Retraite : un système en péril nécessitant une réforme urgente

Dans un contexte économique marqué par des inégalités croissantes, la question des retraites au Maroc s’impose comme une problématique majeure. Une récente étude menée par Sunergia révèle un constat alarmant : 36 % des Marocains ne disposent d’aucun plan de retraite. Cette réalité, particulièrement prégnante dans le secteur informel, met en lumière les limites structurelles du système de sécurité sociale marocain, menaçant la stabilité financière d’une grande partie de la population à long terme.

Les données de l’étude sont sans appel. Dans le secteur informel, qui emploie une part importante de la population active marocaine, pas moins de 86 % des travailleurs se retrouvent sans aucune forme de pension. À l’échelle nationale, seuls 45 % des actifs disposent d’un plan de retraite, répartis comme suit : 11 % dans le secteur public, 16 % dans le secteur privé et un maigre 18 % dans le secteur informel.

Le fossé entre les secteurs formel et informel illustre les disparités criantes du système actuel. L’absence d’une couverture sociale pour une majorité de travailleurs du secteur informel condamne ces derniers à une précarité financière à l’âge de la retraite. Par ailleurs, parmi les rares bénéficiaires d’une pension de base, 85 % ne disposent d’aucune épargne complémentaire. Seuls 10 % reçoivent une aide de leur employeur pour constituer une épargne, tandis que 4 % épargnent par eux-mêmes et 1 % se tournent vers des solutions bancaires ou salariales.

Ces lacunes compromettent non seulement la pérennité du système actuel, mais également l’avenir des générations futures, rendant indispensable une réforme en profondeur.

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a récemment publié un rapport alarmant sur les nombreux obstacles entravant le système de sécurité sociale au Maroc. Ce bilan met en lumière les enjeux majeurs qui nécessitent des réformes urgentes pour garantir une couverture sociale équitable et pérenne pour tous les citoyens.

Un bilan préoccupant

Parmi les principaux défis identifiés, l’exclusion structurelle des familles vulnérables reste un problème fondamental. Une grande partie des ménages à faible revenu se trouve en dehors du champ des systèmes de protection sociale, ce qui aggrave les inégalités et expose ces populations à des risques sociaux majeurs, tels que l’accès limité aux soins de santé ou l’insécurité alimentaire.

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De plus, le coût élevé des régimes de retraite pour la classe moyenne constitue une contrainte de taille. Les travailleurs appartenant à cette catégorie sociale peinent à cotiser à des systèmes souvent inabordables, ce qui remet en question leur capacité à bénéficier d’une retraite décente. Cela souligne l’urgence de revoir les mécanismes de financement pour les rendre plus accessibles.

Le rapport du CESE met également l’accent sur les difficultés de financement et de viabilité globale du système de sécurité sociale. La dépendance excessive aux contributions des actifs, combinée à une gestion parfois inefficace des ressources, pose des problèmes structurels qui menacent la pérennité du modèle actuel. Cette situation est d’autant plus critique que le vieillissement de la population exerce une pression croissante sur le système.

Un autre enjeu majeur réside dans le manque d’intégration des travailleurs du secteur informel, qui représentent une part importante de la population active. Cette exclusion prive non seulement ces travailleurs d’une couverture sociale essentielle, mais elle réduit également les ressources du système, fragilisant encore davantage son équilibre financier.

En outre, l’insuffisance des mécanismes de solidarité intergénérationnelle est un frein notable. Le déséquilibre entre les cotisations des actifs et les prestations perçues par les retraités reflète un modèle inadapté aux évolutions démographiques. Cela appelle une réflexion approfondie sur de nouvelles formes de solidarité entre générations.

Pour garantir le succès de cette réforme, le Conseil préconise une feuille de route claire, incluant une coopération étroite entre le gouvernement, les entreprises et les partenaires sociaux. Une législation adaptée, accompagnée de politiques incitatives, serait essentielle pour instaurer un régime de retraite à la fois équitable et durable.

Des mesures déjà engagées, mais encore insuffisantes

Depuis 2022, le Maroc a entrepris des démarches pour élargir l’assurance maladie obligatoire (AMO), atteignant à ce jour près de 22 millions de personnes. D’ici 2025, le gouvernement prévoit d’intégrer 5 millions de travailleurs supplémentaires dans le système de retraite, un pas significatif vers une couverture universelle.

En parallèle, la mise en place d’un revenu minimum pour les personnes âgées sans pension figure parmi les priorités. Ce montant, qui devra dépasser le seuil de pauvreté, vise à protéger les plus vulnérables contre les risques financiers liés à l’absence de retraite.

Au-delà de son aspect social, la réforme des retraites représente une opportunité économique pour le Maroc. Un système de retraite solide pourrait stimuler la croissance en renforçant le pouvoir d’achat des retraités, tout en favorisant la stabilité sociale. En anticipant ces réformes, le Maroc peut jeter les bases d’un avenir prospère et équitable pour les générations actuelles et futures.

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