Quand le PJD déploie son tahakoum et perd la face à Sidi Kacem
C’est un retournement spectaculaire auquel nous assistons avec le retour au bercail de Abderrahmane Harfi, annonçant reprendre sa place et ses activités au sein de l’Union constitutionnelle et, cela va de soi, s’éloignant du PJD qui a tenté de le soudoyer, il y une vingtaine de jours. Le communiqué que le Bureau politique de l’UC a publié mercredi nous en dit long à la fois sur la tentative de sa déstabilisation par le PJD et sur le dénouement d’un scandale qui, une fois encore, met à nu les pratiques de corruption des islamistes dans une région qui constitue pourtant un fief de l’UC.
Abderrahmane Harfi sur lequel le PJD a jeté son dévolu, en le faisant chanter, avait déposé une demande pour obtenir l’autorisation d’ouvrir à Sidi Kacem une station d’essence. Demande en bonne et due forme, légale et répondant aux conditions requises. Mais voilà que d’un refus de délivrer l’autorisation en question à un chantage, les dirigeants du PJD en sont arrivés à vouloir le corrompre : en contrepartie de l’autorisation , il s’est vu proposer, imposer à vrai dire de conduire la liste des candidats du PJD dans la région de Sidi Kacem. Ni plus, ni moins que d’abandonner son parti d’origine, l’UC, et d’enterrer des années de militantisme, de travail et de réalisations avec son parti.
Voilà plutôt le PJD qui, non content de faire pression par le moyen d’une autorisation, recourt à des méthodes de prévarication et d’intimidation qu’il ne cesse a contrario de reprocher à ses adversaires. Autrement dit : « Tu acceptes d’être notre tête de liste Péjidiste à Sidi Kacem et tu auras ton autorisation d’ouverture de station » ! Aussi prosaïque et arbitraire que cela, le signataire de l’autorisation n’étant personne d’autre que Abdelkader Amara, ministre de l’Energie et des mines, « baron » du PJD qui a l’oreille du chef de gouvernement auquel il obéit au doigt et à l’œil. Personne ne doute, et Mohamed Sajid, secrétaire général de l’UC le premier, qu’il y a eu concertation entre Abdelilah Benkirane et son ministre Abdelkader Amara pour décider des pressions à exercer sur le député de la région de Sidi Kacem, jusque là rebelle à toute défection.
Pourtant, cela n’a pas empêché les dirigeants du PJD d’insérer début septembre son nom dans la liste des accréditations, de surcroît comme tête de liste…des candidats islamistes. Ce qui n’a pas manqué de provoquer l’ire des responsables de l’UC, début septembre, suscitant chez eux un profond étonnement, un sentiment de révulsion et une volonté de se ressaisir ! Un communiqué a été publié à cet effet le 3 septembre dénonçant les pratiques du secrétaire général du PJD et de l’amalgame, disons le mélange des genres auquel il s’adonne en agissant à la fois comme leader de parti et chef de gouvernement.
Il convient de rappeler que, animés d’une détermination à toute épreuve, les responsables de l’UC n’entendaient guère laisser le champ libre à leurs adversaires islamistes dans une Région qui leur est d’emblée fidèle. Mohamed Sajid, comme le précise le communiqué de mercredi 21 septembre, s’est rendu une première fois sur les lieux et a entamé des discussions approfondies avec Abderrahmane Harfi pour le convaincre de revoir sa position. Il a associé à ces discussions les militants et les responsables locaux de l’UC. Dans ce cadre, il a été rappelé les liens profonds qui ont de tout temps existé entre la famille Harfi et l’Union constitutionnelle, d’attachement et de communion, la place et le rôle qu’occupent Abderrahmane Harfi et son fils Farid, les années de combat politique et de militantisme. Le retour au parti, à sa famille politique de Abderrahmane Harfi a donc été annoncé, non en fanfare mais un avec un triomphe modeste dans le communiqué de l’UC. Une opération de correction de tir et d’assainissement donc, et une irascible volonté de ne pas céder au chantage du PJD qui ne trouve pas mieux que de « débaucher » les membres des autres partis, violant la règle et l’éthique. D’autant plus que, comme le rappelle Mohamed Sajid, son leader Abdelilah Benkirane qui est aussi chef du gouvernement s’approprie les instruments de l’administration pour faire chanter les autres, alors qu’il est censé incarner la neutralité.
L’épisode de Sidi Kacem révèle des pratiques féodales et porte atteinte à la crédibilité d’un parti qui n’a de cesse de dénoncer à tout bout de champ le chantage, la pression. C’est tout de même paradoxal, le monde à l’envers car le PJD est ici le premier à exercer Attahakoum contre le chef de file de l’UC à Sidi Kacem.