Repenser le vivre-ensemble pour vivre dans la paix
Pour vivre mieux, il faut vivre dans la paix. Pour vivre dans la paix, il faut réapprendre à coexister, à se respecter et à s’aimer dans nos différences. Or, dès le bas âge, on nous apprend que l’autre est un « étranger », qu’il est un rival redoutable et qu’on est en compétitivité avec lui. Ceci quand il n’est pas carrément présenté comme ennemi qu’il faudrait battre et vaincre. Seul l’amour peut sauver le monde. Toujours est-il qu’il faudrait réinventer le vivre-ensemble. Mais est-ce possible quand on sait que le monde est régi par des mécanismes – parfois contraires à nos espoirs – qui une fois déclenchés ne peuvent plus s’arrêter ?
Se réveiller chaque matin, sortir de chez soi pour aller à la rencontre de la vie, de l’Autre, de la rue devient de plus en plus un défi de tous les jours.
C’est dire que tous les facteurs concourent pour freiner tout élan et avorter le brin d’optimisme aussi minime soit-il qui peut animer une certaine volonté d’aller au-devant de ses désirs et de la vie tout simplement. C’est dire aussi que nous nous sommes laissé submerger et entraîner par le flot de catastrophes qui s’abattent sur le monde ces dernières années. Rien qu’à écouter les nouvelles du matin, on a l’impression que tout est finalement vain. Que disent-elles ? A de rares exceptions, il ne s’agit que d’accidents, de décès, de catastrophes, de difficultés, de tensions … Elles ne véhiculent que de la lourdeur psychique qui peut démolir le moral le plus enthousiaste. Comment peut-on parvenir alors à profiter de la vie si les médias n’arrêtent pas de nous avertir que la planète est en danger, que nos conditions de vie sont catastrophiques, que celles de nos enfants se dégradent à une vitesse vertigineuse, que le pouvoir d’achat est en chute libre, que les tsunamis nous guettent ? Comment peut-on réussir à aimer la vie dans un contexte aussi anxiogène et démoralisant?
Or ces malheurs, loin de dater d’aujourd’hui, ont toujours existé et existeront jusqu’à la fin des temps. C’est juste la technologie qui a fait que le monde est devenu un petit village où tout finit par se savoir en temps réel au risque d’inonder la terre de panique et d’anxiété tant et si bien que la peur et le rejet de l’autre sont devenus une devise à l’international. Et paradoxalement, cette étape passée, cette même peur a pris une autre dimension telle que le monde entier, conscient du chaos où il se précipite, appelle à la réinvention du vivre-ensemble, conscient que l’équilibre de la terre repose sur la collaboration de tous les citoyens.
Repenser le vivre-ensemble pour vivre mieux
Les derniers attentats et les nombreux actes de terrorisme qui n’épargnent aucun pays ont exhorté les populations à relever les défis du vivre-ensemble en organisant des marches, des festivals, invitant à la tolérance et à la paix afin de retrouver ensemble le chemin de la coexistence et de réinventer le goût de vivre. Toutefois, c’est une invitation qui n’en est pas vraiment une puisque c’est plutôt une obligation, voire une urgence. « Le vivre-ensemble » est devenu pour ainsi dire un mot d’ordre, une évidence, un slogan ou une règle d’or qui tient lieu d’une vision d’un monde qui s’effrite. Le vivre-ensemble se substitue à une éthique et à un projet pour lequel toute l’humanité doit œuvrer, et ce, en commençant par bannir tous les motifs de discorde et combattre l’ostracisme. Mais est-ce vraiment chose aisée ? C’est d’ailleurs la question qui revient comme un refrain dans les discours politiques et médiatiques, depuis quelque temps.
Force est de constater que tout dans le modèle de société où nous vivons, aujourd’hui, s’oppose à la cohabitation dans la paix étant animé par l’individualisme, l’égoïsme, la concurrence, l’accumulation de biens et de richesses, la monopolisation de pouvoir par une minorité qui décide du sort de la majorité. En somme, tout ce qui va à l’encontre de la solidarité, du respect de l’autre, de l’amour, du partage, de la tolérance. Autrement dit, toutes les valeurs qui constituent l’essence du vivre-ensemble. Pourtant, cohabiter et vivre ensemble ou plutôt bien vivre ensemble est une exigence des temps actuels pour déjouer le mal-vivre régnant. Ceci dit, plusieurs facteurs convergent pour former des citoyens aptes à relever le défi et l’école est la première à préparer le champ et inculquer les principes et les valeurs d’un avenir sain et universel. Autant dire que la tâche est difficile dans un monde qui guerroie et dans des sociétés aussi complexes que les nôtres.
La violence ne crée pas le vivre-ensemble
Enjeux politiques, économiques, racisme, conflit de religions… tout est motif de guerre et de violence dans le monde. Quand des puissances exploitent à fond les biens d’autres pays qu’elles gardent sous leur coupe d’une manière ou d’une autre, cela ne peut que provoquer frustration, tension et révolte. Et paradoxalement, tous, nous risquons de devenir les victimes collatérales de la peur et de la panique qui ensevelissent le monde et plongent nos sociétés dans des errements labyrinthiques. A voir les dirigeants des pays, à l’évidence, tous appellent à la paix et s’érigent en défenseurs de valeurs fondamentales mais ne font malheureusement rien pour maintenir la justice et l’équilibre dans le monde. « Le monde est plus inégalitaire aujourd’hui qu’il ne l’a jamais été depuis la Seconde guerre mondiale », nous apprend le Programme des Nations unies pour le développement. Il faut rappeler aussi que nombre de personnes sont marginalisées et exclues parce que reléguées au fond du panier par un système qui ne les reconnaît pas vu que bien qu’elles y soient nées, elles retrouvent leurs racines ailleurs. Ce rejet fait naître la haine et le mépris d’une société qu’on aime mais qu’on n’arrive pas à intégrer. D’autre part, des bidonvilles et ghettos vivant dans l’extrême précarité surgissent favorisant ainsi la pauvreté et la délinquance qui nourrissent une rage sociale à l’égard de ceux que la vie a privilégiés.
Des amalgames volontaires ?
A chaque acte de barbarie – et l’année 2015 en a bien connu-, les musulmans, déjà stigmatisés depuis des mois, sont pointés du doigt. Et pour cause, les terroristes se cachent derrière une religion à laquelle ils portent préjudice. Or, il ne faut surtout pas confondre la foi religieuse et les actes de terreur. L’islam est plus que jamais mis sous les projecteurs et ces crimes contre l’humanité, loin de nous rapprocher afin de les combattre, nous mettent les uns contre les autres au risque de perpétuer l’agressivité et la sauvagerie dans le monde, et ce, appuyé davantage par les médias de masse et leur effet anxiogène et fort manipulateur. Quand on se focalise, à titre d’exemple, sur les attentats qui ont endeuillé Paris le 13 novembre et que le monde entier se mobilise alors qu’on passe sous silence ceux qu’a connus le Liban juste la veille, c’est qu’il y a anguille sous roche. C’est dire que nous nous embarquons dans une impasse ou une spirale de violence et de terreur qui semble se nourrir d’une certaine rancœur terrée et non identifiée. Il est donc urgent de travailler sur un vivre-ensemble qui évite les amalgames.
Favoriser l’harmonie entre les peuples
En misant sur la coopération, l’entraide et le partage des ressources et du savoir, on peut réinventer un futur commun surtout à un moment où nous tous avons des défis collectifs qui s’avèrent très importants, notamment des risques politiques, économiques, sociaux et environnementaux. Plus que jamais, le monde a besoin de la participation de tous les citoyens pour relever les challenges d’un monde équilibré et en symbiose. Pour cela, il faut mettre en avant la communication, l’échange avec l’Autre, le partage culturel tout en prêchant l’amour et la tolérance que ce soit à l’école, au sein de la famille et en communauté pour enfin vivre ensemble dans une civilisation de l’amour universel. Pourquoi ne pas faire de nos différences une richesse puisque la présence de cultures diverses représente une grande ressource lorsque leur rencontre est vécue comme source d’enrichissement mutuel ?
Nous sommes tous face à un ultimatum de taille pour notre avenir et celui de nos enfants. C’est celui de rendre possible la cohabitation de la multiculturalité, accepter l’Autre et aller à sa rencontre sans que cela ne mène au dénigrement de sa propre identité, et préconiser un dialogue qui favorise une société pacifique.
L’école comme passerelle vers l’universalité
Une grande responsabilité repose sur l’école – après la famille bien entendu – puisque c’est elle qui constitue le socle du citoyen qu’on forme. Ainsi, l’initiation à un dialogue interculturel doit commencer très tôt pour éviter toute culture bornée, étriquée et fermée sur elle-même. Pour ce faire, il faut s’ouvrir sur l’Autre, se connaître soi-même à travers cet Autre, connaître sa culture et celle des autres pour en faire un enrichissement mutuel et harmonieux, car finalement on n’appréhende et rejette que ce qu’on ne connaît pas. Le pari du siècle est de construire une société pacifique et solidaire. Pourtant, il serait crédule de croire que seules les différences culturelles sont la vraie cause de ces conflits qui secouent le monde. Des facteurs politiques, économiques, ethniques, historiques, religieux, territoriaux concourent pour mettre la planète en déséquilibre. Comment alors réussir cet enjeu ?