Rétropédalage d’Alger sur les sanctions contre les entreprises françaises

Le projet de sanctions qu’Alger envisageait d’imposer à la France en réaction à la reconnaissance par cette dernière de la souveraineté marocaine sur le Sahara est aujourd’hui en passe de devenir un nouvel exemple des errements stratégiques du régime algérien. En effet, alors que cette initiative se voulait une riposte symbolique et politique, elle risque de porter un coup sévère à l’économie algérienne, qui repose en grande partie sur ses liens commerciaux avec la France. Ainsi, le régime algérien opte pour un rétropédalage.

La révélation de cette intention de sanctions a été rendue publique par une fuite inattendue dans les médias. Le document émanant de l’Association des banques et institutions financières algériennes (Abef) s’est rapidement propagé, évoquant des restrictions envers la France similaires aux mesures déjà prises à l’encontre de l’Espagne. Ces dernières, également controversées, avaient été appliquées après que l’Espagne ait pris position en faveur de la souveraineté marocaine sur le Sahara, provoquant la fureur d’Alger.

Malgré une réaction officielle qualifiant ce document de « sans fondement », des doutes persistent. Les entreprises françaises présentes en Algérie, conscientes des précédents avec l’Espagne, ont aussitôt adopté une attitude de prudence face à cette incertitude diplomatique. L’ancien ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt, a publiquement évoqué cette situation, renforçant le sentiment de crispation au sein des milieux d’affaires français.

Cette révélation survient dans un contexte où le président français Emmanuel Macron a renforcé son soutien au Maroc à travers une lettre officielle adressée au roi Mohammed VI et une visite d’État marquante fin octobre. Un geste qui, s’il symbolise une avancée diplomatique importante entre Paris et Rabat, est perçu comme une véritable provocation par les autorités algériennes.

Toutefois, au-delà de l’orgueil politique, l’Algérie semble avoir peu de marge de manœuvre pour imposer de réelles sanctions sans se nuire à elle-même. La France, principal partenaire économique européen de l’Algérie, représente un acteur incontournable dans les secteurs clés de l’économie algérienne, tels que l’énergie, l’industrie et l’importation de biens de consommation. En cas de rupture commerciale, c’est donc l’Algérie qui pourrait pâtir le plus de cette rupture, et ce malgré son rôle de fournisseur énergétique.

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Les échanges commerciaux entre la France et l’Algérie avoisinent actuellement les 11 milliards d’euros par an, en grande partie grâce aux exportations de pétrole et de gaz algérien, qui ont pris une importance accrue depuis la mise en place des sanctions européennes contre le pétrole russe. Dans une économie algérienne encore largement dépendante de la rente énergétique, la mise en péril de cette relation pourrait déstabiliser des secteurs entiers et fragiliser davantage une société déjà aux prises avec des tensions sociales croissantes.

L’annonce d’éventuelles sanctions a provoqué une onde de choc parmi les observateurs économiques, qui soulignent que l’Algérie ne pourrait compenser facilement cette perte par des partenariats avec d’autres puissances, notamment en raison de son isolement international actuel.

Un isolement sur la scène internationale

Depuis plusieurs années, la diplomatie algérienne multiplie les confrontations sans pour autant obtenir les soutiens escomptés sur la scène internationale. À mesure que les alliances se dessinent autour du soutien au Maroc sur la question du Sahara, Alger se retrouve progressivement isolé. La décision de rappeler son ambassadeur à Paris ainsi que l’annulation de la visite d’État prévue de son président Abdelmadjid Tebboune en France traduisent cette crispation qui, au lieu de renforcer sa position, contribue à marginaliser davantage le régime algérien.

La complexité des relations franco-algériennes réside également dans la profondeur des liens historiques, sociaux et économiques qui unissent les deux pays. Des milliers de ressortissants algériens vivent en France et les élites économiques et militaires algériennes y possèdent des intérêts économiques et immobiliers considérables. Une rupture totale semble donc improbable, car elle serait également synonyme d’un affaiblissement interne du régime. En s’attaquant à la France, Alger prend le risque de voir ces élites se retourner contre elle, les privant de leurs avantages économiques.

Les risques pour la stabilité sociale

L’inflexion du régime algérien face à l’éventualité des sanctions montre bien l’ampleur des risques pour sa propre stabilité. Dans un contexte social déjà tendu, où les mouvements de protestation populaires ont témoigné du mécontentement de la population face à l’immobilisme des dirigeants, toute nouvelle difficulté économique pourrait exacerber les tensions. Avec une jeunesse frappée par le chômage et une inflation galopante, l’Algérie semble de moins en moins en mesure de contenir des frustrations sociales croissantes.

L’acte de défiance envers la France pourrait donc se transformer en un véritable « boomerang » pour le régime d’Alger. Cette tentative de sanction, motivée par un nationalisme de façade, pourrait finalement accentuer la dépendance économique algérienne, tout en creusant davantage l’écart avec les puissances occidentales.

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