Résilience de l’économie malgré les incertitudes

Face à une conjoncture mondiale marquée par des turbulences économiques et des défis croissants, le système financier marocain affiche une résilience impressionnante. Toutefois, derrière ces chiffres positifs, les inquiétudes persistent, notamment pour les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME), qui restent les plus vulnérables.

Lors de la 20ᵉ réunion du Comité de coordination et de surveillance des risques systémiques (CCSRS), tenue récemment au siège de Bank Al-Maghrib à Rabat, un bilan globalement optimiste a été dressé. Selon le rapport du comité, le secteur bancaire a enregistré une hausse de 17,3 % des bénéfices nets au cours du premier semestre 2024. Les ratios de solvabilité des banques dépassent les normes réglementaires, atteignant 16 % pour la solvabilité globale et 13,3 % pour les fonds propres de catégorie 1, bien au-delà des seuils requis de 12 % et 9 %.

Le secteur des assurances, autre pilier du système financier marocain, a également confirmé sa robustesse avec une augmentation de 4,5 % des primes, atteignant 49,6 milliards de dirhams en octobre 2024. Cette progression est attribuée aux segments vie (+4,4 %) et non-vie (+4,6 %), signe d’une reprise du segment vie après une phase de ralentissement. Sur les marchés financiers, la Bourse de Casablanca a enregistré une croissance notable, avec une hausse de 22 % de l’indice MASI au 17 décembre.

Ces performances positives s’inscrivent dans un contexte macroéconomique où les perspectives de croissance du PIB restent mitigées. Bank Al-Maghrib prévoit une baisse du taux de croissance à 2,6 % en 2024, contre 3,4 % en 2023, avant un rebond à 3,9 % à moyen terme. Parallèlement, l’inflation devrait considérablement diminuer, passant de 6,1 % en 2023 à seulement 1 % en 2024, apportant un certain répit aux consommateurs.

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Malgré ces indicateurs encourageants, des zones d’ombre subsistent, notamment concernant la dette publique, prévue à 70,5 % du PIB en 2024, avec une lente décrue envisagée à 68,7 % d’ici 2026. Par ailleurs, le crédit bancaire au secteur non financier devrait progresser modestement, atteignant 3,8 % en 2024 avant de s’accélérer à 5,5 % en 2026.

Un optimisme fragile face à une conjoncture incertaine

Derrière cette résilience affichée, la réalité pour les acteurs économiques, notamment les TPE et les PME, est plus préoccupante. Ces entreprises, qui représentent près de 95 % du tissu économique marocain, peinent à accéder au crédit et à surmonter les pressions inflationnistes, les coûts élevés des intrants, et une concurrence parfois déloyale. Si les grandes banques et institutions financières ont démontré leur solidité face à des scénarios de stress simulant une grave détérioration économique, les petites structures restent largement exposées aux aléas conjoncturels.

Les assurances gouvernementales visant à renforcer la résilience économique ne parviennent pas toujours à rassurer les acteurs économiques. Les TPE et PME continuent de faire face à des délais de paiement prolongés, un accès limité au financement et une hausse des charges d’exploitation. Cette situation fragilise non seulement leur compétitivité mais aussi leur capacité à contribuer à la croissance et à l’emploi.

Les défis à venir pour le Maroc

Au niveau international, les incertitudes liées aux tensions géopolitiques, aux fluctuations des prix de l’énergie, et aux resserrements monétaires des grandes économies pèsent lourdement sur l’économie marocaine. Bien que le pays ait réussi à sortir de la liste grise du Groupe d’action financière (GAFI), une étape cruciale pour renforcer sa crédibilité internationale, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour maintenir cette trajectoire positive.

Les observateurs notent également que les défis climatiques constituent une menace majeure. La sécheresse persistante et ses répercussions sur l’agriculture, un secteur vital pour le Maroc, ajoutent une couche d’incertitude. Ces pressions externes et internes posent la question de savoir si le Maroc parviendra à traduire la résilience de son système financier en un soutien concret pour les entreprises et les ménages les plus touchés.

Le gouvernement, tout en multipliant les annonces pour renforcer les filets de sécurité économique, devra s’assurer que les politiques mises en œuvre profitent directement aux petites structures, notamment par une réduction des délais de paiement et un soutien accru à l’investissement productif. Par ailleurs, une réforme fiscale et une meilleure inclusion financière sont jugées indispensables pour atténuer les inégalités croissantes.

Si le Maroc peut se targuer d’une solide résilience financière, celle-ci devra s’accompagner d’une stratégie cohérente et inclusive pour répondre aux défis structurels et conjoncturels. La réussite de cette transition déterminera la capacité du pays à naviguer dans un environnement mondial de plus en plus incertain.

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