Précarité et endettement: quand l’espoir de la classe moyenne s’érode
Sous la pression d’une inflation très sévère, les ménages marocains voient leur pouvoir d’achat s’effriter inexorablement, plongeant nombre d’entre eux dans une précarité inquiétante. Les promesses de réformes économiques et sociales, maintes fois énoncées par le gouvernement, peinent à se concrétiser, laissant la classe moyenne dans une impasse financière. L’alternative du crédit étrangle davantage un grand nombre de foyers, qui aujourd’hui attendent toujours de fortes mesures du gouvernement.
À l’heure où le Maroc connaît une inflation galopante, les classes moyennes, notamment les fonctionnaires et les employés du secteur privé, se retrouvent dans une position précaire, peinant à couvrir leurs charges essentielles. De nombreux rapports soulignent que le pouvoir d’achat des ménages continue de se détériorer. Alors que le chef du gouvernement Aziz Akhannouch avait annoncé des mesures ambitieuses pour améliorer la situation socio-économique du pays par la mise en œuvre de ces promesses semble se heurter à des obstacles significatifs.
Selon un rapport sur la stabilité financière, les fonctionnaires et les employés marocains se distinguent comme les principaux emprunteurs du pays, représentant 67 % des emprunts et 58 % du volume total accordé en crédits. Une analyse de 233 000 dossiers de crédit révèle que l’endettement moyen des fonctionnaires atteint 42,7 %, tandis que les employés du secteur privé supportent une dette équivalente à 32 %. Cette situation s’explique en grande partie par la stabilité des revenus des emprunteurs, qui est un critère déterminant pour les institutions financières, leur conférant un profil de risque jugé faible. Les salaires fixes de ces travailleurs facilitent leur accès au crédit, mais cette facilité se transforme rapidement en un piège, les poussant vers une spirale d’endettement.
Pour d’autres catégories de la population, comme les travailleurs indépendants et les retraités, l’endettement reste modeste. Les travailleurs indépendants représentent 11 % des emprunteurs avec un endettement moyen de 32 %, tandis que les retraités représentent 13 % avec un fardeau de la dette de 35 %. Cette différence révèle une utilisation plus prudente du crédit, probablement due à des revenus moins stables et à une plus grande prudence financière, compte tenu de leurs situations respectives.
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Le rapport se penche également sur un constat qui interpelle : les ménages à revenus élevés — ceux gagnant plus de 10 000 dirhams par mois — constituent 64 % du volume total des crédits, avec un endettement moyen de 34 %. En revanche, les foyers aux revenus plus modestes, gagnant entre 4 000 et 6 000 dirhams, ne représentent que 11 % des prêts, tout en ayant un taux d’endettement similaire à celui des ménages aux revenus plus élevés. Ce constat soulève des interrogations quant à l’adéquation des politiques de crédit et leur accessibilité pour les classes les plus vulnérables, dont le pouvoir d’achat est en constante diminution.
Effectivement, la situation économique actuelle impose aux classes moyennes de plus en plus de contraintes financières. L’inflation, qui affecte les prix des biens de consommation, des produits alimentaires essentiels et des loyers, accentue les difficultés. Les employés, souvent contraints de recourir à des crédits exorbitants pour maintenir leur niveau de vie, se retrouvent rapidement piégés dans un cycle de précarité quasi absolue. Un nombre d’entre eux est désormais contraint d’allouer une part considérable de leurs revenus au remboursement de leurs dettes, compromettant ainsi leur capacité à épargner ou à investir dans des projets futurs.
La tranche d’âge la plus touchée par cette dynamique est celle des 31 à 50 ans, représentant 47 % des emprunteurs. Dans ce groupe, le fardeau de la dette oscille entre 32 % et 37 % de leurs revenus, indiquant un recours au crédit souvent lié à des objectifs de vie essentiels, tels que l’achat d’un logement ou la prise en charge des études de leurs enfants. Cependant, le rapport souligne une inquiétante réalité : en 2023, 35 % des nouveaux emprunteurs afficheront un endettement supérieur à 40 % de leurs revenus, et parmi eux, 25 % devront consacrer plus de 70 % de leurs revenus au remboursement de leurs dettes.
Dans ce contexte, l’annonce par le gouvernement de réformes économiques et sociales destinées à répondre aux préoccupations des citoyens apparaît désormais comme une promesse vaine. Les citoyens expriment un fort sentiment de frustration face à des mesures jugées inefficaces pour améliorer leur quotidien, alors que les indicateurs économiques reflètent une détérioration continue de leur niveau de vie. L’écart flagrant entre les promesses politiques et la réalité vécue par la population soulève des interrogations sur la gouvernance et la responsabilité des autorités.
Aujourd’hui, plusieurs experts appellent à la nécessité d’une réévaluation des politiques économiques et d’un soutien accru envers les classes moyennes. Pour preuve, la viabilité à long terme du tissu social marocain est en jeu. Une faille entre les attentes des citoyens et les solutions proposées par le gouvernement pourrait engendrer un sentiment de désespoir et de méfiance envers les institutions publiques, un danger pour la stabilité sociale.