Pavel Dourov : «Nous quitterons les marchés incompatibles avec nos principes»
Le co-fondateur de Telegram, Pavel Dourov, a publié le 5 septembre une déclaration marquante suite à son interpellation en France. Il y affirme que sa plateforme collabore avec les autorités européennes et qu’il n’a jamais été sollicité par les autorités françaises concernant les accusations portées contre lui.
La France, souvent qualifiée de «Start-up Nation», serait-elle en réalité un environnement hostile aux innovateurs ? C’est en substance le message véhiculé par Pavel Dourov dans une publication du 5 septembre, la première depuis son interpellation fin août à l’aéroport du Bourget, en banlieue parisienne. Ce message, déjà consulté plus de quatre millions et demi de fois, soulève des questions cruciales sur l’attitude de la France envers les nouvelles technologies.
«Si un pays n’est pas satisfait d’un service internet, la pratique établie est d’engager une action en justice contre le service lui-même», déclare Dourov, rappelant qu’Emmanuel Macron avait tenté de le convaincre de relocaliser son application à Paris. «Utiliser des lois datant de l’ère présmartphone pour accuser un PDG de crimes commis par des tiers sur la plateforme qu’il gère est une approche malavisée», poursuit l’entrepreneur franco-russe, qui a passé 90 heures en garde à vue à l’Office national antifraude (Onaf) à Ivry-sur-Seine, au sud de Paris. «Le développement de nouvelles technologies est déjà assez difficile. Aucun innovateur ne construira de nouveaux outils s’il sait qu’il peut être personnellement tenu responsable de l’utilisation abusive de ces outils», ajoute-t-il.
Lors de sa garde à vue, le parquet de Paris a révélé que Pavel Dourov était entendu dans le cadre d’une information judiciaire portant sur douze infractions, dont «complicité» en matière de «détention de l’image d’un mineur présentant un caractère pédopornographique», «acquisition, transport, détention, offre ou cession de produits stupéfiants» et «escroquerie en bande organisée».
Des voix se sont élevées pour dénoncer le rapprochement entre Pavel Dourov et les réseaux criminels utilisant Telegram. «Oui, les terroristes utilisent Telegram, mais ils utilisent aussi des voitures. Pourquoi les PDG de Renault ou de Citroën ne sont-ils pas arrêtés ?», a raillé Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin. Dourov résume ainsi la situation : «On m’a dit que je pouvais être personnellement responsable de l’utilisation illégale de Telegram par d’autres personnes, car les autorités françaises n’ont pas reçu de réponses de Telegram», un reproche qu’il juge «surprenant».
Le co-fondateur de Telegram souligne que sa messagerie a un représentant officiel dans l’UE qui accepte et répond aux demandes des autorités européennes. Il ajoute que les autorités françaises avaient de nombreux moyens de le contacter pour demander de l’aide. «En tant que citoyen français, j’étais un invité fréquent au consulat de France à Dubaï. Lorsque cela m’a été demandé, j’ai personnellement aidé à établir une hotline avec Telegram pour faire face à la menace terroriste en France», relate Dourov. «Nous nous sommes engagés à collaborer avec les régulateurs pour trouver le juste équilibre», précise-t-il, tout en admettant que des désaccords peuvent survenir sur l’équilibre entre confidentialité et sécurité.
Dourov affirme que Telegram est prêt à quitter les marchés incompatibles avec ses principes. «Lorsque la Russie a exigé que nous lui remettions des clés de chiffrement pour permettre la surveillance, nous avons refusé – et Telegram a été banni en Russie», rappelle-t-il. «Nous sommes prêts à quitter les marchés qui ne sont pas compatibles avec nos principes, car nous ne faisons pas cela pour l’argent», insiste-t-il.
Dourov dit non à l’assistance diplomatique
Lors de sa garde à vue, Dourov aurait refusé l’assistance diplomatique de la Russie et des Émirats arabes unis, où il réside, selon Politico. L’enquête contre lui trouverait ses origines dans un refus de Telegram de répondre favorablement aux autorités françaises concernant l’identité d’un homme ayant déclaré à un policier sous couverture avoir violé une jeune fille. Selon Libération, Telegram n’aurait pas donné suite à 2 460 demandes de la gendarmerie nationale entre 2013 et 2024.
Dourov défend Telegram contre les accusations de certains médias, affirmant que la plateforme n’est pas un «paradis anarchique». Il admet que Telegram n’est «pas parfait», mais souligne que son expérience a été façonnée par la mission de protection des utilisateurs dans les régimes autoritaires. «Nous avons toujours été ouverts au dialogue», assure-t-il, ajoutant que les actions internes, telles que la suppression de publications et de chaînes nuisibles, peuvent ne pas être suffisantes face à la croissance du nombre d’utilisateurs. Pavel Dourov se donne pour «objectif personnel» de veiller à ce que Telegram continue de protéger ses utilisateurs tout en collaborant avec les régulateurs.