Réactions mitigées à l’annonce de la candidature officielle du président Bouteflika pour un cinquième mandat présidentiel
Juste après l’annonce dimanche par le président algérien Abdelaziz Bouteflika, 81 ans, de sa candidature à l’élection présidentielle du 18 avril prochain pour un cinquième mandat, plusieurs voix, de l’opposition notamment, se sont élevées pour dénoncer ce qu’elles qualifient de « mascarade » et de « dérision ».
Cette annonce, qui intervient à moins d’un mois de la clôture officielle des candidatures, met ainsi fin au suspense savamment entretenu pendant de longs mois par l’entourage du président et les partis de l’alliance présidentielle sur sa candidature à la magistrature suprême du pays.
Plusieurs partis de l’opposition et des personnalités politiques voient en cette candidature, déjà validée le 2 février courant par les quatre partis de l’Alliance présidentielle, « une décision irresponsable, susceptible d’enfoncer davantage le pays dans la crise politique, économique et sociale qui le ronge ».
C’est le cas de « Talaie El Hourriyet », parti de l’ancien Premier ministre Ali Benflis, qui met en garde contre le risque de plonger l’Algérie dans l’inconnu.
« La continuité à laquelle appellent les partis de l’Alliance au pouvoir est celle de la corruption, de l’inacceptable, de la harga et du pillage », soutient M. Benflis, deux fois candidat à la Présidentielle, dans des déclarations à la presse.
Il s’interroge à ce propos : « comment avec un quatrième mandat qui se termine sur des difficultés, l’émission d’argent sans contrepartie, la harga, un déficit budgétaire et la désillusion de tout le peuple algérien, veulent-ils un cinquième mandat ? ».
« S’il y a un cinquième mandat, il ne sera pas pour le président Abdelaziz Bouteflika, mais pour les forces non-constitutionnelles qui ont pris le contrôle du destin de notre pays et ceci est un grand danger », a-t-il avertit, expliquant que ces forces « non-constitutionnelles » sont « l’argent sale et ceux qui se sont empêtrés dans des positionnements politiques irresponsables ».
L’ancien chef de gouvernement a de même relevé que le boycott « est un droit civil, civique et politique », ajoutant que « ceux qui décident de boycotter l’élection ont non seulement le droit mais ils ont également le droit d’avoir des salles pour expliquer pourquoi ils boycottent ».
Il a, par ailleurs, dressé un bilan plus que négatif des deux dernières décennies, en soulignant que « l’Algérie a dépensé 1000 milliards de dollars mais l’économie est en faillite, l’agriculture est en retard et la gouvernance n’existe pas ». « Avec l’argent dépensé, s’il y avait une bonne gouvernance, il aurait été possible de réaliser trois à quatre fois ce qui a été fait », a-t-il estimé.
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Un point de vue que partage le Front des Forces Socialistes (FFS) qui ne se fait aucune illusion quant à l’issue de la prochaine élection présidentielle qui, dit-il « sera verrouillée, fermée et ne sera jamais libre, démocratique ou transparente ».
« Ce n’est plus une élection, c’est un scrutin fait d’avance et même ceux qui vont voter vont le faire pour rien. Même les voix qui seront exprimées seront détournées », a déclaré Ali Laskari, coordinateur de l’instance présidentielle du FFS. Il estime à cet égard qu’en Algérie, « il n’y a pas d’élection libre, il n’y a qu’une façade faussement démocratique », relevant que le système algérien est l’émanation d’ »une dictature (…), d’un régime autoritaire qui fait tout pour se pérenniser ».
Dans ce contexte, le FFS, qui a décidé de boycotter activement la prochaine élection présidentielle, compte investir le terrain, arguant que « ce n’est ni une élection libre, ni honnête, ni transparente ».
Le parti fondé par Hocine Ait Ahmed compte de ce fait investir le terrain pour « mener une campagne de sensibilisation envers les forces vives et imposer au régime une alternative démocratique et sociale », a encore affirmé M. Laskri.
Même son de cloche pour la présidente du Parti des Travailleurs (PT), Louisa Hanoune, qui déplore que « déjà les pratiques mafieuses qui entourent l’opération de collecte des signatures pour la candidature à la Présidentielle et l’attitude de certains responsables de l’administration locale indiquent que le système est irréformable de l’intérieur, incapable de se régénérer ».
Pour Mme Hanoune, « le régime est en totale décomposition à cause du mélange de l’argent et des affaires, d’un côté, avec la politique et les institutions, de l’autre, des hommes d’affaires oligarques prédateurs investissant déjà la campagne électorale pour imposer le maintien du statu quo ».
« Sans surprise, nous avons enregistré que la corruption politique explose à travers l’achat et la vente des signatures autant des élus que des citoyens. De même, nous avons enregistré des pressions exercées par certains responsables au niveau des wilayas pour obliger les élus, hors les partis de l’Alliance, à ne pas signer pour d’autres candidats et à signer au profit de Bouteflika », regrette-t-elle encore.
Dans ce même ordre d’idées, le président du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD), Mohcine Belabbas, dont le parti boycottera la prochaine élection présidentielle, estime qu' »il n’y aura pas d’élections, mais une désignation d’un Président de la République ».
« Le meeting du FLN (Front de Libération National au pouvoir) à la coupole en est la preuve et ne nous voulons pas participer à cette kermesse », a-t-il soutenu, notant dans le même sens qu' »une campagne ne se fait pas en 21 jours dans un pays qui compte 40 millions de citoyens » sachant qu’ailleurs, le débat en prévision des présidentielles s’installe deux ans auparavant.
Pour le sociologue et chercheur universitaire, Nacer Djabi, l’élection présidentielle d’avril 2019 ne constitue pas une solution et encore moins un gage pour aller vers le changement auquel aspire le peuple algérien.
Invité au Forum de l’association Rassemblement actions jeunesse (RAJ), le conférencier a indiqué que « le système est dans une totale inaptitude de se réformer, surtout quand il s’agit d’une élection ».
Tout en qualifiant la joute électorale d’avril 2019 de « faux barrage », le sociologue a affirmé qu’ »il y a une véritable crise du changement effectif », arguant que « par expérience, on savait tous que c’étaient les services de renseignement qui décidaient et qui imposaient le candidat du système, mais on n’en a tiré aucune expérience ».