La réforme des retraites avance sous contrôle
Entretien avec Khalid Cheddadi, président directeur général de la CIMR
Le secteur de la prévoyance sociale est en pleine mutation. Association, la CIMR est devenue une Société Mutuelle de Retraite et la Direction des Assurances et de la Prévoyance Sociale a cédé sa place à l’Autorité de Contrôle des Assurances et de la Prévoyance Sociale… le débat sur les retraites bat son plein et le temps semble favorable à une réforme globale et concertée entre les différents acteurs, les organismes publics et le secteur des assurances.
l Maroc Diplomatique : La réforme des régimes fait débat depuis des décennies. Selon vous, il faut créer deux régimes, l’un de base, l’autre complémentaire. Pouvez-vous être plus explicite et donner un contenu à cette proposition ? La réforme paramétrique mise en oeuvre dès 2003 a-t-elle donné les résultats escomptés ?
– Khalid Cheddadi : La réforme du système de retraite a été confiée à une commission technique qui a travaillé sous la houlette de la commission nationale présidée par le chef du gouvernement. Cette commission technique a abouti à un schéma comportant un régime de base unifié public/privé, deux régimes complémentaires obligatoires, un pour le secteur public et l’autre pour le secteur privé et des régimes supplémentaires facultatifs qui seraient du ressort des compagnies d’assurance. Cependant, conscients des situations inégales des différentes caisses et afin d’éviter des transferts inéquitables, la commission technique a proposé dans une phase préliminaire, de maintenir une séparation des régimes de base entre les secteurs public et privé.
Quant à la réforme entreprise par la CIMR en 2003, force est de constater qu’elle a largement porté ses fruits et atteint ses objectifs.
Il convient de rappeler que cette réforme s’est traduite par des mesures consistant notamment en la mise en adéquation du rendement du régime avec les nouvelles donnes économiques et démographiques, la révision à la hausse des contributions patronales et la mise en oeuvre d’une revalorisation raisonnable des pensions.
Ces mesures ont été également accompagnées d’une nouvelle dynamique qui a été insufflée à nos méthodes de gestion, dans le sens d’une grande modernisation et d’amélioration continue de notre qualité de service et de nos performances tant sur le plan commercial qu’au niveau de la gestion financière, ainsi qu’une plus grande maîtrise de nos frais de fonctionnement. Ce qui n’a pas manqué de produire des effets bénéfiques pour la consolidation des équilibres financiers à très long terme de notre régime de retraite, à la grande satisfaction de nos affiliés et de nos adhérents.
- La CIMR a un statut d’association. Il est question dans la nouvelle réforme de la transformer en Société Mutuelle de Retraite. Quels vont être les gains sur le plan de la gestion pour la CIMR ? Quels impacts sur les entreprises affiliées à la CIMR et les bénéficiaires des prestations de la CIMR ?
– La CIMR s’est dotée dernièrement d’un nouveau statut juridique, celui de Société Mutuelle de Retraite, placée sous la tutelle de l’ACAPS. Il s’agit d’un évènement important pour nous dans la mesure où il vient combler l’absence d’un cadre légal approprié, puisque le statut d’association faisait notre fragilité et nous a souvent été reproché.
La transformation en Société Mutuelle de Retraite apporte principalement le contrôle d’une entité étatique indépendante sur la CIMR, ce que nous avons toujours souhaité.
En effet, la CIMR a construit, au fil du temps, un système de gouvernance solide et efficace, qui répond aux principes de transparence, de responsabilité et d’efficience, et garantit l’équilibre et la pérennité du régime. Ce cadre de gouvernance est repris dans ses grandes lignes par la nouvelle réglementation, ce qui lui donnera, bien entendu, beaucoup plus de force. Il sera consolidé, aujourd’hui, par la mise en place d’un nouveau cadre de supervision et contrôle d’une autorité étatique.
Ce nouveau cadre juridique, apporte plus de sérénité pour les bénéficiaires du régime, et de confiance pour les personnes qui ne disposent pas actuellement d’une couverture retraite.
- L’affiliation à la CIMR n’est pas obligatoire pour les entreprises. Est-ce un handicap à son développement ? Peut-on la rendre obligatoire et quel impact dès lors sur la CNSS qui, malgré l’obligation d’affiliation à ce régime, fait face à des difficultés dans le recrutement de nouvelles affiliations ?
– A fin 2010, nous comptions 4 666 entreprises adhérentes, ce chiffre a atteint 5 870 entreprises, à fin décembre 2014, pour culminer, aujourd’hui, à plus de 6 500, et ceci grâce à une stratégie tournée vers le marché des entreprises, une plus grande présence et visibilité commerciales, et une politique de communication adaptée aux différentes cibles.
Ceci dit, notre souhait est que la réforme en cours du système de retraite au Maroc aboutisse à la mise en place d’un régime complémentaire obligatoire pour le secteur privé. La transformation de la CIMR en société mutuelle de retraite va assurément lui donner une autre dimension et lui ouvrir de nouveaux horizons.
Ceci étant, le caractère facultatif du régime de la CIMR prive les salariés d’un complément de couverture nécessaire pour leur éviter une détérioration de leur niveau de vie à la retraite, qui sera d’autant plus importante que leur revenu sera élevé. Il prive également le régime d’un développement qui ne peut que conforter sa robustesse. Ce point est encore à l’étude bien que le principe de cette généralisation fasse l’unanimité entre toutes les parties, l’obstacle consiste dans la situation économique actuelle et la capacité des entreprises, surtout les plus petites d’entre elles, à faire face à de nouvelles charges.
Mais encore une fois, le développement de la CIMR n’est nullement tributaire du caractère obligatoire.
- Une Autorité de Contrôle des Assurances et de la Prévoyance Sociale a vu le jour en lieu et place de la Direction des Assurances de la Prévoyance Sociale. En quoi cette transformation est une avancée qualitative dans le secteur des assurances, de la retraite et plus globalement de la prévoyance sociale ?
– La création de l’ACAPS permet d’opérer un véritable saut qualitatif dans la régulation et la supervision des secteurs des assurances et de la prévoyance sociale au Maroc.
La mise en oeuvre de cette nouvelle loi aura pour objet, d’une part, l’organisation et la réglementation du secteur des assurances et la protection des assurés en garantissant la solvabilité des compagnies et du secteur, d’autre part, l’instauration d’un nouveau cadre juridique pour l’exercice et la gestion des opérations de retraite par les organismes du secteur privé, notamment les régimes non obligatoires et non gérés par un texte de loi spécifique.
Au niveau du contrôle, l’autonomie dont dispose l’autorité par rapport au pouvoir politique est un changement majeur. Les instances de gouvernance de l’Autorité prévus par la Loi 64-12 donnent de grandes garanties sur la transparence de ses décisions et donnent des voies de recours aux assujettis, qui n’existaient pas auparavant.
- La bancassurance a connu un développement certain depuis une vingtaine d’années. Active dans la retraite complémentaire, en particulier, quel est l’impact de l’activité « bancassurance » sur l’évolution de la CIMR et son ambition de se poser en caisse complémentaire, au moins du secteur privé ?
– La comparaison entre le régime de la CIMR et les contrats de retraite par capitalisation des compagnies d’assurance doit être faite en prenant des précautions importantes pour comparer le comparable.
Tout d’abord, la CIMR offre une rente viagère, c’est-à-dire payable à vie au retraité, alors que les compagnies d’assurances offrent, en général, un capital à 60 ans ou des rentes certaines sur une durée limitée à 10 ou 15 ans.
De plus, la rente de la CIMR est réversible sur la tête du conjoint survivant, ce qui n’est pas forcément le cas pour les rentes données dans les simulations des compagnies d’assurances.
En tout état de cause, la CIMR représente aux yeux de la grande majorité des entreprises et des salariés opérant dans le secteur privé, la caisse de retraite complémentaire de référence pour ce secteur.
- La question de la gestion des fonds est souvent posée. Comment se présente celle des fonds de la CIMR au niveau des assurances ? La CIMR a un droit de regard sur cette gestion à postériori, par des audits, est-ce suffisant ? Ce contrôle peut-il être amélioré ? Comment et à quel intervalle entre les contrôles si lceux-ci restent la voie à privilégier ?
– La CIMR ne dispose pas de fonds confiés aux compagnies d’assurances. Celles-ci sont par contre dépositaires des cotisations salariales pour la période antérieure à l’année 2003. La gestion de ces cotisations obéit aux dispositions légales et réglementaires prévues à cet effet.
Cependant, l’efficacité de la gestion financière des compagnies d’assurances se traduit sur le taux de participation aux bénéfices qu’elles dégagent chaque année pour le contrat de retraite CIMR.
- La CIMR a des participations multiples, dans des entreprises cotées en bourse, d’autres non. Comment se fait le contrôle de la CIMR sur ces participations ? La variation des cours en bourse crée-t-elle des situations inédites et comment en assurer la maîtrise pour ne pas dire comment résister au niveau de la CIMR aux fluctuations des cours des participations de la CIMR ?
– La CIMR s’est inscrite dans un processus de dynamisation continue de sa gestion des placements financiers, en s’attachant à identifier des investissements à haut rendement tout en respectant une politique stricte de gestion du risque, dans l’intérêt exclusif de ses bénéficiaires. Nos investissements financiers font l’objet de beaucoup d’attention à la fois de la part du management, du Comité d’Investissement et du Conseil d’Administration.
Par ailleurs, il est à préciser que la CIMR s’est dotée depuis la réforme de 2003 d’une charte financière stricte qui comporte les grands principes et objectifs à respecter. Cette charte est complétée par un règlement financier qui décrit, dans les détails, l’univers d’investissement autorisé, les opérations financières qui sont approuvées et celles qui ne le sont pas. Cependant, quel que soit le niveau poussé de la réglementation, cette dernière n’a pas de sens si elle n’est pas contrôlée. Le contrôle se fait donc à deux niveaux : au niveau interne avec le Comité d’investissement qui contrôle, trimestriellement, le respect de cette réglementation et puis de manière indépendante en faisant appel à un cabinet d’audit international.
Sur le plan pratique, nous avons opté pour une externalisation de la partie dynamique de notre gestion financière auprès de professionnels sur la base de mandats de gestion, tout en gardant en interne la définition de la stratégie de gestion et le suivi des performances avec des réunions de suivi et un système de reporting réguliers.
- Quelle est la part des participations de la CIMR dans le secteur de l’immobilier ? Ouvert à la spéculation, l’immobilier a connu dans le monde des effondrements remarquables. À cet effet, on peut citer la crise des subprimes aux Etats-Unis, la crise de l’immobilier en Espagne… Comment la CIMR peut-elle se prémunir des crises qui peuvent surgir dans ces participations immobilières ?
– La part de nos investissements consacrée au secteur de l’immobilier demeure très minime et partant, n’a pas un grand impact sur les performances globales de notre portefeuille.
La référence de base qui guide nos choix et arbitrages en la matière est l’allocation stratégique d’actifs, laquelle a été définie par des experts dans le domaine financier en général, et le marché marocain en particulier. Preuve en est que la CIMR est l’institution financière qui a le meilleur rendement financier au Maroc, e aux autres caisses de retraite.
Sur ce plan, nous sommes extrêmement vigilants et attentifs et nous nous entourons de tous les conseils qu’il faut pour essayer d’optimiser nos investissements.