Présidentielle anticipée en Tunisie : Une course d’obstacle contre la montre
L’inversion du calendrier électoral, imposée par la vacance du pouvoir intervenue suite à la disparition, le 25 juillet, du Président Béji Caïd Essebsi, a fini par susciter chez les candidats potentiels à l’élection présidentielle anticipée, fixée le 15 septembre prochain, questionnements, désagréments et parfois même un certain mécontentement.
L’avancement de la date a brouillé toutes les cartes des candidats à la course vers Carthage et leurs calculs et ils sont obligés, dans l’intervalle du temps qui leur est imparti, de composer avec un calendrier particulièrement serré.
Après les images de ferveur populaire, diffusées le jour de l’enterrement du président défunt, les candidats se trouvent soumis à une forte pression et mesurent le défi qui leur est lancé par le changement de la donne.
Aussi bien pour les partis que pour l’Instance Supérieure Indépendante des Elections (ISIE), cette échéance se présente comme un véritable casse-tête, au regard de la difficulté de respecter scrupuleusement la période de 90 jours qu’impose la Constitution et pour les candidats d’être au rendez-vous et d’engager leur campagne dans les meilleures conditions possibles.
Lors d’une rencontre mardi avec des partis politiques et des composantes de la société civile, le président de l’ISIE Nabil Baffoun a proposé que le premier tour de l’élection présidentielle anticipée ait lieu le 15 septembre, affirmant que celui-ci pourrait être bouclé à priori en 84 jours.
Le calendrier établi prévoit un étalement de la période de dépôt des candidatures du 2 au 9 août prochain. Les candidats auront trois jours du 11 au 14 août pour compléter leurs dossiers, s’ils sont incomplets et 15 jours pour faire des recours contre les décisions de l’ISIE.
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La liste définitive des candidats à la présidentielle anticipée sera annoncée le 31 août et la campagne électorale se déroulera du 2 au 13 septembre (contre 22 jours lors des élections de 2014). Conformément à ce calendrier, il est prévu que l’ISIE annonce les résultats préliminaires du premier tour le 17 septembre et qu’elle organise dans le meilleur des cas le second tour le 29 septembre.
Au cas où aucun des candidats n’obtiendrait la majorité absolue des voix lors du premier tour, un deuxième tour sera organisé dans les deux semaines suivant l’annonce des résultats définitifs du premier tour. Les dates du deuxième tour de l’élection présidentielle sont fixées par une décision prise immédiatement après la proclamation des résultats définitifs du premier scrutin.
Malgré les réactions de dépit exprimées par la majorité des partis politiques qui se trouveront bousculés par un calendrier astreignant et court et pris à court dans la mesure où tous leurs efforts étaient braqués sur les législatives et la préparation de leurs listes, de nombreux candidatures ont été d’ores et déjà annoncées.
De nombreuses figures venant d’horizons diverses ont annoncé leur intention de se présenter à ces élections anticipées, dont Youssef Chahed, premier ministre et président du parti « Tahya Tounès », Hamma Hammami du Front Populaire (gauche), Mehdi Jomaa (parti Al Badil), Mohamed Abbou (courant démocratique), Moncef Marzouki (parti Harak), Mohsen Marzouk (parti Machaoou), Néji Jalloul (Nidaa Tounes) ou Abdelkerim Zbidi, actuel ministre de la Défense nationale qui maintient le suspens en affirmant : « je ne serai candidat, que lorsque j’aurai quelque chose à ajouter à mon pays ».
Cette liste pour le premier tour risque encore de s’allonger pouvant dépasser facilement 50 candidats. Cela s’explique par les conditions particulièrement faciles d’éligibilité. Il suffit, en effet, pour un candidat de se présenter à ce scrutin de remplir trois conditions, à savoir être électeur jouissant de la nationalité tunisienne par la naissance et étant de confession musulmane, âgé le jour de l’ouverture du scrutin de 35 ans minimum et d’être parrainé, en exclusivité, par dix élus de l’Assemblée des représentants du peuple, ou quarante des présidents des conseils de collectivités locales élus, ou par 10.000 électeurs inscrits et répartis sur au moins dix circonscriptions électorales, à condition que leur nombre ne soit pas inférieur à 500 électeurs par circonscription.
Cela requiert, enfin, qu’il dépose au Trésor public tunisien une caution financière d’une valeur de 10.000 dinars qui ne lui sera restituée que s’il obtient 3% au moins des suffrages exprimés.
En dépit du changement du calendrier électoral, les partis politiques et les indépendants se sont lancés dans une véritable bataille pour les législatives maintenues pour le 6 octobre 2019.
Au dernier jour du dépôt des candidatures (lundi dernier), l’Instance supérieure indépendante pour les élections a reçu 1.572 listes déposées dans 33 circonscriptions électorales en Tunisie et à l’étranger.
Pour le nombre total des candidats dans ces listes, il s’élève à 15.737 qui postuleront pour 217 sièges au Parlement. Les listes sont composées de 687 listes partisanes, 722 listes indépendantes et 163 listes de coalition.
Les élections législatives risquent, selon plusieurs observateurs, de reproduire la même configuration actuelle. Il existe un grand risque d’effritement des voix au regard de l’inflation des listes en compétition et de la difficulté de l’opération de vote.
L’électeur aura à choisir une liste sur 50 dans chaque bureau de vote. A cela s’ajoutent le fort taux d’absentéisme redouté et l’impossibilité pour les partis en compétition de recueillir une majorité confortable pour gouverner le pays ce qui impose inévitable le recours au jeu d’alliances qui a prouvé au courant du mandat qui tire à sa fin, ses limites, précisent les mêmes sources.