« Pour le Maroc, le Sahel, c’est davantage qu’une zone de voisinage géographique » (M. Bourita)
« Pour le Maroc, le Sahel, c’est davantage qu’une zone de voisinage géographique. C’est une zone d’appartenance historique, culturelle, politique et géostratégique », a indiqué le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita, dans son intervention à l’occasion de la première réunion ministérielle de la Coalition internationale pour le Sahel, tenue vendredi par visioconférence.
« Cette coalition pourrait marquer une inflexion – une vraie – vers cette synergie que nous avons toujours appelée de nos vœux », a affirmé M. Bourita, saluant les efforts de la France en ce sens. « C’est un up-date stratégique. Nous sommes certains qu’il apportera plus de mobilisation, plus d’appropriation et plus de cohérence. Ce sont bien, me semble-t-il, les maitres-mots du Sommet de Pau du 13 janvier », a-t-il relevé.
« C’est bien la première fois que nous tenons un alliage aussi prometteur entre hard power et human security dans une même initiative », a poursuivi M. Bourita, estimant que « la Coalition pour le Sahel a vu juste » et qu' »il n’est pas de stabilisation sans développement pas plus qu’il ne peut y avoir de développement sans stabilisation ».
Cela fait près de deux décennies que la problématique lancinante de la sécurité au Sahel se pose, avec constance et acuité, a-t-il fait observer, regrettant qu’elle soit toujours « préoccupante comme le souligne ses évolutions récentes » avec, notamment, des conditions de sécurité dans la région qui se détériorent (le nombre de personnes tuées à la suite d’attaques terroristes ayant quintuplé depuis 2016), un rayon de violences qui s’élargit et un tissu social qui se délite). Par ailleurs, le ministre a souligné que « la pauvreté endémique et l’insécurité alimentaire persistante s’aggravent » et que « la pression démographique continue de peser sur les efforts de développement », jugeant qu' »on ne peut pas, dès lors, ne pas être d’accord avec une Coalition autour de cette même conscience du devoir ».
Mais il y a aussi des motifs de garder espoir: l’attention internationale dirigée vers le Sahel est vivace, la montée en puissance opérationnelle de la Force G5, l’action positive indispensable de la MINUSMA et son appui, les élections législatives pacifiques au Mali des 29 mars et 19 avril derniers, malgré l’insécurité et la crainte liés à la pandémie et la contribution essentielle des organisations régionales (CEDEAO)…, a-t-il affirmé. S’exprimant sur l’efficacité et la durabilité de cette initiative, M. Bourita a adressé un message qui repose sur un ensemble de principes.
Avant tout, le principe de leadership qui est « essentiel » et qui doit « être celui des États de la région », a-t-il expliqué, précisant dans ce sens que « nous ne sommes là que pour les accompagner ».
Mais aussi « la flexibilité », qui l’est tout autant, a noté le responsable, s’arrêtant sur le devoir d' »apporter des réponses flexibles aux différents défis et ne pas se perdre dans la négociation de textes, de résolutions ».
Dans le même sens, « il nous faut éviter les « tirs amis » », a-t-il souligné, « combien d’initiatives en ont fait les frais. La Cohérence, la synergie et l’interopérabilité, sont des prérequis. Barkhane, armées nationales et Force Conjointe G5, ont fait preuve d’un engagement sans failles jusqu’à présent, notamment dans la région des « trois frontières »(Niger/Mali/Burkina-Faso) », a rappelé M. Bourita, faisant savoir que « ces acquis vitaux doivent être préservés, il est important que cette même force ne soit aucunement compromise par le déploiement – sans consultation préalable avec les acteurs sur le terrain – de nouvelles forces qui pourraient la fragiliser, au lieu, au contraire, de la renforcer ».
« Il nous faut concilier la concertation politique et l’engagement politique. Par ce même souci de cohérence, la coalition gagne à s’appuyer sur une Charte politique et à se doter d’un Secrétariat permanent. La gouvernance de la Coalition est rendue nécessaire par le besoin d’un pilotage politique et opérationnel de la mise en œuvre de ses 4 piliers, autant que par l’articulation des initiatives qu’elle est appelée à coiffer – comme l’Alliance Pour le Sahel et le P3S », a-t-il dit.
M. Bourita a également soutenu que « les populations doivent être au centre de toute initiative », car si elles sont « au cœur des souffrances », « elles doivent être au cœur des réponses, aussi », distinguant « la sécurité économique et la stabilité sociale » qui constituent « des objectifs stratégiques » de l’unité et de la réconciliation nationales qui, elles, sont « des objectifs politiques et opérationnels ».
« Une approche globale est nécessaire, elle doit également inclure le rôle primordial de la CEDEAO », a-t-il avancé, notant que « la victoire contre le terrorisme sera multidimensionnelle (militaire, sécuritaire, politique, socio-économique et cultuelle), ou ne sera pas ».
En outre, le ministre a souligné que « si l’action militaire et sécuritaire est une partie, essentielle, de la réponse au terrorisme, elle devrait veiller à ce point d’équilibre subtil, qui l’empêche d’alimenter involontairement la spirale de la violence », estimant que « l’association des Nations Unies, comme co-leader de cette initiative aux côtés de la France, le G5 et l’UE, serait un gage d’inclusion et un appoint de légitimité, y compris aux yeux des populations ».
La Coalition pour le Sahel, qui réunit une quarantaine de pays et organisations régionales, a pour objectif de coordonner l’effort militaire et de développement, ainsi que l’aide pour le retour de l’État sur le terrain.