Sahara marocain : Quand Alger dévoile enfin son projet expansionniste et ne cache plus son jeu
Dans les années 70, quand le Roi Hassan II décida d’accélérer le processus de libération du Sahara, prenant acte notamment de l’irréductible hostilité du général Franco, il était bel et bien conscient de la duplicité de Houari Boumediene, président de la République d’Algérie. Arrivé au pouvoir par un coup d’Etat militaire, le 19 juin 1965, il n’avait qu’une obsession en tête : prendre sa revanche sur la cuisante défaite que les Forces Armées Royales (FAR) avaient infligée en octobre 1963 à l’ANL (Armée nationale de libration), bras armé du FLN, alors quasiment parti unique, dans ce qu’on appelait la « guerre des sables ».
En fait de « guerre des sables », il s’agissait – déjà – de l’agression qu’Ahmed Ben Bella, reniant délibérément les accords officiels signés en juillet 1961 à Rabat par Farhat Abbès, alors président reconnu du GPRA ( Gouvernement provisoire de la République algérienne) avait lancée. Le Maroc soutenait le combat de libération de l’Algérie et, dans la foulée, ses dirigeants regroupés au sein du GPRA. Mais l’ANL avait occupé de facto de nombreux territoires marocains et lança même son offensive sur Figuig. Ahmed Ben Bella qui avait renversé Farhat Abbès portait un rude coup de traitrise à l’illusoire « amitié fraternelle » maroco-algérienne et surtout aux engagements du FLN algérien de restituer au Maroc les territoires spoliés par la France en 1952 après la découverte de ressources minières importantes dans la région de Tindouf et Garat Jbilat.
Ces territoires du sud-est marocain qui vont de Saoura à Tindouf, en passant par Kenadssa, Touat et Bechar, on ne le dira jamais assez, avaient toujours fait partie intégrante du Royaume du Maroc.
Nous sommes en décembre 1969, un Sommet arabo-islamique se tient à Rabat à l’instigation du Roi Hassan II. Entre autres questions graves, l’incendie par les Israéliens de la Mosquée al-Qods. Et puis, évocation de la question du Sahara marocain à laquelle les participants – y compris l’Algérie – apportent leur soutien face à l’Espagne. Le13, 14 et 15 juin 1972 s’était tenu à Rabat également ce que l’on a considéré comme le vrai premier Sommet de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), créée quinze plus tôt. Là aussi s’était dégagé un « esprit de Rabat » consensuel pour soutenir la revendication du Maroc face à l’Espagne de Franco. Entretemps, la relation bilatérale maroco-algérienne s’était apaisée et les deux chefs d’Etat du Maroc et de l’Algérie, le Roi Hassan II et le président Houari Boumediene renvoyant leurs « armes aux vestiaires » et s’employant à trouver un terrain d’entente.
Le Sommet d’Ifrane, tenu en janvier 1969 dans une atmosphère qui se voulait décontractée, constituait à vrai dire une étape significative dans les relations entre les deux pays, et surtout entre le Roi du Maroc et le président algérien. Ces derniers s’étaient engagés au cours de ce Sommet à traiter la globalité des contentieux, et de tordre le cou à la problématique des frontières héritées du colonialisme que le Royaume du Maroc contestaient à juste titre. En définitive, le Sommet d’Ifrane, plutôt que régler cette question qui pendait au nez des deux chefs d’Etat, la mettra davantage en relief et aiguisera sa dimension conflictuelle. Boumediene croyait exulter et exigea même que l’accord en question sur les frontières fût adopté par le Parlement marocain…
En mai 1970, soit seize mois après Ifrane, se tenait une importante rencontre entre les deux chefs à Tlemcen, continuité « organique » s’il en fut. Là aussi, des pas vers l’entente avaient été franchis. En 1974 , alors que se tenait à Rabat l’un des plus importants Sommets de la Ligue arabe, Boumediene assurait dans son discours que « l’Algérie soutenait le Maroc de toutes ses forces pour récupérer son Sahara… ». Déclaration enregistrée, consignée dans les archives du Sommet. Cette proclamation du haut du Sommet arabe, en présence de plus de vingt chefs d’Etat et de Yasser Arafat – que le Roi Hassan II réconciliera d’ailleurs avec Hussein de Jordanie -, était-elle une intention trompeuse ? Annonçait-elle la duplicité d’un Boumdiene, tout à son apocryphe langage ? Car, au moment où il bernait le Maroc, ses services secrets, ancêtres du DRS dirigés alors par le redoutable Kasdi Merbah, poussaient à la création du polisario en Mauritanie…avec la collaboration des services de Franco, et notamment du général Viguri, gouverneur espagnol au Sahara. Relayé par Bouteflika et les propagandistes du régime, Houari Boumediene inventa le code, il répéta à satiété que l’Algérie « n’était pas impliquée, mais seulement intéressée par une solution au Sahara » !
Pendant des années cette rhétorique servira d’argumentaire à qui voulait l’entendre et y croire. L’ambiguïté du propos était telle que même les Nations unies ont failli y céder, et peut-être que certains des fonctionnaires ont adhéré à ce mensonge devenu credo. De juillet à septembre 1975, les juristes de la Cour internationale du justice ( CIJ), réunis à La Haye se sont prêtés à l’exercice de reprendre à leur compte cette ambivalence sémantique algérienne qu’un certain Mohamed Bedjaoui a défendue à cors et à cris .
Mais, déjà l’ambiguïté devait en principe susciter le soupçon de malveillance chez les juges de la CIJ sur la présence plus qu’illégale d’un haut responsable algérien au parloir de la Cour, alors que son gouvernement ne cessait de répéter qu’il n’était pas « impliqué mais seulement intéressé ». A-t-on jamais assisté à une telle incurie où un Etat se substitue à une « bande de mercenaires » créée par ses soins, en violation du principe irréfragable du droit international, pour défendre la règle de justice et de clarification que la respectable CIJ devait apporter ?
A tous les niveaux, à l’ONU, à l’OUA, aux Nations unies, à l’Union parlementaire internationale et autres forums du monde, le gouvernement algérien s’est efforcé de fourvoyer les uns et les autres sur cette cynique ambiguïté, d’autant plus que chaque jour nous assistons au déploiement d’un vorace expansionnisme qu’il ne dissimule plus. Tant et si bien que, le succès des visites du Roi Mohammed VI en Afrique aidant, il ne cache plus son amertume.
L’alchimie du langage a changé d’ambivalence, elle se décline ainsi : l’Algérie n’est pas seulement intéressée, ou impliquée ! L’Algérie est désormais concernée ! Ouvertement, clairement, elle le claironne par une attitude qui est à la sémantique ce que le non- dit ou le subconscient est à la vérité….On rappellera qu’en 2005, dans le sillage d’un bidon Plan Baker, le président Bouteflika est allé jusqu’à envisager un partage du Sahara, pourvu que son pays puisse en bénéficier et sortir honorablement de l’impasse dans laquelle il s’est jeté. C’est à croire qu’il y a deux Algérie : l’une mobilisée dans la vaine destruction du Maroc, l’autre assoupie, enfoncée dans le marasme politique et moral suscité par la maladie du président Abdelaziz Bouteflika.
Nous n’avons jamais cessé de dire et répéter que l’Algérie est plus qu’ impliquée dans la crise du Sahara, elle est la principale responsable du différend et de son développement dangereux. De la même manière, elle est plus que concernée dans sa résolution parce qu’elle détient la clé d’une solution qu’elle connaît et qui est celle de la souveraineté marocaine sur ses provinces du sud, clé de voûte de l’entente entre nos deux pays, et de l’édification du Maghreb.