la concurrence est restée faible, principalement en raison des niveaux élevés des commissions d’interchange qui ont limité la capacité des nouveaux entrants à rivaliser efficacement avec le CMI.
La décision du Conseil s’accompagne d’une vision à long terme visant à améliorer l’accès des citoyens marocains aux services financiers, à moderniser l’économie et à favoriser une société plus inclusive. La transformation digitale, soutenue par une meilleure réglementation et une concurrence accrue, pourrait contribuer à faire du Maroc une plaque tournante régionale pour l’innovation financière.