Réforme : Où est passé le Nouveau modèle de développement ?
Le collectif « Damir », organisation qui rassemble plusieurs intellectuels de tous bords, a publié en février un comparatif entre programme du gouvernement et le Nouveau modèle de développement.
Dans ce rapport, le collectif démontre que les orientations du NMD, pourtant validé par S.M. le Roi Mohammed VI et la stratégie politique que suit le gouvernement de Akhannouch sont en déphasage au grand dam des équilibres et perspectives du Royaume.
Le rapport intitulé « Le programme gouvernemental 2021-2026 à l’aune du Nouveau modèle de développement » est une Étude comparative des éléments de mise en perspective sur les principaux défis structurels du Maroc.
Le mouvement fait l’état des lieux en notant la hiérarchie des choix budgétaires à l’image des réorientations stratégiques du gouvernement. Par exemple, le Mouvement met un focus sur les 90 milliards de dirhams consacrés au service de la dette en 2022 contre 78,6 pour l’éducation nationale et 23,5 milliards de dirhams pour le secteur de la santé. Mieux, « Damir » révèle qu’il est également question de perspectives qui ne sont pas rassurantes. Le mouvement estime que si la politique du gouvernement reste inchangée pour les 5 ans à venir, cela pourrait faire perdre jusqu’à 475 milliards de dirhams au PIB.
Le programme gouvernemental ainsi que la Loi de Finances 2022 affichent un objectif de croissance économique particulièrement « timoré », révélant un écart majeur par rapport à la promesse du NMD et témoignant d’un déficit saisissant de l’ambition de l’Exécutif, fait constater le Mouvement. Par conséquent, Damir estime que le programme gouvernemental devrait entraîner une perte (ou manque à gagner) pour l’économie marocaine de plus de 475 milliards de dirhams sur la période 2022 à 2026, mesurée par l’écart de création de richesses par rapport à ce que devrait réaliser le NMD. Cette perte totaliserait sur la mandature, un montant de l’ordre de 12.634 dirhams en moyenne pour chaque Marocain.
Tirant la sonnette d’alarme, le mouvement alerte sur l’absence de l’opérationnalisation avec pas moins de 8 réformes majeures dont celle des droits de l’Homme, de la politique culturelle, de la justice, de la transformation culturelle de l’économie.
Aujourd’hui c’est une grosse équation sur la synchronisation entre la politique du gouvernement et le NMD. En plus, on s’attendait à ce que le gouvernement mette en exécution la stratégie toute tracée de la Commission sur le modèle de développement pour permettre au Maroc d’atteindre ses ambitions de 2035.
Mais où est donc passé le Nouveau Modèle de Développement ? s’interroge le politologue, Mustapha Sehimi, qui rappelle que le NMD a été salué lors de sa présentation au Roi, à la fin du mois de mai dernier, par les partis et diverses organisations professionnelles.
Il était en effet prévu que le NMD conduise à l’adoption d’un Pacte National pour le Développement autour de ces principes : un « référentiel commun des acteurs » engageant l’ensemble des forces vives; un engagement moral et politique fort. L’autre regard que porte Mustapha Sehimi, c’est une certaine « distanciation du programme du gouvernement et de la loi de finances 2022 par rapport aux promesses et aux axes du NMD– une sorte de « grand écart » même, appelé sans doute à se consolider si un recadrage conséquent n’est pas opéré dans les politiques publiques à terme, en particulier dans la prochaine loi de finances 2023 », soutient le politologue.
Le Mouvement Damir présidé par Salah El Ouadie, ex-membre de la Commission du NMD, propose pas moins de 314 réformes et mesures supplémentaires. D’ailleurs, la moitié d’entre elles s’intéresse à la politique économique et à la gouvernance ; dont les thématiques centrales sont la compétitivité, les compétences et le rôle de l’Etat puis la croissance économique. Cependant, dans sa lecture, Mustapha Sehimi estime que le rapport plaide pour « une vision stratégique » avec «un projet de société capable de mobiliser les citoyens et porté par une élite engagée et dévouée». Une ambition qui a été celle du NMD et qui doit être ravivée.
Au fond, sur le diagnostic, tout a été dit par les uns et les autres, et ce avant le NMD : par les partis politiques, le milieu associatif sans oublier plusieurs institutions internationales (FMI, Banque mondiale) ou continentales (BAD), rappelle le politologue. C’est l’ordonnance qui reste encore en débat : comment ? Avec quels moyens ? pour quel impact ?
L’équation que « Damir » appelle de ses vœux est aussi identifiable dans diverses composantes de la société et dans les évaluations récurrentes d’institutions internationales. Reste la capacité à entreprendre une telle dynamique.
Ce qui renvoie à la politique et, partant, à ceux qui en ont la charge dans les institutions (gouvernement, parlement, etc.), l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques. Cela commande qu’il y ait un discours de réforme, bien sûr, mais aussi une volonté de s’y atteler sans électoralisme et, le cas échéant, en assumant le coût politique dont au premier chef le risque d’impopularité. Il ne manque en dernière instance que ceci : des actes de réforme. Expliquer, communiquer, mettre en perspectives pour obtenir l’adhésion des citoyens et si possible leur soutien et leur engagement.