Santé mentale au Maroc : un enjeu de taille révélé par le Global Mind Report 2023
La santé mentale, souvent reléguée au second plan dans les débats publics, est devenue une préoccupation majeure au Maroc, comme le révèle le Global Mind Report 2023 de Sapien Labs. Selon cette étude d’envergure, un quart des Marocains sont aux prises avec des troubles mentaux graves, un constat qui interpelle et qui appelle à une action immédiate.
La pandémie de Covid-19 a laissé des cicatrices profondes sur le bien-être psychologique des populations à travers le monde, et le Maroc n’est pas épargné. Avec un indice de santé mentale (MHQ) moyen de 64, le pays se trouve dans une position médiane, reflétant à la fois ses défis et ses capacités de résilience. Ce score place le Maroc au même niveau que des nations comme la Belgique, le Soudan et l’Algérie, mais derrière les pays leaders en matière de bien-être mental.
Le rapport de Sapien Labs met en lumière la capacité des Marocains à s’adapter et à surmonter les adversités, une qualité essentielle dans le contexte actuel. Cependant, il souligne également que le bien-être mental global continue de décliner depuis la pandémie, sans montrer de signes de rétablissement aux niveaux antérieurs. Cette tendance est particulièrement marquée chez les jeunes de moins de 35 ans, qui semblent les plus affectés par cette baisse de la santé mentale.
Les chercheurs pointent du doigt plusieurs facteurs contribuant à cette situation : l’utilisation précoce et intensive des smartphones, une alimentation riche en produits ultra-transformés et un affaiblissement des liens sociaux. Ces éléments, combinés à l’impact psychologique de la pandémie, créent un cocktail délétère pour la santé mentale.
Depuis 2021, peu de changements ont été observés dans les scores de bien-être mental à travers le monde. Seuls quelques pays ont enregistré des variations significatives, ce qui suggère que les efforts pour améliorer la situation doivent être intensifiés et mieux ciblés.
Le rapport de Sapien Labs déconstruit également le mythe selon lequel la prospérité économique serait synonyme de bien-être mental. En effet, des pays moins développés économiquement, comme la République dominicaine, le Sri Lanka et la Tanzanie, affichent de meilleurs scores de santé mentale. Ces nations semblent bénéficier d’un accès plus tardif aux technologies comme les smartphones chez les jeunes, retardant ainsi l’exposition à des facteurs de stress numériques.
À l’inverse, dans les pays anglophones où les enfants reçoivent leur premier smartphone dès l’âge de 11 ans, on observe une corrélation avec une détérioration du bien-être mental. Cette observation suggère que des mesures préventives, telles que le retardement de l’introduction des jeunes aux technologies numériques, pourraient avoir un impact positif sur la santé mentale.
Dans son rapport, Global Mind Report 2023 à développer des stratégies de soutien en santé mentale, en prenant en compte les spécificités culturelles et sociales du pays. En outre, met en évidence la nécessité de renforcer les liens communautaires et de réguler l’utilisation des technologies numériques, surtout chez les plus jeunes.
Un déficit d’infrastructures
Le déficit d’infrastructure reste aussi un problème majeur pour solutionner les problème. Face à cette situation, le ministère de la Santé a déclaré la santé mentale comme une priorité nationale en 2012. Un plan ambitieux a été lancé avec pour objectifs de doubler les capacités d’accueil des établissements psychiatriques, passant ainsi à 3 000 lits d’ici 2016, et de renforcer le personnel spécialisé par la formation de 30 psychiatres et 185 infirmiers spécialisés.
Dans cette optique, le Maroc envisage la construction de trois hôpitaux régionaux dédiés à la psychiatrie, l’intégration d’une dizaine de services psychiatriques au sein des hôpitaux existants, ainsi que la mise en place de quatre unités de pédopsychiatrie.
Cette initiative fait suite à la reconnaissance par le Conseil national des droits humains (CNDH) de l’urgence d’une réforme en profondeur. Dans son rapport intitulé « Santé mentale et droits de l’Homme : l’impérieuse nécessité d’une nouvelle politique », le CNDH a souligné le manque criant de ressources et a dénoncé les conditions souvent inhumaines dans lesquelles se déroulent certains internements psychiatriques.