Quand le financement se met au vert
Par Kenza El Rhana
Une table ronde organisée par nos confrères, Les Inspirations ÉCO, le 23 février, avait pour thème les investissements verts et les solutions de financement qui s’offrent aujourd’hui aux PME marocaines. Rassemblant acteurs et institutions pour permettre d’analyser au mieux les dispositifs de soutien de l’économie verte et ses outils de financement, cette conférence a vu la participation de Saïd Mouline, Directeur Général de l’Agence Marocaine de l’Efficacité énergétique (AMEE), Fatima Zahra Khalifa, Directrice Générale du Cluster ENR, Tarik Haddi, Directeur Général du Fonds d’Investissement Azur Partner et Hicham Zanati Serghini, Directeur Général de Tamwilcom.
“Le financement vert n’est plus une mode”, déclare Fatima Zahra Khalifa. La directrice générale de l’association marocaine des acteurs du secteur EnR, rappelle ainsi la nécessité de mettre en œuvre des solutions de financement qui permettront d’assurer la transition énergétique largement enclenchée dans les différents secteurs de l’industrie marocaine. Une transition, qui coûtera, d’après elle, “très cher”.
Abordé lors de la dernière COP en Egypte, la mobilisation de financements en faveur de la transition énergétique en Afrique, pays le moins émetteur de gaz à effet de serres (GES) mais pourtant le plus impacté par les conséquences du réchauffement climatique, connaît, au Maroc, ses premiers éléments de réponses dans une politique nationale mise en place depuis plus de 10 ans.
Si on peut qualifier le royaume de visionnaire quant à sa politique climatique et la nécessité de transformer le paysage économique, l’heure est maintenant à l’accélération. Se mettre au vert pour une entreprise est aujourd’hui synonyme de décarbonisation. Et pour cause, les industriels marocains sont de plus en plus amenés à s’intéresser aux origines de leurs matières premières, à l’utilisation de leurs ressources hydriques, à l’installation de leurs usines ou à leur efficacité énergétique, pour répondre aux nouvelles directives émises par de nombreux donneurs d’ordre.
Pour permettre aux entreprises marocaines, qui pour plus de 90% d’entre elles sont des TPE, de correspondre à ces nouvelles consignes, des dispositifs de financement et de soutien à l’économie verte connaissent une première expansion dans le tissu économique. A l’instar de “Green Invest” solution mise en place par Tamwilcom, institution financière publique, de nombreuses banques et bailleurs de fonds proposent subventions et financements à des taux toujours plus compétitifs. Le Maroc dispose d’un écosystème complet qui, entre fournisseurs de solutions, organismes de financements, start-up et ressources renouvelables, n’attend plus qu’une chose : décoller.
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Pour Saïd Mouline, “il faut changer notre philosophie d’entreprise”. Chaque secteur industriel a besoin d’une approche basée sur ses spécificités et doit, dans un premier temps, s’intéresser et établir son impact énergétique. Ce n’est qu’à partir de là, que la question de l’investissement peut être soulevée et la recherche de nouveaux moyens de financement enclenchée. Dans ce sens, Tamwilcom a conclu de nombreux accords avec différents acteurs du système bancaire, dans le but de sensibiliser les consommateurs à ces nouvelles solutions de cofinancement pouvant aller jusqu’à 10 millions de dirhams sur une durée de remboursement maximum de 12 ans, a souligné Taoufik Lahrach.
Pour permettre au TPME marocaines de bénéficier d’une place bien plus centrale dans le processus de production des entreprises européennes, il devient indispensable de s’éloigner du financement conventionnel, de l’industrie polluante consommatrice de ressources non renouvelables. Adoptant pour la plupart une tendance générale qui se veut plus indépendante de l’Asie en raccourcissant les parcours de marchandises et donc les émissions de GES, le marché marocain devra s’adapter rapidement pour éviter de se voir fermer la porte.
Une transition verte qui suppose une nouvelle filière industrielle qui tend clairement vers la mise en place du principe de “private equity”, ou capital-investissement. Une stratégie d’investissement qui a largement montré sa rentabilité lorsqu’on observe ses résultats sur la productivité américaine, mais également vérifié auprès d’organismes africains ou internationaux. D’après Tarik Haddi, en agissant directement sur la structure financière d’une entreprise, elle permettrait à cette dernière d’être plus résiliente face aux chocs, à l’heure où “de nombreuses PME ou ETI à fort potentiel ont vu leur capacité d’investissement amoindri, si ce n’est anéanti par le Covid, la guerre en Ukraine, la sécheresse, l’inflation et dernièrement l’augmentation des taux d’intérêt”.
Pour provoquer ces changements structurels dans la vision du financement, les quatre intervenants s’accordent à appuyer le développement d’une mentalité verte” chez le consommateur marocain. Ainsi, le développement de formations de spécialistes à tous les échelons est, d’après eux, primordial pour permettre au Maroc de conserver son avance certaine dans le domaine. Une initiative largement soutenue par le Fonds Mohammed VI pour l’Investissement, qui se veut ainsi comme catalyseur d’un private equity marocain puissant, orienté vert.