Où est passée la France des Lumières?
Par Gabriel Banon
Parfois, il faut faire une pause et regarder autour de soi, le monde tel qu’il est.
Formatés depuis notre plus jeune âge, dépositaire de tant d’idées reçues, tel le chien de Pavlov, nous acceptons sans réfléchir, les hommages que l’on doit aux grands Hommes. Tous, des grands hommes ? Tous héritiers du Siècle des Lumières ? C’est à voir !
Le siècle des Lumières fut un mouvement intellectuel lancé en Europe, dans les années 1700. Dépasser l’obscurantisme, propager les connaissances, voilà quels étaient les buts de ce mouvement. Ce seront des philosophes et des intellectuels, qui s’opposeront à la superstition, à l’intolérance, aux abus de l’Eglise et des Etats.
La glorieuse révolution de1688, en Angleterre, en fut la première expression. Cette révolution pacifique, aboutit à l’instauration d’une monarchie constitutionnelle et parlementaire, instaurant la liberté du culte. En février 1689, cela sera la « Déclaration des Droits » qui s’inscrira dans la loi des acquis du Commonwealth d’Angleterre. La période charnière fut la fin du règne de Louis XIV. La révolution française de 1789 en marquera le déclin.
Depuis, la France surf sur cet acquis, comme un bateau qui continue sur son erre.
Que retenir du Siècle des Lumières ?
– La primauté des sciences sur la Providence
-Le développement de l’esprit critique
– La désacralisation de la monarchie
– Le rejet de l’intolérance dans une Europe meurtrie par les divisions religieuses
– Le déisme : la croyance dans l’existence d’un Dieu créateur unique, sans message religieux spécifique.
Ces points forment le socle de la philosophie des Lumières. Nicolas de Condorcet, Louis Sébastien Mercier, Montesquieu, Voltaire, Diderot, Beaumarchais et d’Alembert, par leurs œuvres et leurs écrits, vont donner au Siècle des Lumières, ses lettres de noblesse.
D’autres encore, savants, chercheurs, naturalistes, incarneront l’esprit des Lumières, chacun dans son domaine.
Voilà le lourd héritage que doit assumer la France, voilà l’héritage que devront assumer tous les grands esprits qui suivront. Tous ? On peut en douter quand on écoute ou qu’on lit les uns et les autres.
Depuis, on a eu , en France, le productivisme dévastateur, le nationalisme belliqueux, le scientisme dogmatique, l’affaire Dreyfus et le racisme colonial porteur des pires catastrophes.
J’ai été élevé dans le culte, entre autres, de Jules Ferry, l’auteur des lois de la troisième république, instituant l’instruction obligatoire et gratuite. Considéré, plusieurs décennies après sa mort, comme l’un des pères fondateurs de l’identité républicaine, il était, pour moi, l’un des continuateurs du siècle des Lumières. Ceci, jusqu’au jour où je découvre son discours du 30 juillet 1885, à l’Assemblée Nationale, sur le colonialisme. Il déclarait, je cite : «Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! Il faut dire ouvertement qu’en effet, les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures. Je soutiens que les nations européennes s’acquittent avec largeur, grandeur et honnêteté de ce devoir de civilisation. »
De cette chambre attentive à ces propos, seul un homme, Clemenceau, s’éleva contre ces propos : « Races supérieures ! Races inférieures ! C’est bientôt dit !………….. J’y regarde à deux fois avant de me tourner vers un homme et vers une civilisation et de prononcer : homme et civilisation inférieurs »
On est loin du siècle de Lumières ! Il faut toujours éviter d’idéaliser un pays ou un homme, fussent-ils la France ou Jules Ferry.
Peut-être ne faut-il pas trop fouiller dans le passé, pourtant plein d’enseignements. Il est inquiétant de voir cette société, sans Dieu et sans racines, qui tourne le dos à la famille, que l’Europe veut nous vendre aujourd’hui.
À voir ce qui se passe en France, à voir les discours éculés des hommes politiques, l’irresponsabilité des syndicats squelettiques mais super performants dans la nuisance, on peut se demander, à juste titre, mais ou est passée la France des Lumières, où est passée la France des droits de l’Homme ?