Scandale de la Dépakine: Sanofi mis en examen pour « homicides involontaires »
Sanofi a été mis en examen pour « homicides involontaires » dans le scandale de l’anti-épileptique Dépakine, à la suite d’une enquête initiée par des familles de victimes accusant le groupe pharmaceutique d’avoir tardé à informer des risques du médicament pour les femmes enceintes.
Il s’agit d’une mise en examen supplétive, le groupe étant déjà poursuivi depuis février pour « tromperie aggravée » et « blessures involontaires » dans ce dossier.
C’est en 2016 qu’une enquête avait été ouverte auprès du tribunal judiciaire de Paris, à la suite d’une procédure à l’initiative de l’Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anti-convulsivant (Apesac): représentant 4.000 personnes dont la moitié des enfants malades, elle s’appuyait sur 14 cas de mères ayant reçu de la Dépakine lors de leur grossesse.
La molécule en cause, le valproate de sodium, est commercialisée depuis 1967 sous la marque Dépakine par Sanofi, mais aussi sous des marques génériques.
Elle est prescrite aux personnes souffrant de troubles bipolaires, mais présente un risque élevé de malformations congénitales sur le foetus si elle est prise par une femme enceinte. Malformations, autisme, troubles ORL: les effets peuvent être dévastateurs pour certains enfants ayant été exposés in utero.
« Sanofi Aventis France a respecté ses obligations d’information et conteste le bienfondé de ces poursuites », réagit lundi le groupe dans une communication à l’AFP.
Il indique avoir « saisi la chambre de l’instruction afin de contester sa mise en examen » et met en avant le fait que « l’ensemble de ces éléments ne préjuge en rien de la responsabilité du laboratoire ».
Aucune autre information n’est donnée par Sanofi sur les éléments ayant conduit à cette nouvelle mise en examen, révélée ce week-end par Le Monde. Selon le quotidien, « l’information judiciaire vise désormais à déterminer si le laboratoire peut être tenu responsable de la mort en 1990, 1996, 2011 et 2014, de quatre bébés âgés de quelques semaines ou quelques mois, dont les mères, au cours de leurs grossesses, avaient pris de la Dépakine ».
Pour l’Apesac, « Sanofi doit assumer sa part de responsabilité », a déclaré lundi à l’AFP l’avocat de l’assocation Me Charles Joseph-Oudin.
Selon l’avocat de l’Apesac, « la prochaine étape procédurale devrait être la mise en examen de l’agence du médicament pour blessures et homicides involontaires ».
Il affirme qu’un total de 1.402 familles – soit environ 2.500 enfants – ont contacté l’association.
En juillet, la justice avait pour la première fois reconnu la responsabilité de l’Etat, ainsi que celle de Sanofi et de médecins, dans les effets dévastateurs de l’anti-épileptique Dépakine, le condamnant à indemniser des familles d’enfants lourdement handicapés.
Selon cette décision prise par le tribunal administratif de Montreuil (Seine-Saint-Denis), l’Etat avait été condamné à indemniser les trois familles requérantes, dont cinq enfants aujourd’hui âgés de 11 à 35 ans, lourdement handicapés. Leurs mères avaient continué à prendre cet anti-épileptique durant leur grossesse sans se douter des effets irréversibles sur leurs bébés.
Au total, le nombre d’enfants handicapés à cause du valproate de sodium est estimé à entre 15.000 et 30.000, selon les études.
Parallèlement à d’autres procédures judiciaires en cours sur ce scandale, 516 dossiers de victimes directes ont été déposées à l’Oniam (Office national d’indemnisation des accidents médicaux), et 952 dossiers en tant que victimes indirectes, soit les parents, frères et soeurs.
Avec le Mediator – dont le procès-fleuve s’est clos en juillet, pour un jugement attendu en mars – la Dépakine est l’un des plus retentissants scandales sanitaires en France ces dernières années.
Avec AFP