Pour que fêter la femme soit un acte digne
Younes Eteib (*)
Fêter la femme, chaque 8 Mars, est devenu un moment particulier, à travers le monde. Chacun y va comme il peut. Eloges, voeux et fleurs à volonté. Les réseaux sociaux aidant, la vague devient, chaque année, encore plus grosse qu’avant. Normal. c’est gratuit et ça occupe agréablement les esprits.
Au Maroc, ce jour est devenu, aussi, l’occasion pour plusieurs personnes, de fêter la femme, et pour certaines institutions, de faire le bilan, et de rappeler le chemin qui reste à parcourir pour être aux standards internationaux en matière de droits culturels, sociaux et économiques de la femme.
Ce matin, en faisant le tour d’horizon de certains réseaux sociaux, j’ai croisé des roses par-ci, et des citations élogieuses par-là. Une réalité bien réjouissante, même si elle est exprimée sur des plateformes virtuelles, et est, donc, susceptible de n’être que virtuelle. Voir autant de gentillesse et de générosité humaine, dans la vie de tous les jours, me ravirait beaucoup plus, à vrai dire.
En effet, loin de vouloir assombrir le décor, encore moins gâcher la fête, je suis tenté de rappeler combien est encore long le chemin qui reste à parcourir pour que la dignité et le respect soient associés, de façon systématique et sans hésitation, à toute expression sur le statut de la femme marocaine.
Si plusieurs d’entre elles ont réussi à tirer leur épingle du jeu, avec courage et intelligence, et au terme d’un long combat, force est de constater que plusieurs de nos compatriotes, militent encore et toujours pour vivre dignement. Certaines, pour vivre tout court, même sans droits.
Ainsi, il est aisé de relever toutes les tares de nos politiques publiques, et nos déficits en infrastructures (écoles, hôpitaux, espaces culturels et sociaux…) pour mesurer combien peut être infernale, la vie que mènent des centaines de milliers de nos femmes marocaines, dans les campagnes reculées, dans les périphéries des villes et dans les médinas et autres quartiers urbains pauvres.
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Il y a quelques mois, plusieurs médias nationaux nous parlaient de ces femmes « mulets » qui vivent la précarité et l’atteinte à leur humanité, aux frontières de Sebta et Melilia. Depuis, on n’en parle plus, mais la réalité n’a nullement changé, et des femmes continuent à faire office de « mulets », mot détestable soit dit en passant. Et ça n’émeut plus personnes. Dommage.
Il y a des mois, aussi, plusieurs histoires de violences faites aux femmes, voire de tentatives de viols, dans des espaces publics, ont fait la UNE de plusieurs médias, et scandalisé l’opinion publique nationale. Depuis, ces « faits divers » n’apparaissent plus autant dans les médias, mais la réalité n’a pas pour autant changé. On porte toujours atteinte à des femmes marocaines, on les harcèle et on les agresse, encore, dans plusieurs endroits.
On pourrait citer, également, les cas de femmes battues par leurs conjoints, celles harcelées sur les lieux de travail ou dans la rue, ou celles violentées lors de Sit-in ou marches de protestation. Les cas abondent.
Célébrer la femme, en général, et la femme marocaine, en particulier, est, certes, une belle tradition. On s’inscrit, ainsi, dans la dynamique mondiale. Tant mieux puisque c’est pour la bonne cause. Ceci dit, il est pertinent de ne pas trop se laisser emporté par l’euphorie, et baisser la garde.
Les combats pour la dignité humaine sont longs et précaires. L’histoire nous enseigne la prudence et la persévérance, en la matière. Les ruptures sont très faciles. Les régressions le sont encore plus.
C’est pourquoi il importe de renforcer les capacités des femmes, en premier lieu, et leur donner les moyens de poursuivre le plaidoyer actif pour préserver les acquis. Elle n’est nullement un objet, ni à consommer, encore moins à harceler ou à violenter.
Il importe donc, tout autant, de maintenir la pression, médiatique et par la production de lois adéquates, pour que toute la sociéte reste en veille, sans rien concéder sur le terrain des valeurs, des droits et de l’éthique. Nos compatriotes hommes, doivent garder à l’esprit que la femme est égale en droits, en devoir et en humanité.
(*) Consultant en management et gouvernance territoriale