Qualifiant Boualem Sansal d’« imposteur », Abdelmadjid Tebboune révèle la dérive autoritaire de l’Algérie
Le climat politique en Algérie s’est envenimé après les propos outranciers du président Abdelmadjid Tebboune, qui, en qualifiant l’écrivain détenu Boualem Sansal d’« imposteur », a une nouvelle fois jeté une lumière crue sur la dérive autoritaire du régime algérien. Des déclarations qui non seulement soulignent le caractère répressif du gouvernement, mais révèlent aussi la volonté de dissimuler les vérités gênantes de l’histoire contemporaine de l’Algérie.
Dans une sortie publique à la fois choquante et irresponsable, Abdelmadjid Tebboune a attaqué l’écrivain, dont l’arrestation en novembre dernier avait déjà soulevé une vague d’indignation au niveau international. Selon le président algérien, Boualem Sansal serait un « imposteur qui ne connaît pas son identité ». Tebboune a déclamé : « Vous envoyez un imposteur qui ne connaît pas son identité, qui ne connaît pas son père, et qui vient dire que la moitié de l’Algérie appartient à un autre Etat. » Une accusation démesurée et infondée, qui semble traduire une volonté délibérée d’éradiquer toute forme de dissidence dans le pays.
Il est difficile de ne pas y voir une tentative de déstabilisation de la liberté d’expression, alors même que Boualem Sansal n’a été ni jugé ni reconnu coupable par la justice. En qualifiant l’écrivain d’« imposteur », le président algérien ne se contente pas de mener une attaque personnelle contre un intellectuel reconnu ; il inscrit son discours dans une logique de déni des voix dissidentes. Ces propos confirment les craintes selon lesquelles le régime d’Abdelmadjid Tebboune, successeur d’une longue lignée de dirigeants autoritaires, cherche à maintenir une emprise absolue sur le pays, tout en étouffant toute contestation.
Le président, en procédant ainsi, ne se contente pas d’ignorer la présomption d’innocence, il adopte une position qui s’apparente à un aveu de la nature autoritaire du régime algérien. L’Algérie, sous Tebboune, apparaît désormais comme une dictature ouverte, où la liberté d’expression est bafouée et où ceux qui osent remettre en question la version officielle de l’histoire sont immédiatement réduits au silence.
La démesure de ses propos envers Boualem Sansal n’est pas un simple dérapage verbal, mais s’inscrit dans un contexte politique et social plus large, où la répression des voix dissidentes devient un mode de gouvernance quotidien. Le silence des institutions judiciaires et l’absence de tout verdict légal sur l’arrestation de Sansal montrent clairement que l’État algérien entend punir sans procès, étouffant ainsi toute forme de débat public.
À travers cette attaque directe contre un écrivain d’envergure internationale, le président Tebboune cherche à étouffer la vérité sur la décennie noire, période tragique de l’histoire algérienne, où des milliers de vies ont été brisées par des violences politiques. Boualem Sansal, dans ses écrits, a toujours mis en lumière les cicatrices laissées par cette période, une histoire que le gouvernement algérien semble vouloir effacer. L’écrivain de 75 ans, auteur de « Le village de l’Allemand » et d’autres romans puissants, a pris position contre les manipulations officielles concernant cette époque, et c’est probablement ce courage intellectuel qui lui vaut aujourd’hui une telle persécution.
Ce n’est pas la première fois que l’Algérie tombe dans la répression brutale. Depuis des années, le régime a fait usage de la loi antiterroriste pour enfermer ses opposants, qu’ils soient militants, journalistes ou simples citoyens, qui osent s’opposer à la politique intérieure et étrangère du pays. Boualem Sansal, figure emblématique de la liberté d’expression, est désormais l’une des victimes de ce système répressif.
L’arrestation de Sansal a coïncidé avec un tournant diplomatique majeur, après que la France ait reconnu la souveraineté du Maroc sur ses provinces du Sud, un autre sujet particulièrement sensible pour l’Algérie. Ce contexte géopolitique complexe, couplé à la situation interne de plus en plus tendue, avec des mouvements de protestation comme le #Manish_Radi, condamnant les conditions socio-économiques catastrophiques du pays, alimente un sentiment de frustration généralisée au sein de la population algérienne. Ce sentiment de révolte, alimenté par une crise économique et sociale persistante, trouve sa voix dans des mouvements en ligne, mais aussi dans la répression brutale de la parole libre.
Les soutiens à Boualem Sansal ne se sont pas fait attendre. Des voix internationales, comme celles de l’Académie française, se sont élevées pour exiger la libération immédiate de l’écrivain. L’Académie des sciences d’outre-mer, tout comme de nombreuses autres institutions, ont dénoncé cette arrestation arbitraire et appelé à un respect immédiat des droits humains et des libertés fondamentales. Ces prises de position témoignent du soutien mondial à l’écrivain et soulignent l’isolement grandissant de l’Algérie sur la scène internationale.