Post scriptum : Chronique d’un désastre annoncé
Par Hassan Alaoui
Le désordre qui caractérise le monde nos jours a décidément quelque chose de shakespearien. Tandis que les « Docteurs Tant mieux », attachés à la vieille et sempiternelle « méthode Coué » nos serinent de leur optimisme de bon aloi, il s’en trouve leurs détracteurs pour nous décrire, bien sûr le contraire, mais surtout le pire.
L’époque, on n’invente rien, est bel et bien installée dans le paradoxal dilemme du sage présocratique Empédocle. Elle est traversée par ce qu’il décrivait, à son époque déjà, comme le paradigme du monde : l’amour contre la haine. Il ne croyait pas si bien dire ! Sauf qu’à force d’en désespérer, il décida de se jeter dans l’Etna et y mourut. Pouvait-il en effet prévoir, lui ou d’autres, que les religions allaient plus tard tordre le cou à ses espoirs, s’emparer de l’humanité, en devenir le ressort à double détente de l’Homme, celui de l’amour au début, ensuite tout de suite émasculé par la haine ?
Marx postulait que les religions sont « l’opium du peuple », définition si triviale, mais formulée en vérité dans sa dimension idéologique. Autrement dit, la religion est un système idéologique ni plus, ni moins qui a pour objectif de détourner les peuples des problèmes existentiels et de la lutte des classes. Mais, surtout, qui est instrumentalisée par le pouvoir.
Aux Etats-Unis, la politique est dominée par la religion, Donald Trump pour ne parler que de lui, n’incarne-t-il pas ce rêve messianique du retour aux origines des « prophètes et apôtres de la Cité de Dieu » qui au rêve américain ce qu’est l’horizon téléologique du monde. Toutes les guerres américaines à l’extérieur ont été menées au nom de la religion, Wilson en 1914 contre l’Allemagne, Franklin Delano Roossevelt contre Hitler, Kennedy et Lyndon Johnson contre le Vietnam communiste en 1963-1964, enfin les deux Busch, père et fils contre l’Irak de Saddam Hussein en 1990 et en 2003. Les Eglises évangéliques pullulent qui sont un facteur politique de poids dans les élections américaines où les communautés juives, les Eglises baptistes jouent un rôle considérable. Et chaque candidat est enclin à non seulement en tenir compte, mais à y proclamer son attachement. Tous les « staffs » des présidents Georges W.Bush et Donald Trump provient de ces milieux conservateurs, néo-évangélistes qui n’ont de cesse de nous alerter que l’Amérique, outre la puissance militaire, a une mission impériale : évangéliser le monde, réduire les autres formes de confession et faire de l’évangélisme américain le plastron contre ces dernières.
De la même manière, Netanyahu qui vient de proclamer, envers et contre tout, l’Etat-nation juif ne procède pas autrement, il est en quelque sorte le prolongement du rêve de Trump qui, orientant sa politique étrangère dans le profond évangélisme, a ordonné l’installation de l’ambassade américaine à Jérusalem, une manière de prédication impériale… Donald Trump, on le dessine comme cet « empereur » falot de la fin de l’empire et du monde, indifférent à son chaos, tweetant à longueur de journée, se mentant à lui-même. En se lançant dans la campagne électorale en 2016 il s’est allié à cette extrême-droite américaine évangélique et chrétienne qui se nourrit du rêve millénaire, quasi charnel, d’un retour à Jérusalem des juifs du monde entier, précédant la résurrection et le retour de Jésus sur terre…
Ce dimanche 12 août, la ville de Washington a été le théâtre d’une colossale marche des racistes américains, devant un Trump qui ne cille point, avec des slogans fascistes provocateurs, anti-noirs, anti- sud américains, anti-latino et contre tous les démocrates affichés. On nous dit que c’est « une marche blanche » des Blancs organisée par les suprématistes blancs…C’est donc un pas franchi dans la ségrégation et la consolidation de l’Apartheid, une réminiscence nostalgique de cette Amérique des années 60 qui a vu tomber sous les balles Martin Luther King et autres figures emblématiques.
La haine, quelle que soit sa forme, et celle conduite par le moyen du « soft-power » est bien évidemment la plus pernicieuse. Quand la « grande puissance mondiale », censée défendre les valeurs de l’Homme, protéger sa simple et dérisoire dignité, quand un président – comparé à « Dioclétien gardien de cochons » – se fend de dizaines de tweets pour menacer ici, insulter là, éructer, mépriser et ordonner la chasse à l’étranger – il est corrigé d’ailleurs par sa propre fille – , quand il se contredit à tout bout de champ et cultive un « nihilisme » érigé en doctrine d’Etat, in fine, c’est la perte de tous les repères…
Un désastre qui ne laisse présager rien de bon.