Quelles stratégies monétaires pour stabiliser l’inflation au Maroc ?
Le Maroc fait face à des chocs successifs dans un contexte économique complexe et volatile, notamment dans le secteur agricole, où les incertitudes géopolitiques mondiales et les fluctuations des prix du pétrole exacerbent le risque d’inflation. Pour contrer ce risque, Bank Al-Maghrib envisage de développer des politiques monétaires et budgétaires cohérentes et durables, favorisant une croissance inclusive et une stabilité des prix à long terme.
L’inflation au Maroc semble se stabiliser après une période de forte hausse des prix. La Banque Centrale doit naviguer dans une économie marquée par des chocs d’offre croissants, particulièrement dans le secteur agricole, et par une incertitude mondiale quant aux prix du pétrole. Notre dépendance aux énergies fossiles (pétrole, gaz et charbon) dépasse 80%.
La situation actuelle de l’inflation au Maroc est favorable, mais le retour de l’inflation reste probable face à d’éventuels chocs d’offre et à un écosystème régional et mondial en constante évolution. La Banque Centrale a réduit son taux directeur, marquant la fin d’une période inflationniste de 10,1% en février 2023. À court et moyen terme, l’inflation devrait diminuer, et les performances économiques du Maroc sont prometteuses pour une baisse future de l’inflation.
Il est important de noter que l’inflation est cumulative. Lorsque les taux d’inflation sont faibles, cela signifie que l’inflation ralentit (désinflation), mais cela ne signifie pas une diminution des prix (déflation). Une politique monétaire inefficace peut entraîner une stagnation économique et une augmentation du chômage. Même si l’inflation ralentit, les hausses de prix précédentes persistent et affectent toujours les citoyens. En raison des périodes de sécheresse, le Maroc fera face à des chocs d’offre de plus en plus prononcés. Les prévisions des prix du pétrole pour fin 2024 et 2025 sont à la hausse, avec des projections dépassant les 100 dollars le baril, ce qui pourrait avoir un impact significatif.
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Les changements climatiques récurrents provoquent des chocs d’offre, notamment des sécheresses de plus en plus fréquentes et sévères. L’évolution annuelle de la valeur ajoutée agricole est très volatile : 19,5% en 2021, -11,3% en 2022, et 1,4% en 2023. La valeur ajoutée agricole représente une part considérable du PIB marocain (10,6% en 2023), et sa volatilité peut engendrer des chocs d’offre qui accroissent l’inflation.
L’efficacité de la politique monétaire repose sur plusieurs éléments, notamment la qualité, la granularité et l’hétérogénéité des données, qui sont cruciales pour élaborer des modèles robustes guidant les décisions politiques. La révision des coefficients de pondération de l’IPC pour tous les pays africains est essentielle, tout comme l’évaluation de l’inflation anticipée pour les ménages et les entreprises. Bien que des enquêtes sur les anticipations d’inflation soient menées au Maroc, elles se concentrent principalement sur les acteurs des marchés financiers plutôt que sur les ménages. Renforcer la transparence, notamment en expliquant la méthodologie de fixation des taux d’intérêt, serait bénéfique.
Le forward guidance est une bonne pratique pour la santé économique et les anticipations inflationnistes, influençant les comportements des acteurs économiques, notamment les marchés financiers et les investisseurs étrangers. Il consiste à révéler les orientations futures des politiques monétaires, en particulier lorsque des mesures expansionnistes sont envisagées. Bank Al-Maghrib envisage de développer des politiques monétaires et budgétaires coordonnées, cohérentes et durables, favorisant une croissance inclusive et une stabilité des prix à long terme.
Quid de la Banque centrale ?
La Banque Centrale est une institution indépendante, un statut basé sur une théorie économique libérale. La gestion de la monnaie doit être éloignée des États pour éviter un usage démagogique et fluctuant. Une subordination de la monnaie à la politique générerait de l’inflation et aurait peu d’effet sur la croissance et l’emploi. D’où l’idée d’une banque totalement indépendante, dont la mission principale est d’assurer la stabilité des prix.
L’inflation est l’augmentation des prix. Le problème réside dans la vitesse à laquelle les prix augmentent par rapport aux revenus. Si les prix augmentent de 6% et les salaires de 3%, tout le monde s’appauvrit. Des économistes de renom suggèrent qu’en dessous de 8 à 10%, le taux d’inflation n’a aucune corrélation avec le taux de croissance. Historiquement, les périodes de forte activité économique, comme les Trente Glorieuses, se sont accompagnées d’une certaine inflation. La théorie de la boucle prix-salaire (les prix augmentent, puis les salaires, puis les prix, etc.) pourrait mener à l’hyperinflation, mais cela est rare. L’hyperinflation résulte surtout d’une émission monétaire excessive pour financer des dépenses des dirigeants ou favoriser certains groupes. La lutte contre l’inflation est perçue comme garante de la stabilité économique, autour de la modération salariale et des rendements assurés aux détenteurs d’actifs financiers.