Quand l’Allemagne cultive la Schadenfreude et se heurte au lourd poids du Maroc
Hassan Alaoui
« L’affaire de l’Allemagne » ou ce que d’aucuns qualifient de provocation ne laisse pas de surprendre. Nul n’étant devin, on ne sait donc pas comment elle évoluera, ni comment elle finira. Ce qui est, en revanche, sûr et incontestable est que l’Allemagne opère un tournant de sa diplomatie dans le dossier du Sahara marocain. Elle se situe, de toute évidence, du côté du gouvernement algérien et du polisario. Elle en devient même l’avocat pro domo , et elle le proclame sans ambages.
A preuve, la série de prises de positions depuis au moins deux ans et qui ne trompent personne, tant un certain cynisme les saupoudre de bienveillance à l’Algérie, de non-dits à l’égard du Maroc et ce pragmatisme germanique teinté de gris qui est érigé comme l’arc-en-ciel contradictoire. De quoi nourrir naturellement les interrogations majeures à la fois sur la nature du long séjour en Allemagne du président algérien Tebboune et de cette volonté allemande consistant à isoler le Maroc…
Or, dans cette affaire du Sahara marocain, la Realpoltik , autrement dit le jeu de la duplicité dans un environnement volatile, la courte vue, cette dérisoire volonté de défendre l’indéfendable est aujourd’hui le miroir grossissant d’une Allemagne qui n’a pas encore expié ses peccamineux péchés d’il y a soixante ans. On pourrait dire que l’Allemagne vit mal sa rédemption, sortie divisée de la Deuxième guerre mondiale en 1945, désespérant jusqu’en 1989 de retrouver son unité nationale, reprenant à son compte le thème rédhibitoire de « l’unité , de souveraineté et d’intégrité territoriale », elle serait ce faisant le parangon de l’unité opposée au séparatisme. Mais, voilà que l’Allemagne d’Angela Merkel, chrétienne-démocrate et héritière du lourd héritage d’un Helmut Kohl semble virer sa cuti et opte pour le séparatisme préconisé par l’Algérie, voilà qu’elle épouse sans sciller les thèses séparatistes et des divisions. C’est à proprement parler antithétique d’une femme qui, la guerre froide et le rideau de fer de Berlin aidant, a souffert du séparatisme et applaudi à la réunification de son pays et son peuple.
Konrad Adenauer ou ses successeurs, y compris les sociaux-démocrates comme Willy Brandt, Helmut Schmidt ou Gérard Schroeder, se retourneraient dans leur tombe en apprenant cette prise de position aberrante et n’obéissant à aucun critère de Mme Merkel en faveur du polisario. Ayant passé le plus clair de sa jeunesse en RDA ( République démocrate allemande), pays communiste des plus durs, elle dirige depuis 2005 l’Allemagne fédérée et unifiée, soit depuis seize ans maintenant. Les dirigeants du monde entier, notamment français, lui rendent cet hommage d’une « femme de fer ».
Il convient de s’interroger sur la nature de ce choix à tout le moins surprenant de soutenir le polisario , donc de s’aliéner « l’amitié » du Maroc, vieille nation et partenaire depuis des lustres ? La succession d’impairs, disons de postures malveillantes à l’égard du Royaume du Maroc n’est pas le fait du hasard, tant leur portée plonge dans les profondeurs qui dépassent les simples malentendus. L’alignement de Berlin sur les positions hostiles de l’Algérie et de l’Afrique du sud traduit ni plus, ni moins l’intérêt mercantile , autrement dit pétrolier et gazier. Il va jusqu’à cette désastreuse et partiale décision d’exclure le Maroc dans les travaux de la Conférence organisée il y a un an à Berlin et consacrée à la crise de la Libye…Néanmoins tant de tintamarre et de flonflons pour un résultat médiocre et sans suite. Un feu de paille, mais une leçon pour nous…
Cela dit, au-delà des intérêts immédiats, l’axe pour ainsi dire Alger-Berlin, informe voire incohérent dans sa nature , a pour objectif de peser sur la relation flottante que l’Union européenne entretient avec le Maghreb et l’Afrique. Et pour être précis, Mme Merkel veut empêcher que les Etats et gouvernements de l’Union européenne suivent l’exemple de l’Amérique et reconnaissent ainsi, à leur tour, la marocanité du Sahara.
Mme Merkel et son gouvernement anticipent ainsi ce qui pourrait être une vague de reconnaissance dans le sillage des Etats-Unis, elle devient le défenseur obligé des positions algérienne et sud-africaine, et entend en dissuader ses voisins européens. Mme Merkel qui quittera le pouvoir au lendemain des prochaines élections fédérales du 26 septembre 2021, fait face à une tempête redoutable, au niveau national et européen , parce que le Danemark, l’Autriche, la Pologne, la Slovaquie et la République tchèque entre autres, en plus de la Hongrie qui est le chef de file, rompent la stratégie de vaccination de l’Union européenne dont l’Allemagne veut être le pays porteur. Le dogme « merkélien » est secoué. Comme nous le disait un observateur pertinent , « l’Allemagne est douée pour céder devant les grands, comme les Etats-Unis et la Chine, mais elle joue la moraliste avec le reste du monde » !
Qui remplacera en septembre Madame Merkel à la chancellerie ? Et quelle politique étrangère adoptera-t-il ? Nous n’en sommes, certes, pas là encore. De toute évidence, la vision diplomatique imprimée à l’Allemagne par la chancelière sera confrontée à la marche historique , irréversible et incontournable, que le Royaume du Maroc a entreprise et continue de réaliser depuis vingt-deux ans . La future coalition allemande sera peut-être conduite par Markus Söder, de la CSU qui inspire à de nombreux électeurs allemands confiance et l’espoir d’un changement.
En définitive, le Maroc aura patienté et attendu, face à une forfaiture allemande montée crescendo : le soutien au polisario, le torchon de en guise « drapeau » du polisario sur un bâtiment officiel, les blocages au niveau de la Commission européenne, l’entrisme par l’intermédiaire de organismes et les fondations, enfin cette intervention subversive au sein du Conseil du sécurité de l’ONU pour dénoncer, en violation de la règle du droit international, la reconnaissance par l’un des membres de ce dernier, à savoir les Etats-Unis, de la marocanité du Sahara…