Reprise du travail : quels points de vigilance pour les entreprises ?
Au Maroc, l’apparition de clusters dans les milieux professionnels, au niveau de plusieurs villes marocaines, marque un tournant dans la propagation du coronavirus et suscite des interrogations quant à l’application des mesures préventives liées à la gestion de la sécurité et de la santé au travail.
Selon le Chef de l’Exécutif, « la situation épidémiologique n’est pas totalement rassurante: relâchement du confinement, multiplication des foyers. Nous ne devons pas prendre le risque de perdre les acquis », c’est ce qu’a expliqué Saad Dine El Othmani, hier, devant les deux chambres du parlement, en présentant un état général de la situation épidémiologique au Maroc.
Notons que le Royaume compte 476 foyers de l’épidémie, dont 20% sont des clusters industriels, apparus dans des unités industrielles, des centres commerciaux, des grandes surfaces, des collectivités fermées,…
Alors que le département de la Santé avait annoncé, depuis quelques semaines, l’apparition de foyers d’infection dans des unités industrielles et professionnelles à Casablanca, Tanger, Larache et Ouarzazate, ce qui a provoqué une nette augmentation de nouvelles contaminations à la Covid-19.
Dans le même registre, l’apparition de clusters au sein d’entreprises et de commerces interroge la responsabilité des employeurs, appelés à redoubler leur vigilance pour préserver la sécurité sanitaire des salariés.
Selon docteur Rajae Ghanimi, médecin du travail, » l’identification et l’évaluation des risques dans les environnements de travail physiques et psychosociaux constituent le point de départ de la gestion de la sécurité et de la santé au travail (SST), dans le cadre des mesures de lutte contre l’épidémie de COVID-19 « .
Contactée par MAROC DIPLOMATIQUE, cette experte en assurance maladie appelle ainsi à minimiser le risque de contamination des travailleurs, à travers plusieurs mesures. Selon docteur Ghanimi, il faut « doter le personnel d’équipements de protection individuelle (EPI) (masques, visières, gants, blouses…) » et « doter chaque salarié de produits de désinfection pour nettoyer et désinfecter son propre poste de travail ».
Elle propose, dans ce cadre, de « procéder systématiquement à une mesure de la température avec des caméras thermiques à l’entrée de l’entreprise pour l’ensemble du personnel ».
En termes d’effectifs, cette spécialiste en médecine du travail préconise l’application d’ « un système de rotation ou de brigades », tout en « se limitant aux travaux essentiels, à travers la simplification, l’automatisation et la dématérialisation des tâches, voire même le report de certains travaux ».
Selon la même source, le télétravail reste une option « safe » à envisager, même après la reprise d’activité professionnelle, en veillant à ce que « seuls les employés, dont la présence est essentielle à l’emploi, soient présents sur le lieu de travail ».
En ce qui concerne les employés dont l’état de santé est vulnérable, notamment, les femmes enceintes, les personnes souffrant de pathologies cardiovasculaires, d’insuffisance rénale chronique, de diabète ou qui subissent un traitement contre le cancer ou un traitement immunosuppresseur,… « Ces derniers doivent impérativement travailler à domicile », précise docteur Ghanimi.
Quant à la livraison de marchandises ou le ramassage, « ces opérations devraient s’effectuer à l’extérieur des locaux ».
Par ailleurs, il faut sensibiliser le personnel à l’importance de rester à la maison en cas de maladie, par le biais d’étiquette contre la toux et les éternuements et d’hygiène des mains à l’entrée du lieu de travail et dans les autres endroits où ils seront vus.
Au niveau des chaînes de production, « une barrière étanche entre les travailleurs devrait être mise en place, surtout s’ils ne sont pas en mesure de se tenir à une distance de deux mètres les uns des autres. Les barrières peuvent être spécialement conçues ou improvisées à l’aide d’articles tels que des cloisons en plexiglas, ou des tiroirs mobiles ».
Pour la climatisation, » il faut la mettre hors service dans cette période épidémique, sauf à démontrer son innocuité ».
En cas de prise de repas dans les locaux professionnels, « l’organisation des pauses repas serait nécessaire pour réduire le nombre de personnes partageant une cafétéria, une salle du personnel ou une cuisine. «
Pour une reprise du travail saine, cette spécialiste en médecine du travail indique qu’il faut « fournir du savon et de l’eau ou un désinfectant pour les mains approprié à des endroits pratiques et conseiller aux travailleurs de se laver les mains fréquemment ». Elle appelle, dans ce contexte, au » nettoyage fréquent des locaux, en particulier des comptoirs, des poignées de porte, des outils et autres surfaces que les gens touchent souvent », ainsi qu’ « une bonne ventilation ».
Notons que la reprise d’activité professionnelle est imminente après la fête de Aid Al fitr, surtout que le ministre de l’Economie et des Finances Mohamed Benchaâboun a lancé, ce mardi 19 mai, devant la séance du Parlement, un appel à tous les acteurs économiques à « reprendre leurs activités juste après la fête de Aid Al fitr, à l’exception de celles qui ont été suspendues par des décisions administratives rendues par les autorités compétentes ».
Quid du rôle du médecin de travail ?
Le rôle du médecin du travail, selon docteur Ghanimi, consiste à « éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant leurs conditions d’hygiène au travail, les risques de contagion et leur état de santé. De ce fait, il doit veiller à la disponibilité et au bon usage des mesures de protection collectives et individuelle ».
Dans le même registre, « il doit contrôler et auditer régulièrement le risque d’infection, le respect des règles de distanciation et d’hygiène et de former les travailleurs à l’utilisation correcte des dispositifs de protection individuelle (DPI), en veillant à ce qu’ils suivent les directives disponibles sur l’utilisation des masques faciaux et des gants », explique-t-elle.