Ne dit-on pas que l’absurde est le propre de la vie ? Et quelle « vie » d’abord ? Celle en qui l’on a cru avec la quasi conviction qu’elle est belle et épargnée , sur laquelle on a fondé une existence et une manière de vivre, qui ne se termine jamais, ou alors, brutalement, net, avec la violence que vous inflige un détraqué sur lequel s’abattront injures et malédictions qui ne vous rendront jamais l’être cher !
J’écris, le coeur brisé .Pierrette M’Jid était pour moi cet « alter ego » de Si Mohamed son mari, mon parangon de vertu. Je les ai connus tous les deux en 1974, avec Ali Bouhadar et Seddik, ou « Seddik » l’un des tout premiers reporters-photographes. La maison de Pierrette était la mienne, j’y allais régulièrement, seul, avec Ali et autres, avec ma femme Barbara et mes premiers enfants, Immo et Heiko.
Pierrette, le grand sourire arboré, nous accueillait, avec cœur et générosité, elle ouvrait sa maison comme son cœur, à pied d’œuvre pour recevoir avec soin des centaines de visiteurs, officiels et officieux, des dignitaires comme des simples citoyens…Feu Mohamed M’Jid et Pierrette avaient fait de leur maison le haut lieu de la pensée, de la culture, de la politique, en somme la continuité du parcours combatif de notre cher Mj’Id qui, le franc parler inscrit sur son fronton comme une devise, remettait les uns et les autres des politiciens – et non des moindres – à leur juste place.
Pierrette qui n’en pensait pas moins partageait les convictions de son mari et, sans doute même, le devançait dans ce qui s’apparentait à un irréductible engagement. Grande lectrice, férue de textes humanistes, observatrice discrète avec un sens aigu de la comparaison, cette Marocaine française était la compagne idéale et exigeante de Mohamed M’Jid et entre eux, plus que la complicité, plus que l’amour et l’irrévocable tendresse, il y avait le partage.
Car, il faut bien le dire a posteriori, sans Pierrette, il n’y avait pas de Mohamed M’Jid, son double discret, sa mémoire, sa richesse et sa force. Toute sa vie, muette et sage, elle veillait sur son mari avec une tendresse de vigile. Tous deux, depuis leur belle rencontre à Safi qui remonte à loin, ont traversé plus que les trois quarts du siècle mouvementé, Mohamed M’Jid, nationaliste invétéré comme il n’en existe plus, patriote affranchi et décomplexé, ayant fait la prison dans des « camps de concentration coloniaux » à Aguelmam Sidi Ali, entre autres, a retrouvé la paix avec Pierrette qui, à coup sûr, demeurait sa mémoire vivante, son miroir et son témoin.
Tous deux ont traversé des épreuves sans jamais se départir de leur espérance, ils ont vu partir leur fils Karim mais, la douleur de Pierrette étant plus profonde, ils se sont résolu au sort, leurs deux autres enfants, Asmae qui s’était installée aux Etats-Unis avec ses enfants et Soufiane qui a courageusement repris le message et le flambeau familial, Soufiane qui désormais – avec une volonté affichée de servir la cause sociale – assure la continuité dans les pas de ses deux parents exemplaires. En présidant aux destinées de la Fondation MJID, en apportant le précieux soutien aux démunis, avec l’ardeur, l’attachement aux milliers de jeunes et l’efficacité de ses deux parents.