Plafonnement des prix du pétrole russe : Les experts craignent l’impact sur les cours mondiaux
L’entrée en vigueur d’un mécanisme de plafonnement des prix du pétrole russe à 60 dollars le baril, assorti d’un embargo de l’Union européenne (UE) sur le brut russe acheminé par voie maritime, risque de faire monter en flèche les cours du brut sur les marchés mondiaux, à en croire plusieurs experts.
Selon le premier scénario envisagé par les spécialistes, le coût de l’or noir pourrait dépasser les 100 dollars le baril à un moment où les différents appels lancés aux pays producteurs de pétrole pour augmenter leur production de brut ne trouvent pas entendeur.
Ce cas de figure n’est pas à écarter si la Russie interdit à ses entreprises de vendre des matières premières aux pays qui soutiennent les restrictions, réduisant ainsi l’approvisionnement du marché mondial, selon Natalia Miltchakova, analyste chez Freedom Finance Global.
« Si le refus de la Russie d’approvisionner les pays qui soutiennent un prix plafond est légiféré et que les entreprises et les particuliers s’exposent à des amendes ou à d’autres sanctions pour violation de cette mesure, cela limitera la capacité des entreprises du secteur privé à contourner les sanctions réciproques entre les pays occidentaux et la Russie », estime la spécialiste.
« Par conséquent, il y aura effectivement moins d’offre sur le marché du pétrole et un bond significatif des prix », explique Miltchakova.
Même son de cloche chez l’analyste financier de BitRiver Vladislav Antonov, qui s’attend à ce que le prix du baril de Brent se situe à une fourchette de 90 à 100 dollars d’ici la fin de 2022.
Toutefois, ajoute-il, si la Russie refuse de fournir complètement du pétrole et du gaz en raison du plafond des prix, alors le coût de l’or noir pourrait dépasser 120 dollars le baril.
Les analystes évoquent également un second scénario, selon lequel Moscou pourrait rediriger ses matières premières énergétiques vers l’Asie. Une mesure qui pourrait fixer le prix du baril de pétrole à 85 dollars.
C’est le cas de Dmitri Gousseïev, responsable de l’Association des producteurs et des vendeurs de ressources énergétiques, qui estime que la Russie pourrait augmenter l’approvisionnement en pétrole de pays asiatiques comme l’Inde et la Chine.
« Si les livraisons vers l’Asie sont en mesure de compenser la baisse des livraisons vers l’UE, les cotations pourraient alors se consolider au niveau actuel d’environ 85 dollars le baril », suggère l’expert.
D’autres analystes s’accordent sur le fait que les effets du plafonnement des prix du pétrole russe sur les marchés mondiaux ne seront pas visibles dans l’immédiat, à l’image d’Artem Deev, chef du département analytique chez AMarkets.
Le spécialiste explique cette situation par une probable baisse de la production en Russie en raison desdites restrictions et par une tendance à la baisse de la demande de matières premières, en raison de la récession mondiale.
Abondant dans ce sens, Alexander Potavin, analyste chez FG Finam soutient que l’impact du plafonnement des prix pourra être évalué au début de l’année prochaine, lorsque les déficits de production deviendront clairs.
« Si la diminution de l’offre russe de matières premières ne dépasse pas 500.000 barils par jour, le prix du Brent devrait augmenter de 2 à 3 dollars le baril, mais si la production russe chute d’un million de barils en un mois et demi, les cours du pétrole graviteront facilement aux alentours de 100 dollars le baril », explique-t-il.
« Des baisses de production encore plus importantes pourraient faire grimper les prix du pétrole à 110 dollars », poursuit Potavin.
Selon Gousseïev, il est désormais très difficile de dire ce qu’il adviendra exactement du marché mondial dans le contexte des nouvelles mesures contre le pétrole russe.
En témoigne la position de l’Alliance OPEP+ (13 pays membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole conduits par Ryad et leurs dix alliés emmenés par Moscou), qui a décidé, lors de sa dernière réunion du 4 décembre, de garder le cap décidé en octobre d’une réduction de deux millions de barils par jour jusqu’à fin 2023.
« Si les pays de l’OPEP+ étaient sûrs que la Russie n’aurait pas d’alternatives pour écouler son pétrole, ils auraient augmenté leurs quota de production. Cependant, cela n’a pas été fait », soutient l’expert.
Le plafonnement des prix du pétrole russe vise à restreindre les revenus de la Russie tout en s’assurant qu’elle continue à alimenter le marché mondial.
Le mécanisme prévoit que seul le pétrole vendu à un prix égal ou inférieur à 60 dollars le baril pourra continuer à être livré, et qu’au-delà, il sera interdit pour les entreprises basées dans les pays de l’UE, du G7 et en Australie de fournir les services permettant le transport maritime du brut.
L’activation d’un plafonnement coïncide avec l’entrée en vigueur d’un embargo de l’UE sur le pétrole russe acheminé par voie maritime, plusieurs mois après une mesure similaire décidée par les États-Unis et le Canada.
Avec MAP