Réformes judiciaires au Niger : Le Maroc, un partenaire stratégique pour le renouveau de la justice
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Au Centre International de Conférences Mahatma Gandhi à Niamey, un événement clé pour la refondation du Niger s’est déroulé mercredi 19 février, réunissant experts, acteurs et représentants de la société civile. Parmi les thématiques abordées, la justice et les droits de l’homme, avec une sous-commission thématique dédiée à la réforme du système judiciaire.
Lors de cet événement, Tahirou Guimba, président du mouvement démocratique pour le développement et la défense des libertés et membre de la commission, a accordé un entretien à Maroc Diplomatique pour partager ses réflexions sur la nécessité de réformer le système judiciaire du Niger, sur les obstacles à cette réforme, ainsi que sur les opportunités de coopération avec le Maroc pour la mise en place d’un système de justice plus équitable et moderne.
La réforme du système judiciaire au Niger est perçue comme une étape essentielle pour le développement du pays. Tahirou Guimba souligne que le système actuel est largement héritier de l’époque coloniale. « Ce modèle a été imposé par les colonisateurs, et il ne prend pas en compte les spécificités culturelles, sociales et religieuses de notre société« , affirme-t-il. Le système judiciaire en place, bien qu’adapté à un contexte européen, ne reflète pas les réalités locales, notamment les traditions et les coutumes des communautés musulmanes et les structures traditionnelles africaines.
Le président du mouvement démocratique pour le développement et la défense des libertés insiste sur l’importance d’une réforme qui ne se contente pas de moderniser la justice, mais qui intègre aussi les traditions locales dans le cadre juridique. « Il est crucial de bâtir un système judiciaire qui soit plus inclusif, plus juste et qui réponde aux besoins de la population, tout en respectant notre héritage et nos lois ancestrales« , explique-t-il. Selon Tahirou Guimba, cette réforme doit être perçue comme un processus d’adaptation, visant à rendre la justice plus pertinente et plus proche des préoccupations des Nigériens.
Les obstacles à une justice respectueuse des traditions locales
L’un des défis pour le Niger réside dans l’incompatibilité entre le système juridique colonial hérité et les pratiques sociales locales. En effet, plusieurs coutumes, telles que les pratiques d’adoption ou certains rites communautaires, ne sont pas reconnues par la législation actuelle, ce qui provoque des tensions et des injustices pour une partie importante de la population. Par ailleurs, des pratiques comme la médecine traditionnelle, pourtant largement utilisée et efficace dans les communautés, sont souvent dévalorisées par le système juridique officiel, ce qui engendre une déconnexion entre la justice et la réalité du terrain.
« Le système juridique importé ne prend pas en compte ces pratiques qui sont vécues au quotidien par une grande partie de la population« , déclare Tahirou Guimba. Il appelle à une révision des textes législatifs afin qu’ils soient plus conformes aux réalités sociales et culturelles du Niger. Cette révision, selon lui, devrait permettre une meilleure reconnaissance des pratiques coutumières tout en respectant les principes fondamentaux de la justice moderne.
Pour Tahirou Guimba, la justice est un pilier fondamental de la refondation de l’État nigérien. Il estime qu’aucune réforme ne peut réussir sans un système judiciaire solide, indépendant et respecté. « La justice est le socle sur lequel reposent l’équité, la paix sociale et le développement durable« , insiste-t-il. Si les citoyens ne croient pas en l’impartialité de la justice, cela risque de fragiliser les institutions et nourrir l’injustice et les inégalités.
Ainsi, la refondation du système judiciaire doit aller au-delà de simples réformes institutionnelles. Il s’agit aussi de transformer la perception que les citoyens ont de la justice, en la considérant comme un outil au service du peuple, et non comme un instrument de domination. « Une justice équitable et accessible à tous permettra de restaurer la confiance des citoyens dans les institutions, de mieux gérer les conflits et de garantir les droits fondamentaux« , explique Tahirou Guimba.
Le rôle stratégique du Maroc dans la réforme judiciaire du Niger
Le Maroc émerge comme un partenaire clé dans la réforme judiciaire du Niger. Ayant traversé un processus de réformes judiciaires similaires, le royaume chérifien a su allier tradition et modernité, en adaptant son système judiciaire aux réalités culturelles et sociales tout en l’ouvrant à la mondialisation. Cette expérience peut être précieuse pour le Niger, qui se trouve actuellement à un carrefour entre modernisation et préservation des coutumes ancestrales.
L’expertise marocaine pourrait apporter des solutions adaptées au contexte nigérien, notamment en matière d’adaptation des réformes judiciaires aux spécificités culturelles et historiques du pays. Tahirou Guimba évoque la possibilité pour le Niger de s’inspirer des réformes marocaines pour élaborer un système judiciaire qui soit à la fois moderne, respectueux des pratiques coutumières locales et équitable. « Le Maroc a su concilier ses traditions avec les exigences de la modernité, et cette capacité pourrait être un modèle pour le Niger« , précise-t-il.
En outre, la coopération avec le Maroc pourrait prendre la forme de formations pour les acteurs du système judiciaire nigérien, telles que des séminaires, des échanges d’expertise ou des programmes de renforcement des capacités. Cela permettrait d’augmenter l’efficacité du système judiciaire nigérien tout en favorisant une meilleure gestion des conflits et la mise en œuvre des réformes de manière cohérente.