Quand le Maréchal Lyautey recadrait Birot à propos du Maroc

CE QUE JE PENSE

Il est des moments dans l’histoire où une parole surgit pour rétablir la vérité, marquer le respect, et surtout préserver la dignité d’une nation, où l’histoire elle-même semble s’arrêter pour laisser place à une vérité plus profonde, celle de la grandeur et du respect. En ce jour de février 1916 à Lyon, le Maréchal Lyautey, Résident général au Maroc, en visionnaire, se lève pour rappeler à tous que le Maroc n’est pas une simple étendue de terres conquises, mais un empire ancien, fier, et indomptable. Sa réponse adressée au député Birot, qui avait commis l’erreur grossière de qualifier le Maroc de « colonie« , résonne encore aujourd’hui comme un puissant témoignage, une vérité qui rappelle la grandeur d’un empire, celui du Maroc, et la profondeur des liens qui l’unissent à la France. « Permettez-moi maintenant, cher monsieur Birot, de retenir l’attention sur une de vos paroles. Parlant de l’Algérie, de la Tunisie et du Maroc, vous avez dit : « Nos trois colonies ». Or, rien ne serait plus inexact et plus périlleux que de faire de l’Afrique du Nord une image aussi simplifiée, et de considérer la Tunisie, l’Algérie et le Maroc sous le même aspect. ».

De prime abord, Lyautey, dans une éloquence rare, a d’abord tenu à rappeler une distinction fondamentale : si l’Algérie et la Tunisie ont connu une trajectoire coloniale, le Maroc, lui, demeurait certes un protectorat mais surtout un empire, une terre d’histoire et de grandeur, forgée par des siècles de souveraineté. « Alors que nous sommes en Algérie depuis plus de quatre-vingt ans, en Tunisie depuis trente-cinq ans, nous n’avons pris pied au Maroc qu’il y a huit ans, et notre protectorat y date de moins de quatre ans. Et puis, si l’Algérie est bien une « colonie », le Maroc est un « protectorat », et ce n’est pas là seulement question d’étiquette. ». D’emblée, cette nuance, loin d’être une simple question d’étiquette, témoigne d’une reconnaissance indéfectible envers un pays qui, contrairement aux autres territoires nord-africains, a toujours été indépendant, riche de ses traditions politiques, religieuses et économiques.

Pour le Maréchal, en Algérie bel et bien, la France a pris pied dans un vide politique, face à un pouvoir effondré. Le Maroc, lui, se dressait comme un roc, avec ses institutions, ses dignitaires, ses ambassadeurs ayant conversé d’égal à égal avec les puissants de ce monde. « Alors que nous nous sommes trouvés en Algérie en face d’une véritable poussière, d’un état de choses inorganique, où seul le pouvoir constitué était celui du dey turc effondré dès notre venue, au Maroc, au contraire, nous nous sommes trouvés en face d’un empire historique et indépendant, jaloux à l’extrême de son indépendance, rebelle à toute servitude, avec sa hiérarchie de fonctionnaires, sa représentation à l’étranger, ses organismes sociaux dont la plupart subsistent toujours. »

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Assurément, les mots de Lyautey, dans une envolée pleine de sagesse, riches de sens, nous plongent dans une époque où le Maroc déployait sa magnificence à travers ses élites religieuses et intellectuelles, ses oulémas reconnus jusqu’en Orient, ses commerçants prospères, maîtres des routes reliant Manchester à Hambourg. Un empire vivant, fier, et profondément ancré dans ses traditions. « Songez qu’il existe encore au Maroc nombre de personnages qui furent ambassadeurs du Maroc à Saint-Pétersbourg, à Londres, à Berlin, à Madrid, à Paris, accompagnés de secrétaires et d’attachés, hommes d’une culture générale, qui ont traité d’égal à égal avec les hommes d’État européens, qui ont le sens et le goût des choses politiques : rien de similaires en Algérie ou en Tunisie. À côté de cet État-major politique, il existe également un État-major religieux qui n’est pas négligeable. Le ministre de la justice actuel du sultan a professé pendant des années à l’université d’El-Azhar au Caire, à Istanbul, à Brousse, à Damas, est en correspondance avec les oulémas jusqu’aux Indes, et n’est pas le seul qui soit en relations avec l’élite islamique d’Orient. Il existe enfin une équipe économique de premier ordre composée de gros commerçants qui ont des maisons à Manchester, à Hambourg, à Marseille… »

À l’évidence, Lyautey nous invite à regarder ce Maroc non pas avec l’arrogance d’un colonisateur, mais avec l’admiration d’un homme conscient de la grandeur de ceux qu’il gouvernait. « Plus je connais les Marocains et plus je vis dans ce pays, plus je suis convaincu de la grandeur de cette nation », a-t-il fait graver sur sa tombe, comme un serment éternel à ce pays qui l’avait tant marqué. Ces mots résonnent aujourd’hui comme un hommage sublime, une ode à un peuple qui, malgré les complexités du monde moderne, a su préserver son identité, son orgueil, sa souveraineté.

Car au-delà des simples jeux de pouvoirs et de frontières, ce que Lyautey avait capturé, c’est l’essence même du Maroc : une terre où chaque pierre, chaque souffle d’air, porte l’écho d’un passé glorieux. C’est ce respect, ce regard attentif et plein de déférence, que la France a su porter sur le Maroc. Loin d’être un hasard, cette prise de position du Maréchal reste encore un modèle de reconnaissance et d’admiration mutuelles. Car la relation entre la France et le Maroc ne peut s’appréhender à travers le prisme réducteur de la colonisation. Non, elle puise sa force dans le respect des identités et dans la reconnaissance d’une grandeur historique, incarnée par un empire séculaire qui, malgré les épreuves, n’a jamais plié sous le poids des servitudes.

Oui, le Maroc est une nation qui inspire, qui impressionne, et qui impose le respect. Et c’est sous l’œil de Lyautey, qui a su voir au-delà des clichés de son époque, que cette réalité éclatante se dévoile dans toute sa majesté encore aujourd’hui.

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