Relance économique : Le privé doit mouiller le maillot

Aucune relance n’est à espérer pour l’économie marocaine si le secteur privé n’assume pas ses responsabilités. C’est le message clair et sans ambages qui a été adressé par le ministre de l’Économie au patronat lors d’une conférence organisée ce 26 novembre par la CGEM.

Prévue depuis plusieurs jours déjà, la rencontre a été une occasion pour la Confédération d’adresser ses doléances au ministre concernant le Projet de loi de Finances 2021, surtout que la quasi-totalité de ses recommandations n’ont pas été retenues. Le desideratum des entreprises, égrené sans grande conviction, concerne surtout les questions de la contribution sociale de solidarité (CSS), les droits de douane, la question de la TVA et des arriérés de cette taxe ainsi que les délais de paiement. Ces revendications, légitimes par ailleurs sur le fond, commencent à irriter sur la forme, surtout dans un contexte de crise. L’exemple le plus flagrant est celui de la CSS. Dictée par un besoin impérieux et ponctionnée à la source pour les personnes physiques, cette contribution ne pouvait décemment pas être refusée par les entreprises qui ont pourtant trouvé le moyen de demander sa limitation dans le temps à une année seulement.

Ce discours de jérémiades semble commencer à agacer du côté de l’État qui ne mâche plus ses mots. Le dernier exemple en date est celui de l’intervention du Wali de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, au Parlement ce 24 novembre. Celui qui vient d’être consacré, cette année encore, comme l’un des meilleurs 10 banquiers centraux dans le monde a appelé devant les élus de la nation à ce que le secteur privé « sorte de la logique du mur des Lamentations ». Sans être aussi direct avec ses hôtes, Benchaâboun a trouvé quand même le moyen de faire parvenir le message que sans implication du privé, aucune chance de voir repartir la machine. « La volonté doit être au rendez-vous. Nous n’avons jamais déployé autant d’outils pour essayer d’accompagner l’économie marocaine dans une politique volontariste et le seul bémol que nous avons par rapport à tout ce que nous sommes en train de faire c’est que nous mettons toutes nos billes, en matière de confiance, dans les opérateurs économiques privés », avoue le ministre des Finances. « Sans une mobilisation réelle en faveur de l’investissement, tous ces efforts resteront des vœux pieux. »

Ce changement de ton, on le remarque aussi dans les réponses faites aux autres demandes du patronat. Dans un autre registre plus réprobateur, le ministre n’a pas hésité à démonter les arguments délais de paiements, surtout quand on sait les réalisations faites par le public en ce sens et ce sont surtout les délais inter-entreprises qui sont les plus longs et les plus dévastateurs pour les PME.

Mais c’est surtout la question de la TVA qui a fait grincer les dents. Voulant profiter de la dynamique de l’État dans le paiement des arriérés dus, certaines entreprises ont commencé à émettre des factures fictives. Loin d’être une exception, cette pratique frauduleuse a atteint une telle proportion qui a poussé le ministre à taper du poing sur la table. « Ces factures, qui sont émises par des sociétés qui n’ont aucune activité, commencent à se balader dans les comptes d’autres sociétés. Des milliers d’entreprises s’adonnent à cette pratique, qui autorisent d’autres à récupérer de la TVA, ce qui représente des milliards de dirhams », avertit Mohamed Benchaâboun qui n’hésite pas à glisser qu’il a apporté avec lui des exemplaires de ces fameuses factures illicites. « C’est bien d’appeler à respecter les engagements, mais pour aller vers l’exemplarité de l’État, il faut que ça se fasse dans les deux directions », ajoute-t-il sans détour en prenant bien évidemment la peine de saluer les structures irréprochables opérant dans la légalité.

Accompagné, choyé, biberonné, couvé depuis plusieurs années, le secteur privé marocain, à quelques exceptions près, s’est retrouvé incapable de faire face aux conséquences d’une crise qui a mis à genoux des économies plus résilientes. Pourtant, tous les espoirs d’une reprise reposent désormais sur ses épaules. Aux opérateurs maintenant de se retrousser les manches et mouiller le maillot.

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