Quelles perspectives politiques en France après le désenchantement du 19 juin ?
Par Hassan Alaoui
S’il est un mot que qui revient comme une antienne dans les différentes analyses et l’après élections législatives en France, c’est bel et bien celui de « Cataclysme» . Prenant acte de la cuisante défaite du groupe « Ensemble », il annonce des grands bouleversements. Le décryptage des résultats conjugué à l’échec de ce que l’on appelle les barons de la Macronie, Richard Ferrand, Christophe Castaner, compagnons de route dès le début de carrière politique du président, une chose est sûre, il sera très difficile de gouverner avec une majorité relative aussi serrée. Devant cette configuration inédite il est à craindre – et beaucoup l’expriment – que la France ne devienne ingouvernable, un peu à la manière du champ politique italien dans ses crises politiques.
Deux mois après l’élection des présidentielles qui ont porté triomphalement Emmanuel Macron au pouvoir, ces législatives du 19 juin censées lui apporter une majorité absolue font entrer la France dans une zone de turbulences avec des questions clefs : avec qui Macron, qui a toujours refusé de s’inscrire dans une ligne idéologique claire, va-t-il gouverner ? Comment va-t-il gouverner ? Y aura-t-il un gouvernement de combat pour faire passer les reformes, ou un quinquennat au rabais obligé de négocier texte par texte avec les milliers d’amendements qui s’annonce ?
Une chose est sure néanmoins, c’est la remise en cause de la politique d’Emmanuel Macron de dépassement du labyrinthique syntagme « ni gauche ni droite », et ce sont ces partis de droite et de gauche qui vont tenter de faire passer leur programme Cette repolitisation de l’Assemblée avec ses trois blocs , le jaillissement du groupe Nupes et surtout du Rassemblement national qui fête cette année ses 50 ans , arrivé en force avec 3 fois plus de députés qu’en 1986 et qui marque la droitisation de la société française, appellent de toute évidence à un nouveau logiciel, à un changement de fonctionnement voire de système politique. Si à chaque texte de réforme proposé il y aura le risque opposable d’une motion de censure, la question clef est pendant combien de temps le gouvernement de Mme Borne – qui a appelé à un gouvernement de combat– pourra-t-il tenir ? Autre interrogation : le profil d’Elisabeth Borne correspond-il à cette nouvelle cartographie politique issue dimanche soir ? Enfin, la France deviendrait-elle de ce fait ingouvernable ? Sans oublier le succès du parti des abstentionnistes totalisant 54% qui marque une forte défiance à l’égard de l’élite et qui risque également de faire bouger la société comme cela fut le cas avec les « gilets jaunes »…
Indéniable constat : la proposition de constituer un Pacte de coalition avec la droite entre le groupe Macron et les Républicains (LR) proposé par Jean-François Copé a été vite balayé d’un revers de main par Christian Jacob secrétaire général du parti LR, dont beaucoup de députés ne veulent pas de contrat de gouvernement pour ne pas être des supplétifs, préférant si besoin négocier au cas par cas, dossier par dossier. Une réunion du Conseil stratégique des LR devrait d’ailleurs clarifier les postions et faire émerger une décision dans la tourmente. On comprend cependant que tout devient une question de rapport de forces qui, aujourd’hui, d’une manière globale ne favorise aucune formation mais constitue cette inédite option : l’entrée en force au Parlement du Rassemblement national (RN) et la « virginité retrouvée » de Marine Le Pen avec un groupe d’opposition conséquent.
Un Premier test aura lieu le 5 Juillet avec une étape clé : la Déclaration de politique générale de la Première ministre Elisabeth Borne, réélue sur un fil qui va probablement sans plus exposer devant les députés son programme de gouvernement. Bien que l’engagement de responsabilité ne soit pas obligatoire, la plupart des gouvernements nouvellement nommés y ont recours. Ce vote de confiance permet de compter ses soutiens aux réformes. Mais Elisabeth Borne pourra –t-elle faire face à la nouvelle configuration de l’Assemblée et en cas d’échec peut on aller jusqu’à une possible dissolution de cette dernière ?
Ce que l’on garde en tête ce sont les réactions d’opposition , voire de revanche contre la conception verticale du président Macron qui a marginalisé les corps intermédiaires, les territoires et le Parlement. Selon les députés de la NUPES, Macron a écrasé l’Assemblée et beaucoup appellent pour mettre fin à une crise de régime par une refondation institutionnelle où les forces politiques seraient mieux écouées. Aujourd’hui c’est le fonctionnement de cette nouvelle Assemblée qui est posé, il s’agit de composer avec un régime parlementaire dans une assemblée multicolore et c’est un chantier institutionnel qui va s’ouvrir. Rappelons pour être objectif que le président Macron anticipait lui aussi un certain nombre d’inflexion de la vie politique et qu’un projet de loi organique et un projet de loi ordinaire pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace ont déjà été présentés par le ministre de l’Intérieur dès 2018.
Ces projets de loi traduisaient le triple engagement pris par le Président de la République devant les parlementaires réunis en Congrès le 3 juillet 2017, visant à renforcer la qualité du travail législatif par la diminution de ses effectifs (de 30 %), à améliorer la représentativité de l’Assemblée nationale (par l’introduction d’une dose de 15 % de proportionnelle) et à renouveler la vie politique par l’instauration de dispositions limitant le cumul des mandats dans le temps. Ces projets sont restés à l’état de projet.
De son coté Jean-Luc Mélenchon a avancé l’idée d’une VIème République pour mettre fin au pouvoir prédominant du président et augmenter l’implication des citoyens dans les décisions politiques l’élaboration des lois, les politiques publiques et dans la gestion des Collectivités territoriales. Il souhaite un régime parlementaire dans lequel le gouvernement récupérerait le pouvoir exécutif et serait responsable devant le Parlement. On peut se demander si les évolutions actuelles ne vont pas vers un régime parlementaire et vers de nouvelles institutions plus représentatives de