Sahara marocain : L’heure de vérité pour la France
CE QUE JE PENSE
Il faut bien le dire, la France se trouve, aujourd’hui, face à une équation complexe : Comment concilier les impératifs économiques pressants avec les subtilités d’une diplomatie traditionnellement neutre pour ne pas dire ambigüe sur le Sahara marocain?
C’est dans cette dualité que Paris redéfinit sa posture, oscillant entre un pragmatisme économique affirmé et une prudence diplomatique de rigueur. Cependant l’éclaircissement des horizons diplomatiques entre la France et le Maroc, depuis fin 2023, a ouvert la voie à une série de visites ministérielles françaises qui démontrent la volonté de Paris de renouer avec Rabat. Ces rencontres au sommet témoignent d’une reprise du dialogue, certes prudente, mais indéniablement progressive. La présence accrue des ministres français dans le Royaume est un signe des temps : celui d’un rapprochement calculé et d’une reconnaissance croissante des enjeux stratégiques et économiques que représente le Maroc pour la France.
Paris entre investissement opportun et reconnaissance différée
D’une part, l’appétit français pour le potentiel économique du Sahara marocain ne se dément pas. La région, riche en ressources et promesses de développement, attire les investissements français. En effet, les hommes d’affaires, loin de s’encombrer de considérations politiques, voient dans le Sahara un eldorado moderne, un terrain fertile pour l’expansion économique et l’innovation. D’autre part, la diplomatie française se meut avec une lenteur calculée lorsqu’il s’agit de la reconnaissance officielle de la souveraineté marocaine sur son Sahara. L’impératif de ne pas heurter l’Algérie semble peser dans la balance des décisions politiques françaises. Ainsi, la France oscille, consciente que chaque mouvement est scruté, analysé, et interprété par les deux pays nord-africains.
Par ailleurs, elle semble prête à renforcer sa présence économique au Sahara tout en tanguant avec précaution sur le champ politique. Cette attitude reflète les défis auxquels elle doit faire face en tant que puissance globale cherchant à maintenir un équilibre délicat entre ses intérêts économiques et ses obligations diplomatiques. Et alors que le Maroc avance fermement sur sa voie tracée, la France évalue comment et à quel moment elle pourra harmoniser pleinement ses intérêts économiques avec ses positions politiques, en vue d’un partenariat franco-marocain plus étroit et d’une politique étrangère française cohérente avec les réalités géopolitiques contemporaines.
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Le temps des ambiguïtés est révolu
Force est de rappeler qu’une nouvelle dynamique a été inaugurée par la visite au Maroc de Stéphane Séjourné, chef de la diplomatie française, et s’est poursuivie avec la visite de Franck Riester, ministre délégué au Commerce extérieur et à l’Attractivité française. La cadence des rencontres s’accentue avec l’annonce de visites imminentes d’autres figures importantes du gouvernement français, telles que Bruno Le Maire pour l’Économie, Rachida Dati pour la Culture, et Marc Fesneau pour l’Agriculture. Ce ballet diplomatique suggère une réelle intention de la France de resserrer les liens, touchés par les récents remous politiques, et de reconstruire une coopération mutuellement bénéfique.
Ainsi sans franchir le pas de la reconnaissance officielle de la souveraineté marocaine sur le Sahara, la France a cependant reconnu l’importance stratégique de cette question pour le Royaume, la qualifiant d’« enjeu existentiel ». Elle a aussi exprimé la nécessité « d’avancer concrètement » sur le plan d’autonomie proposé par le Maroc, signifiant ainsi un changement subtil mais notable dans le ton de la diplomatie française. Ces déclarations, bien que mesurées, constituent un pivot dans l’approche française et reflètent une appréciation renouvelée des aspirations marocaines.
La stratégie ambivalente de la France au Sahara
Cette posture attentiste de la France n’est pas sans risque. En séparant les sphères économiques et politiques, Paris joue un jeu délicat, cherchant à récolter les fruits sans s’engager dans le terrain glissant des décisions souveraines. Mais dans un monde où l’économie et la politique sont inextricablement liées, cette dichotomie pourrait être perçue comme une approche manquant de cohérence, de sincérité voire de courage. Elle se doit donc de réfléchir à la portée, à long terme, de ses actions et de ses silences. Si l’investissement est la langue universelle du business, la reconnaissance est le sceau des relations internationales. En retardant sa décision, la France pourrait non seulement froisser le Maroc, qui attend un soutien clair, mais aussi saper sa propre image en tant que force motrice capable de promouvoir la stabilité et le développement en Afrique du Nord.
D’ailleurs, au sein de la diplomatie française, l’ambassadeur Christophe Lecourtier s’est fait l’écho de cette urgence de clarification. Conscient de l’importance stratégique du Maroc pour la France, il presse le gouvernement d’affirmer sa position, persuadé du manque à gagner. De facto la stratégie française actuelle, qui favorise le développement économique avant de jouer la carte politique, semble paradoxale. Les autorisations d’investissements massifs et la participation à des projets significatifs dans les provinces du Sud cachent, bien entendu, une reconnaissance implicite de la souveraineté marocaine, même si cela n’est pas encore dit ouvertement. D’ailleurs, dans ce domaine économique, la France semble même devancer d’autres pays européens qui ont déjà clarifié leur position politique sur la question du Sahara.
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Or Paris, en poursuivant sa politique d’équilibre, doit se rappeler que le temps est aussi un acteur de la géopolitique. Les horloges diplomatiques du Maroc et de l’Algérie ne sont pas synchronisées avec celle de l’Hexagone. Ce jeu d’équilibriste auquel se livre la France, entre pragmatisme économique et diplomatie prudente, révèle les subtilités et les défis inhérents à la navigation dans la complexité de la politique internationale. Pour le Maroc, pour l’Algérie, et pour la France, le temps est un luxe qui pourrait bien avoir un coût politique et économique substantiel.
L’attrait de la façade atlantique n’est pas en reste
Sur un autre volet, il est évident que la France, consciente de la dynamique de transformation économique majeure initiée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI sur la façade atlantique du Sahara, ne souhaite pas être laissée pour compte. Les projets ambitieux tels que la production d’hydrogène vert, la construction du port de Dakhla-Atlantique, ou encore le développement d’usines de dessalement et d’une autoroute électrique reliant Dakhla à Casablanca, soulignent cette attractivité croissante du Sahara marocain sur la scène internationale. Par ses actions, la France exprime clairement son intention de se positionner dans cette nouvelle ère d’opportunités économiques dans la région.
Cette démarche s’inscrit comme un geste politique fort, témoignant de la reconnaissance par Paris de la souveraineté marocaine sur le Sahara, marquant un tournant décisif dans les relations franco-marocaines. D’autant plus que l’anticipation de la visite d’État d’Emmanuel Macron au Maroc, souvent différée, pourrait incarner le symbole de ce changement de cap, témoignant d’une convergence stratégique renouvelée entre Paris et Rabat. Il ne faut pas oublier que la clarification de la position française pourrait également être influencée par le contexte politique régional, notamment les élections présidentielles algériennes et la possible réélection du président Abdelamjid Tebboune.
En somme, l’harmonisation de la stratégie économique française avec une expression diplomatique affirmée en faveur de la souveraineté marocaine sur le Sahara marquerait l’entrée officielle de la France dans le cercle des nations soutenant ouvertement le Maroc. Une telle évolution promet de revigorer le partenariat stratégique franco-marocain et d’ouvrir de nouvelles voies de coopération pour l’avenir de la région, consolidant ainsi une alliance historique tout en pavant la voie à des développements économiques et diplomatiques bénéfiques.
En définitive, l’annonce attendue de Paris, perçue comme imminente par les acteurs diplomatiques, et dont l’importance pour l’avenir de la coopération franco-marocaine est capitale. La reconnaissance du Sahara en tant que territoire marocain par des nations clés telles que les États-Unis et l’Espagne a placé la France dos au mur. Tandis que pour le Royaume, cette reconnaissance est le véritable baromètre de la fidélité et de la solidarité de ses partenaires. Ainsi, le Sahara se présente non seulement comme un test de l’engagement de la France envers le Maroc mais aussi comme une opportunité de contribuer à l’équilibre et à la prospérité régionale, esquissant ensemble une vision d’avenir pour la façade atlantique africaine. Un geste audacieux est requis, et il est impératif qu’il soit posé sans délai.