Régionalisation : la Cour des comptes relève une absence des orientations de la politique publique
Dans son rapport publié le 29 novembre 2023, la Cour des comptes met en lumière certaines lacunes dans la mise en œuvre de la régionalisation avancée. Le rapport se concentre notamment sur le cadre juridique et institutionnel de la régionalisation, les ressources allouées, les mécanismes déployés ainsi que l’exercice des compétences au niveau régional. L’une des principales critiques soulevées par la Cour des comptes concerne l’absence d’orientations claires de la politique publique d’aménagement du territoire, ce qui a entraîné un retard dans l’adoption des schémas régionaux d’aménagement du territoire.
Pour la Cour des comptes, il a été constaté un retard dans l’adoption des schémas régionaux d’aménagement du territoire (SRAT). En effet, cinq ans après la publication du décret relatif à l’élaboration du schéma régional d’aménagement du territoire, son actualisation et son évaluation (n°2.17.583), les versions définitives des SRAT des Régions de Casablanca-Settat et de Drâa-Tafilalet ne sont pas encore visées. De plus, sept schémas régionaux (sur 10) ne sont entrés en vigueur qu’au cours des années 2021 et 2022.
Le rapport note un retard dans l’élaboration des SRAT durant la période 2015-2021 découle du retard de la publication du décret relatif à l’élaboration du schéma régional d’aménagement du territoire précité (publié au bulletin officiel en novembre 2017). Ainsi, le premier schéma d’aménagement (de la Région Fès-Meknès) n’est entré en vigueur qu’à partir de l’année 2018.
De surcroît, un retard a été enregistré dans la mise en place du guide relatif à la procédure d’élaboration du SRAT, mis à la disposition des Régions qu’à partir de 2021.
Ce retard est dû principalement à l’attente de la publication du cadre d’orientation de la politique publique d’aménagement du territoire à l’échelle nationale et régionale, et la consultation de l’avis de la commission ministérielle d’aménagement du territoire instituée en vertu du décret n°2.20.741 publié en 2021. À cet égard, le nombre de délibérations relatives au schéma régional d’aménagement du territoire visées par le ministère de l’Intérieur a atteint dix délibérations.
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Il est à noter que lors d’élaboration du schéma régional d’aménagement du territoire, les Régions sont tenues de prendre en considération le cadre d’orientation de la politique publique d’aménagement du territoire adoptée au niveau de la Région, en vertu des dispositions de l’article 2 du décret précité (n°2.17.583). Toutefois, le retard dans l’élaboration de ce cadre directeur ne permet pas de parvenir à la cohérence et la convergence entre les mesures d’aménagement du territoire au niveau national et régional.
Compte tenu de l’importance du SRAT, qui constitue un document de référence pour l’aménagement de l’espace de l’ensemble du territoire de la Région, le Ministère de l’Intérieur a précisé qu’il assure l’accompagnement des Régions, à travers le suivi des rapports d’évaluation de la mise en œuvre du contenu des SRAT visés d’une manière régulière, en vue de connaitre les mesures prises ou à prendre pour atteindre les objectifs prévus au niveau desdits schémas.
Non mise en place de stratégies dans l’investissement de l’économie de l’eau et de l’énergie
Selon la Cour des comptes, les Régions sont dotées de compétences propres en matière de soutien aux entreprises et d’attraction des investissements. Par ailleurs, la loi-cadre formant charte d’investissement (n° 03-22), a souligné leur contribution à la réalisation des objectifs relatifs au développement et à la promotion de l’investissement dans le cadre des compétences qui leur sont dévolues. Or, malgré la diversité des mesures entreprises par les Régions à cet égard, notamment la conclusion de partenariats pour la création de zones d’activités économiques en vue de faciliter l’accès des investisseurs au foncier, ainsi que la création de fonds de soutien à l’investissement (notamment par les Régions de Rabat-Salé-Kénitra, Fès-Meknès, Béni Mellal-Khénifra, et Tanger-Tétouan-Al Hoceima). Ces mesures ne s’inscrivent pas dans des stratégies régionales formalisées pour l’attraction et la promotion des investissements, adaptées aux spécificités de chaque Région et accompagnant les stratégies sectorielles en matière d’investissement, en vue de garantir une convergence et une complémentarité des interventions des différentes parties au niveau régional.
Concernant le cadre incitatif mis en place par les Régions, la Cour pour soutenir le tissu entrepreneurial et attirer les investisseurs, la contribution financière des Régions pour le soutien aux entreprises durant la période 2019-2022 s’est élevée à 298 millions de dirhams. Néanmoins, il y a lieu de noter l’absence d’un cadre de référence approuvé par les parties prenantes au niveau régional, définissant les dispositifs de soutien à l’investissement octroyés par les Régions, à l’instar des dispositifs mis en place par l’État. La définition de ce cadre est de nature à clarifier les critères pouvant être adoptés pour le soutien aux entreprises ainsi que les mécanismes d’encadrement de cette compétence au niveau des Régions.
D’autre part, les Régions sont chargées, dans le domaine de l’environnement, d’élaborer une stratégie régionale pour l’économie de l’eau et pour l’économie de l’énergie. Ces deux compétences visent à favoriser la complémentarité des interventions de la Région dans les secteurs de l’eau et de l’énergie, notamment dans le contexte actuel marqué par la rareté et le déficit des ressources en eau, et de l’augmentation des coûts énergétiques.
Or, les Régions n’ont pas élaboré des stratégies formalisées dans les domaines précités, qui définissent les objectifs escomptés assortis d’indicateurs de performance, leur calendrier de mise en œuvre, les ressources à mobiliser ainsi que les zones prioritaires.
Il y a lieu de noter que la mise en œuvre desdites compétences nécessite l’adaptation de la législation en vigueur, en l’occurrence la loi relative à l’efficacité énergétique (n° 47.09) et la loi sur l’eau (n° 36.15), ainsi que l’adoption d’un texte réglementaire définissant la procédure d’élaboration, de mise à jour et d’évaluation desdites stratégies.