Rachid Talbi Alami: « L’Afrique doit transcender des défis par l’action »
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En ouverture du Forum des Présidents des Commissions des Affaires Étrangères des Parlements Africains, le président de la Chambre des représentants, Rachid Talbi Alami, a prononcé un discours qui a dressé un état des lieux sans concession des défis africains, tout en appelant à une unité renouvelée pour transformer les potentialités en réalisations tangibles.
D’entrée, Rachid Talbi Alami a rappelé les paradoxes qui traversent l’Afrique. « Si le continent affiche un taux de croissance attendu de 4,3 % en 2025, avec plus de 5 % dans 24 États, ces chiffres ne doivent pas occulter les fragilités structurelles », a-t-il souligné. Malgré des avancées institutionnelles et économiques, l’Afrique reste minée par des « indicateurs environnementaux et socio-économiques inquiétants » : sécheresses, désertification, dépendance alimentaire, pauvreté et migrations massives. Autant de facteurs qui, selon lui, sapent les espoirs de « décollage économique » et menacent la cohésion sociale.
En marge de ce Forum qui se tient les 20 et 21 février à Rabat autour du thème « Vers la mise en place de fondements durables pour la stabilité et la sécurité en Afrique », le président du parlement a pointé un mal plus profond : « Ces crises alimentent un sentiment de frustration et de désespoir, érodant la confiance envers les institutions que les élites peinent à ancrer ». Une mise en garde qui n’exclut pas, cependant, une reconnaissance des succès africains. « Plusieurs pays ont réalisé des transitions démocratiques authentiques, portées par leurs citoyens. Ces réussites prouvent que l’Afrique peut compter sur ses propres forces », a-t-il nuancé.
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Parmi les défis majeurs, Talbi Alami a insisté sur la « multiplicité des conflits », qu’ils soient internes, séparatistes ou liés à l’extrémisme violent. « Ces menaces convergent parfois, comme lorsqu’elles s’allient au terrorisme, ciblant non seulement les vies humaines, mais aussi la stabilité des États et leurs ressources », a-t-il déploré. Une allusion transparente aux groupes armés qui prolifèrent du Sahel au bassin du lac Tchad, détournant les richesses naturelles et exacerbant les crises humanitaires.
Le discours a également insisté sur l’urgence climatique. « L’Afrique paie un tribut disproportionné aux déséquilibres environnementaux, alors qu’elle peine à bénéficier des fruits de l’industrialisation », a rappelé le président, évoquant inondations, érosion des sols et cycles de sécheresse récurrents. Face à ces enjeux, il a appelé à une « prise de conscience historique » : « Unifier nos visions est essentiel pour dépasser les obstacles. L’Europe, après des siècles de divisions, a su transformer ses conflits en leviers de prospérité. L’Afrique peut y parvenir en moins de temps ».
Optimiste, Rachid Talbi Alami a cependant rappelé que le continent détient « tous les atouts pour un tournant stratégique ». Il a énuméré les ressources : jeunesse dynamique, terres arables, minerais stratégiques, potentiel énergétique renouvelable, et position géostratégique entre océans et détroits maritimes. « Ces leviers expliquent pourquoi l’Afrique est au cœur d’une concurrence internationale féroce. Mais c’est à nous d’en tirer profit », a-t-il martelé.
Sur le plan politique, le président a salué les dynamiques en cours, telles que la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) ou le projet de gazoduc nigérian-marocain traversant 13 pays. Il a également mis en avant l’Initiative Royale marocaine visant à faciliter l’accès des États du Sahel à l’Atlantique, « une Vision qui complète les efforts d’intégration économique et sécuritaire ». Pour lui, ces projets illustrent une « Afrique en mouvement », capable de transcender les clivages.
Dans une partie plus historique, Talbi Alami a rendu hommage aux figures panafricaines comme Patrice Lumumba, Léopold Sédar Senghor ou Feu S.M. Mohammed V, « ces leaders qui ont fait triompher l’indépendance contre le colonialisme ». Un héritage, selon lui, porté aujourd’hui par une nouvelle génération de dirigeants résolus. « Avec le même esprit, vous menez la bataille du développement et de la démocratie », a-t-il lancé à l’assistance.