Reconnaissance US d’Al-Qods comme capitale d’Israël : la région plongerait dans le chaos : La communauté internationale s’indigne et condamne
Par Othmane Semlali
La décision « irresponsable » et « hâtive » prise, mercredi, par le président américain, Donald Trump, de reconnaître, dans une avant première et officiellement, Al-Qods comme capitale d’Israël et d’y transférer l’ambassade américaine, entraînerait sans nul doute la région du Proche Orient dans une spirale infinie de violence.
L’administration américaine semble pourtant, en cours d’exécution d’un nouvel agenda bien précis, visant certainement une nouvelle reconfiguration de la donne, profitant, ainsi, d’une situation assez « fragile » et « fragilisée » dans la région, d’un climat d’instabilité permanent, de chaos, et de crises profondes notamment eu égard, aux évolutions au Yémen et en Syrie, la situation en Irak, et du différend qui oppose les principaux pays du Golfe (Qatar, Emirats Arabes Unis, Arabie Saoudite), et l’Egypte. La liste est longue pour n’en citer que quelques exemples.
Nul ne peut douter, de ce fait, de la gravité de la démarche entreprise par l’administration Trump au vu et au su de Tous. Une « insouciance » bien maîtrisée, dessinée et pensée par un locataire de la Maison Blanche, « prisonnier » de ses caprices démesurés, et déterminé à écrire de nouvelles pages de l’histoire, avec le sang de Palestiniens innocents, qui embrassaient depuis plusieurs décennies, un rêve légitime, celui de mettre sur place un Etat indépendant, avec Al Qods comme capitale, baignant dans la paix et la quiétude.
Le président américain a déclaré, mercredi, qu’« Il est temps d’officiellement reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël« , revendiquant « une nouvelle approche » sur ce dossier épineux. « Les Etats-Unis restent déterminés à aider à faciliter un accord de paix acceptable pour les deux parties », a-t-il ajouté, avant de livrer une tonalité « conciliante » : « J’ai l’intention de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour aider à sceller un tel accord », a-t-il dit.
Poursuivant son message, M. Trump a ordonné de préparer le transfert de l’ambassade des Etats-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem, sans fixer de calendrier pour ce déménagement.
Dans le sillage de ces évolutions graves, le département d’Etat va lancer « immédiatement » les préparatifs, tout en renforçant la sécurité pour protéger les citoyens américains au Proche-Orient, a annoncé peu après, le chef de la diplomatie américaine Rex Tillerson.
Une décision que le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu n’a pas tardé à applaudir avec enthousiasme, qualifiant ce jour d’« historique », et réaffirmant l’engagement israélien à maintenir le « statu quo » sur les lieux Saints à Jérusalem.
En réalité, en rompant, spectaculairement, avec la politique de ses prédécesseurs, Trump ne fait que déclencher une vague de colère et réprobation non seulement au Proche Orient mais aux USA, elles-mêmes, si on doit noter que la décision de Trump a été suivie d’une salve de critiques et d’indignation par les Sénateurs Démocrates.
A l’étranger, cette démarche permet déjà de parler de l’« isolement » de Trump sur la scène internationale, avec tout le risque encouru de saper le processus de paix déjà bloqué, et cet espoir timide de reprise des négociations entre les belligérants, si ce n’est le grand danger, selon les spécialistes, d’alimenter une vague de haine envers les USA de par le monde, à même de favoriser la prolifération d’attaques contre les intérêts du pays de l’oncle SAM voire même, des citoyens américains.
En outre, avec cette décision inappropriée, l’administration Trump payera lourdement au détriment de sa crédibilité et sa volonté de trouver réellement une issue au conflit au Proche Orient. D’ailleurs, le président palestinien, Mahmoud Abbas vient de le confirmer en affirmant, mercredi, que les Etats-Unis n’étaient plus en mesure d’être un médiateur de paix avec Israël.
« Par ces décisions déplorables, les Etats-Unis sapent délibérément tous les efforts de paix et proclament qu’ils abandonnent le rôle de sponsor du processus de paix qu’ils ont joué au cours des dernières décennies », a-t-il ajouté sur la télévision palestinienne, notant que l’annonce de M. Trump « ne changera rien à la situation de la ville d’Al-Qods, la capitale éternelle de l’Etat de Palestine » a-t-il ajouté.
C’est le tour au Secrétaire Général de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), Saëb Erakat, d’affirmer que suite à cette annonce, M. Trump avait « détruit » la solution dite à deux Etats. « Malheureusement, le président Trump vient tout juste de détruire la perspective de deux Etats ». M. Trump a aussi disqualifié les Etats-Unis d’Amérique de tout rôle dans un quelconque processus de paix », a-t-il déclaré à la presse.
Alors que les Palestiniens ont prévu jeudi un rassemblement à Ramallah en Cisjordanie, territoire occupé par l’armée israélienne depuis 50 ans, et d’autres réunis, la veille, en centaines dans la bande de Gaza où, ils ont brûlé les drapeaux américains et israéliens ainsi que des portrait de Trump, le mouvement Hamas a appelé jeudi à un nouveau soulèvement populaire palestiniens (Intifada).
« On ne peut faire face à la politique sioniste soutenue par les Etats-Unis qu’en lançant une nouvelle intifada », a déclaré le chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, dans un discours prononcé depuis la bande de Gaza.
Du côté d’Israël, l’armée a annoncé, jeudi, qu’elle allait déployer des forces supplémentaires en Cisjordanie, territoire palestinien occupé, et que d’autres forces se tenaient prêtes à intervenir,
+ Vague mouvement de colère, de condamnation et d’indignation à l’international :
Dans une démarche proactive et avant l’adoption officielle de cette décision, le Royaume du Maroc, Roi et gouvernement, a réitéré sa solidarité totale avec le peuple palestinien et manifesté une position ferme quant aux conséquences d’une décision concernant un éventuel déménagement de l’ambassade US à la Ville Sainte.
Pour le Royaume, toute atteinte au statut juridique et historique reconnu d’Al-Qods, cause tant des Palestiniens que de la Oumma arabe et islamique, risque de renvoyer la question dans l’imbroglio des conflits religieux et confessionnels, et d’entamer les efforts internationaux visant à créer les conditions propices à la relance des pourparlers de paix.
Dans ce cadre, Sa Majesté le Roi Mohammed VI, en Sa qualité de Président du Comité Al Qods, a adressé un message au Président Trump dans lequel le Souverain a fait part de « Sa profonde préoccupation personnelle ainsi que la grande inquiétude ressentie par les Etats et les peuples arabes et musulmans suite aux informations récurrentes sur l’intention de l’administration américaine de reconnaître Al Qods comme capitale d’Israël et d’y transférer l’ambassade des Etats Unis ».
SM le Roi a également fait part dans un autre message adressé au Secrétaire général de l’ONU, M. Antonio Guterres, de Son inquiétude et de Sa préoccupation suite aux informations récurrentes sur l’intention de l’administration américaine de reconnaître Al Qods comme capitale d’Israël et d’y transférer l’ambassade US.
Et sur Hautes Instructions du Souverain, le ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale, Nasser Bourita, a convoqué, mercredi, la chargé d’affaires de l’ambassade des Etats-Unis à Rabat, Mme Stephanie Miley et les ambassadeurs de Russie, Chine, France et Royaume uni accrédités à Rabat, en tant que pays membres du Conseil de sécurité de l’ONU, en présence de l’ambassadeur de l’Etat de Palestine à Rabat, M. Jamal Choubki.
Le ministre a appelé les pays membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU à assumer pleinement leur responsabilité pour préserver le statut juridique et politique d’Al Qods et éviter tout ce qui est de nature à attiser les conflits et porter atteinte à la stabilité dans la région, selon un communiqué du MAECI.
D’ailleurs, à la demande de huit pays, dont l’Egypte, la France et le Royaume-Uni, une réunion d’urgence du Conseil de Sécurité de l’ONU a été fixée pour vendredi matin.La Jordanie, pays gardien des lieux saints musulmans à Al Qods, a dénoncé « une violation du droit international » et de la charte des Nations unies.
Vive condamnation par l’Arabie Saoudite qui a exprimé « de profonds regrets », rappelant qu’une mise en garde a été déjà exprimée « contre les graves conséquences que peut avoir cette décision injustifiée et irresponsable ». Ryad dit espérer « voir l’administration américaine revenir sur cette décision » qui « va à l’encontre des droits historiques des Palestiniens à Al Qods (…) et va compliquer le conflit entre Israël et les Palestinien ».
L’Iran par la voix de son ministère des affaires étrangères, a dénoncé dans un communiqué une « provocation et une décision insensée de la part des Etats-Unis (…) qui va provoquer une nouvelle Intifada et pousser à des comportements plus radicaux et à davantage de colère et de violence ». La décision de Trump est une « violation claire des résolutions internationales », a-t-il ajouté, en estimant qu’Al Qods est « une partie intégrante de la Palestine ».
La Turquie a brisé, elle-aussi, son silence, en dénonçant, jeudi, par le biais de son président Recep Tayyip Erdogan, la reconnaissance d’Al Qods comme capitale d’Israël par l’administration Trump, estimant que cette décision plongeait la région « dans un cercle de feu ».
« Prendre une telle décision met le monde, et spécialement la région, dans un cercle de feu », a déclaré M. Erdogan depuis Ankara. Auparavant, le président turc a averti que la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël par Washington « ferait le jeu des groupes terroristes ».
Il a aussi invité les dirigeants des 57 pays membres de l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI) à se donner rendez-vous le 13 décembre à Istanbul, pour un Sommet axé sur la question d’Al Qods.
« Le statut de Jérusalem ne peut être résolu que par une « négociation directe » entre Israéliens et Palestiniens, a déclaré le SG de l’ONU Antonio Guterres, en rappelant avoir toujours été « contre toute mesure unilatérale ». « Il n’y a pas d’alternative à la solution de deux Etats » avec « Jérusalem comme capitale d’Israël et de la Palestine », a-t-il martelé.
La Cheffe de la diplomatie européenne, Federica Mogherini a indiqué dans un communiqué que « L’Union européenne a, exprimé sa sérieuse préoccupation face à cette décision, mettant en garde contre les répercussions que cela peut avoir sur la perspective de paix ».
Le président français, Emmanuel Macron a jugé « regrettable » la décision de Donald Trump de reconnaître Jérusalem capitale de l’Etat d’Israël et appelé à « éviter à tout prix les violences ».
Depuis Alger où, il effectuait une visite, Macron, a rappelé « l’attachement de la France et de l’Europe à la solution de deux Etats, Israël et la Palestine vivant côte à côte en paix et en sécurité dans des frontières internationalement reconnues avec Jérusalem comme capitale des deux Etats ».
Le gouvernement allemand par la voix de la chancelière Angela Merkel, « ne soutient pas cette position car le statut de Jérusalem ne peut être négocié que dans le cadre d’une solution de deux Etats ».
La première ministre britannique, Theresa May a précisé dans un communiqué que « Nous ne sommes pas d’accord avec la décision américaine de transférer son ambassade à Jérusalem et de reconnaître Jérusalem comme la capitale israélienne avant un accord final sur son statut », estimant que cette décision n’était « d’aucune aide » pour les perspectives de paix dans la région.
Idem pour le Canada, qui via sa ministre des affaires étrangères, Chrystia Freeland, a indiqué que « la question du statut de Jérusalem ne peut être résolue que dans le cadre d’un règlement général du conflit israélo-palestinien », appelant l’ensemble des protagonistes au « calme ».
« Nous demeurons fermement engagés envers l’objectif d’une paix juste, globale et durable au Moyen-Orient qui inclut la création d’un Etat palestinien vivant, côte à côte, avec l’Etat d’Israël dans la paix et dans la sécurité », a souligné Mme Freeland.
Le Gouvernement du Chili a exprimé, mercredi soir, « sa profonde préoccupation », qualifiant d’illégale l’occupation israélienne d’Al-Qods-Est.
Une décision courageuse, celle prise par l’Australie qui ne déplacera pas son ambassade de Tel-Aviv à Jérusalem, selon les dires de la ministre australienne des Affaires étrangères, Mme Julie Bishop.
« Nous n’allons prendre aucune mesure pour déplacer notre ambassade de Tel Aviv », a souligné Mme Bishop dans une déclaration à la presse, ajoutant que Canberra est « engagé en faveur d’une solution à deux Etats dans laquelle les peuples israélien et palestinien peuvent vivre en paix, côte à côte, dans des frontières internationalement reconnues ».
La Suède a regretté la déclaration du président américain Donald Trump au sujet de la reconnaissance officielle par les Etats-Unis de la ville d’Al Qods comme capitale d’Israël, tout en appelant au respect du statut spécial de la ville sainte. « Il est de la plus haute importance que tous les États respectent et sauvegardent ce statut », souligne un communiqué du ministère suédois des Affaires étrangères.
Les condamnations et indignations continuent et vont continuer, certes, de foisonner de partout. Le temps est de passer à l’action, en rompant définitivement, avec l’ère de l’immobilisme, des déclarations vides de tout contenu, et des bonnes intentions sans suite, qui ont fait que les droits les plus élémentaires du peuple palestiniens à savoir le droit à la vie et à la paix se trouvent des décennies durant, purement et simplement bafoués, au vu et au su, des grandes puissances, celles qui disposent du pouvoir de décision au sein du Conseil de Sécurité.
En dehors d’une solution à deux Etats, un Etat Palestinien indépendant et souverain, et un Etat Israélien qui vivent, côte à côte, dans le respect le plus absolu de la légalité internationale, avec des frontières internationalement reconnues, tout prétendu règlement de la question palestinienne serait réduit à « une perte de temps » qui en définitif, ne fera que plonger la région dans l’imbroglio du chaos chronique, qui ne servirait les intérêts d’aucune partie, et alimenterait, en revanche, la fracture et la haine inter-communautaire et inter-religieuse.