Pour une diaspora marocaine au-delà de l’étiquette « argent des immigrés »

Oussama Ben Atta

Les derniers exploits de l’équipe marocaine de football aux Jeux Olympiques ont été largement salués par l’opinion publique marocaine et étrangère. Ces exploits s’ajoutent à ceux réalisés lors de la Coupe du Monde de Football au Qatar, où l’équipe marocaine s’est hissée à la 4ème place mondiale. Au-delà de ces performances sportives, un autre message relativement clair se dégage : l’importance de la diaspora marocaine.

Le Maroc a toujours compté sur ses binationaux pour mener à bien ses ambitions sportives. On ne peut que s’en réjouir. Cela révèle l’attachement des Marocains du monde à l’identité marocaine.  Il serait naïf de croire qu’il s’agit là du fruit du hasard. Les responsables, et plus particulièrement ceux de la Fédération Marocaine de Football, n’hésitent pas à attirer les talents marocains à l’étranger, à renforcer leur lien avec leur pays (ou celui de leurs parents), à leur offrir un environnement favorable et surtout à faciliter leur intégration pour représenter un pays, qui est le leur.

Que serait le résultat si on appliquait ce type de formule pour capter les autres membres de la diaspora ? Que se produirait-il si nous fédérions les talents marocains à l’étranger pour construire un projet dépassant le cadre purement sportif ? Mésestimer le football, là où la société respire le football dès le plus jeune âge, serait peut-être provocateur de ma part. Mais disons-le clairement : le football est moins important pour la réalisation du progrès socio-économique que ne le sont le capital humain et la qualité des institutions par exemple.

Le Maroc, depuis des décennies, a certes toujours révélé son intérêt et l’importance de sa diaspora à l’étranger. Cela se reflète essentiellement par la hausse des transferts de fonds réalisés par les MRE. Selon les données fournies par la Banque mondiale pour l’année 2023, les transferts de fonds de la diaspora marocaine ont représenté 8,3% de la richesse nationale. Ces chiffres, qui sous-estiment néanmoins les envois de fonds reçus car ils excluent ceux effectués par des canaux informels, reflètent bien le poids de « l’argent des immigrés » dans le tissu économique du pays.

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En effet, les travaux antérieurs portant sur le contexte marocain ont généralement abouti à un bilan économique positif des transferts de fonds, que ce soit en termes de productivité, de capital humain ou de réduction de la pauvreté. Néanmoins, l’intérêt renoué du Maroc vis-à-vis de sa diaspora est associé à une question allant au-delà des transferts de fonds monétaires et des retombées purement économiques qu’ils peuvent générer. Les marocains à l’étranger, peuvent constituer un vecteur de transferts de normes, de savoir-faire, de technologie et de compétences, ce qui contribuera à améliorer la sphère économique mais aussi sociétal.

Dans une étude que nous avons menée en 2021[1], nous avons révélé que les transferts de fonds des migrants marocains ont contribué de manière très importante à la transition démographique du pays, en particulier la baisse spectaculaire observée de la fécondité durant les dernières décennies. Notre travail a donc permis d’analyser les effets dynamiques des transferts de fonds des migrants marocains sur la fécondité au Maroc. De manière précise, nos résultats ont montré que les transferts de fonds opérés par la diaspora marocaines ont deux effets, un de court terme et un deuxième de long terme. L’effet de court terme tient à l’effet revenu que peut engendrer l’arrivée des transferts de fonds.

Les ménages récipiendaires, vont voire leurs ressources financières augmenter, et donc l’accès aux moyens de contraception sera plus aisé. Ensuite, l’effet de long terme, qui est plus important que celui de court terme, tient du fait que les transferts de fonds permettent d’améliorer le capital humain (sous forme d’éducation) des membres restés au Maroc, y compris les femmes. La hausse du niveau d’éducation des femmes signifie de manière générale la poursuite d’études, une rentrée relativement tardive sur le marché du travail et donc un retard d’âge de mariage, ce qui pourra réduire le nombre moyen d’enfants nés par femme. Par ailleurs, l’amélioration du niveau du capital humain des femmes est traduite par une reconsidération du coût de l’enfant et donc une potentielle réflexion quant au nombre d’enfants. Cette partie de résultats de long-terme illustre parfaitement le rôle de transferts de normes que les migrants peuvent transmettre à leur famille dans le contexte marocain. Cela semble d’une grande importance à l’heure actuelle où la question de la transition démographique au Maroc revient au débat.

Enfin, la volonté annoncée par le gouvernement marocain est incontestable et les autorités et acteurs institutionnels marocains sont en train de mettre en place les mesures qui semblent adéquates pour attirer les migrants marocains à l’étranger. Un travail collectif est mené, mais le chemin reste à parcourir. Soyons optimiste, et là où il y a une volonté, il y aura un chemin.

[1] Ben Atta, Oussama, et al. « More remittances, fewer kids—Impact of remittances on fertility in Morocco. » Journal of International Development 33.8 (2021): 1238-1256.

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