Retour sur la conférence « JLL décrypte le marché de l’immobilier tertiaire à Casablanca »
Deux ans après la crise du COVID, le marché des bureaux à Casablanca renoue peu à peu avec le dynamisme. Malgré les nombreux projets livrés d’ici fin 2022, la demande reste faible et limitée à des surfaces inférieures à 5 000 m². Face à la forte augmentation de la vacance, les promoteurs et investisseurs repensent leurs stratégies pour proposer des environnements de travail attractifs à des prix compétitifs.
Le cabinet de conseil international Jones Lang LaSalle (JLL) a organisé, jeudi 16 juin à Anfa Place, une conférence pour décrypter les nouvelles tendances de l’immobilier tertiaire à Casablanca. La conférence était animée par Sylvain Gilet, Manager chez JLL Conseil Stratégique Maroc également en charge de présenter la vision du cabinet sur les mutations attendues du marché à l’ére post-COVID. Un échange entre les participants et les experts JLL a été organisé suivi par une table ronde réunissant trois acteurs clés du marché et représentés par Stéphane Bittan (COO Deputy DES, Deloitte France), Noreddine Tahiri (Ajarinvest), Khalil Mengad.
Au-delà de l’activité et de l’animation, la localisation joue aussi un grand rôle pour l’attractivité des bureaux. « Avant même la pandémie, il y avait une forte demande pour les bureaux en centre-ville », observe Staffan Ingvarsson, dirigeant de Stockholm Business Region, chargé de l’attractivité de la capitale suédoise. « Quand on s’éloigne, cela devient plus dur. Plus les bureaux sont loin, plus il faut faire des efforts pour attirer des gens, avec des services. »
En tant que capitale économique du Maroc, Casablanca concentre le plus grand parc immobilier de bureaux du Royaume. Les taux de vacance dans les quartiers du Centre-ville et Abdelmoumen sont donc élevés et leur dynamique s’oriente une baisse de la valeur locative des immeubles de la zone.
Le ralentissement de l’activité dans le secteur tertiaire, lié aux incertitudes COVID, a fortement impacté le marché des bureaux ces deux dernières années et contribué à une augmentation de la vacance sur l’ensemble des segments.
Selon JLL, la vacance de bureaux à Casablanca a augmenté ces trois dernières années et atteint environ 25% du parc qualitatif, à fin 2021. Les loyers faciaux d’immeubles Grade A ont baissé dans la majorité des destinations tertiaires de la ville de Casablanca, pour atteindre un loyer moyen de 140 à 160 MAD/m2/mois.
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Le développement rapide de projets majeurs d’aménagement à Casablanca, un climat économique favorable associés et des taux de rendements performants sur le segment qualitatif du marché des bureaux ont fait de la ville une destination étudiée par les investisseurs locaux et internationaux en quête de diversification de leur portefeuille.
D’ici fin 2022, l’offre de bureaux Grade A devrait compter 140 000 m² de surfaces supplémentaires. Cette rapide augmentation de l’offre va enclencher une concurrence forte et une nécessité d’adaptation des bailleurs afin d’accompagner au mieux les utilisateurs de demain.
Une des autres tendances clés du marché concerne la dimension ESG. La dimension environnementale s’affirme progressivement comme un des critères importants pour les preneurs et encourage les promoteurs à développer des projets présentant des certifications environnementales du type HQE et EDGE à l’image de Seven Square (HQE) et PRISM (EDGE).
Le quartier Casa Anfa et son projet phare, Casablanca Finance City, concentre l’essentiel de l’offre future et devrait s’affirmer à terme comme le nouveau hub tertiaire de la ville. Les nouveaux quartiers d’affaires en pleine émergence restent dynamiques, avec des prix atteignant 22 000 à 27 000 MAD le m2 (neuf).
Ce que l’on voit, c’est que les entreprises veulent du Plug and Play, mais elles le veulent aux prix des bureaux dits standards ; il y a donc une tension sur les prix. Je pense qu’il va y avoir de la casse sur l’immobilier de bureau et que, in fine, les prix seront reconduits à la baisse
L’étude fait ressortir un niveau de satisfaction globalement mitigé du panel. 47% des sondés considèrent l’offre en immobilier d’entreprise « pas suffisamment » adaptée, tandis que 7% l’estiment « pas du tout » adaptée. Dans 74% des cas, la raison avancée est relative au coût, jugé trop élevé.
« L’objectif de cette enquête était réellement de regarder les besoins des utilisateurs. Nous nous sommes donc focalisés sur la demande et avons examiné la manière dont ils percevaient l’offre de l’immobilier d’entreprise à Casablanca », explique William Simoncelli, directeur et fondateur de Carré Immobilier.
Plus précisément, le but était de dresser l’état des lieux de ce qu’il s’est passé au cours des trois dernières années, en plus d’un travail prospectif. Pour cela, les panélistes ont été amenés à se prononcer sur leurs éventuelles recherches de locaux d’activité à Casablanca durant les trois dernières années, et sur leurs recherches de locaux pour les trois prochaines années. « Nous nous sommes focalisés en grande partie sur l’aspect immobilier de bureau. Il s’agit du segment qui draine le plus de transactions sur le marché et représente la plupart des panélistes », indique William Simoncelli.
Une demande en mutation pour les années à venir
Les panélistes interrogés ont affirmé à 52% avoir recherché un local d’activité lors des trois dernières années. « On peut supposer que le contexte Covid a influencé ces souhaits de relocalisation. En effet, un certain nombre de professionnels ont été dans l’obligation de revoir l’organisation de leurs locaux dans un contexte sanitaire plus contraignant », note Carré Immobilier. Les surfaces principalement recherchées concernaient des superficies globalement modérées, inférieures à 300 m² dans 60% des cas. Dans le panel interrogé, 48% des projets de recherches d’actifs n’ont pas abouti.
Concernant les trois années à venir, l’enquête a relevé une certaine stabilité de la demande malgré un contexte économique post-Covid. Certains aspects de la demande, cependant, changent. Ainsi, 52% des sondés déclarent être à la recherche d’investissements dans de nouveaux locaux, attestant d’une certaine continuité concernant le volume global de la demande. 73% des répondants projetant des investissements ont déclaré avoir eu des projets les années passées.
Le premier changement, c’est que la majorité des projets concernent des extensions et des créations à hauteur, respectivement, de 27% et 53%. « On note également un recul de la part des relocalisations par rapport aux projets passés, et une progression de 7 points des extensions, signe que l’activité économique tend à se redynamiser », note l’agence immobilière. Dans 68% des cas, la nature de la recherche concerne des locaux, contre 75% lors des trois dernières années. Pour le reste, 22% concernent des terrains nus et 10% les deux (locaux et terrains nus).
Le second changement est lié à la volonté d’acquisition. Dans 55% des cas, l’acquisition est souhaitée pour les projets à venir, alors que cette option ne comptait que dans 43% des cas pour les projets passés. « Cette hausse concerne en majorité les grandes entreprises, qui accèdent plus facilement au crédit. Au Maroc, elles restent très friandes de développer un patrimoine immobilier ; cela est très apprécié par les banques et démontre qu’elles ont aussi mieux tenu face à la crise », explique William Simoncelli.
Le changement est également perçu d’un point de vue sectoriel dans les services où les entreprises se sont plus fortement projetées sur des surfaces de 100 à 300 m² concernant les locaux. Sur ce type de superficies, concernant les projets passés, 41% des demandes concernaient ce type de surface, contre 60% pour les projets des trois prochaines années.
Un changement au long cours à venir sur l’immobilier de bureau
William Simoncelli note un véritable changement de paradigme concernant ce segment, qui concentre le plus grand nombre de transactions. « Sur le marché de l’immobilier d’entreprise, il y a un vrai sujet sur l’immobilier de bureau. Car la pandémie a rebattu les cartes. Nous allons être en suroffre sur cette catégorie avec un parc vieillissant. Ce dernier sera probablement rénové car cela coûtera moins cher que de développer du neuf. Les prix sont en train de se tasser avec une demande qui, elle, est au ralenti. »
On note également depuis plusieurs années – et la tendance se poursuit dans les projets des entreprises recherchant des actifs – que les tailles des locaux ont diminué. « Les demandes se dirigent vers de plus petites structures, généralement moins de 300 m². Lorsque l’on passe sur de plus grosses structures, comme 1.000 ou 1.500 m², on s’adresse à de belles PME qui ont un levier d’endettement grâce auquel il est plus intéressant, pour elles, d’acheter que de louer. A Casablanca, nous allons vers un immobilier de bureau qui se pose de nombreuses questions et se dirige vers beaucoup de bureaux vides. Il va falloir trouver des solutions ; soit pour les modifier, soit pour les remplir », précise William Simoncelli.
« A Casablanca, l’immobilier souffre moins d’un effet lié à la structure de notre marché qu’à la conjoncture que nous venons de dépasser. On ne sait pas quel sera l’avenir dans trois mois. Ce que l’on voit, c’est que les entreprises veulent du Plug and Play, mais elles le veulent aux prix des bureaux dits standards ; il y a donc une tension sur les prix. Je pense qu’il va y avoir de la casse sur l’immobilier de bureau et que, in fine, les prix seront reconduits à la baisse », conclut-il.