Présidentielle au Kenya: défection de poids à la Commission électorale

Une des principales responsables de la Commission électorale au Kenya (IEBC) a jeté l’éponge mercredi, en estimant que la présidentielle du 26 octobre, organisée après l’invalidation du scrutin du 8 août, ne pouvait pas être crédible.

La démission de Roselyn Akombe, une des sept commissaires de l’IEBC, constitue un énième rebondissement dans la présidentielle kényane qui a plongé le pays dans sa pire crise politique depuis dix ans. « La commission dans son état actuel ne peut certainement pas garantir une élection crédible le 26 octobre 2017. Je ne veux pas faire partie d’une telle parodie« , a affirmé Mme Akombe dans un communiqué daté de New York, où elle est installée depuis plusieurs années. Le 1er septembre, la Cour suprême avait annulé la confortable réélection du président sortant Uhuru Kenyatta (54,27% des voix) en critiquant vertement l’IEBC pour avoir organisé une élection qui n’était « ni transparente, ni vérifiable« .

Très rapidement, les divisions au sein de la Commission étaient apparues au grand jour, notamment dans un courrier du chef de l’IEBC Wafula Chebukati, qui avait fuité dans la presse, demandant des comptes à son directeur exécutif Ezra Chiloba sur une série de dysfonctionnements et de pratiques suspectes lors du scrutin du 8 août. « La Commission est devenue une partie à la crise actuelle. Elle est assiégée« , a écrit Mme Akombe. Dans une interview à la BBC, elle dit également avoir craint pour sa vie et n’envisage pas de rentrer dans son pays natal dans un avenir proche. Mme Akombe, lorsqu’elle a été nommée commissaire de l’IEBC en janvier, comme le reste de l’équipe, avait pris un congé sabbatique de son travail aux Nations unies à New York.

Dans son communiqué, elle ajoute que des agents de terrain de l’IEBC ont ces derniers jours fait part de leurs inquiétudes pour leur sécurité, notamment dans les zones acquises à l’opposition. Depuis l’invalidation de l’élection par la Cour suprême, l’IEBC est la cible première des récriminations de l’opposition. Le leader de l’opposition Raila Odinga a annoncé son retrait (qu’il n’a toutefois pas encore formalisé) de la présidentielle du 26 octobre, estimant que l’IEBC n’avait pas conduit les réformes nécessaires susceptibles de garantir un scrutin équitable. Mme Akombe explique elle que l’élection ne peut être crédible alors que le personnel n’a pas été correctement formé, faute de temps, aux procédures retenues pour ce nouveau scrutin.

Selon elle, certains de ses collègues commissaires ou employés de la Commission font également l’objet « d’intimidations de la part de politiciens« . « Il n’est pas trop tard pour sauver notre pays de cette crise. Nous avons juste besoin de quelques hommes et quelques femmes intègres qui se lèvent pour dire que nous ne pouvons aller aux élections (…) telles qu’elles sont pour le moment préparées« , a-t-elle écrit. Mme Akombe était rapidement devenue une figure familière des Kényans en raison de ses apparitions dans les journaux télévisés pour expliquer l’avancement des préparatifs de la Commission.

Sa démission est un pavé dans la mare avant l’élection du 26 octobre et vient donner un peu plus de poids aux griefs de l’opposition. Cette dernière réclame notamment la tête de ceux qu’elle accuse au sein de la Commission de s’être rendus coupables d’irrégularités, au premier rang desquels M. Chiloba. Mais l’IEBC poursuit actuellement ses préparatifs pour conduire l’élection le 26, quand bien même, selon Mme Akombe, « il y a une très forte probabilité que certaines des erreurs commises par des scrutateurs lors de la précédente élection se répètent« .

Mardi, M. Odinga, 72 ans, a annoncé la suspension jusqu’à nouvel ordre des manifestations de l’opposition après la mort depuis vendredi de trois jeunes hommes, tués par balle. Au moins 40 personnes ont été tuées depuis l’élection, la plupart dans la répression brutale des manifestations par la police, selon les organisations de défense des droits de l’Homme. La crise politique actuelle suscite l’inquiétude chez de nombreux Kényans, 10 ans après les pires violences politico-ethniques dans l’histoire du Kenya indépendant (1963), qui avaient fait plus de 1.100 morts et 600.000 déplacés.

AFP

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